De l'étau répressif qui se resserre à Poitiers...
Depuis environ un an, les possibles de nos existences, en ce qu’elles ont de politique, s’amenuisent dans la ville de Poitiers.
Dans cette municipalité qui tend à s’aseptiser décret après décret, la proximité entre policiers et toute personne stigmatisée comme suspecte instaure une tension de plus en plus palpable. Gardes à vue systématiques, procès à répétition, acharnement ciblé, pression psychologique et physique personnalisée (pistage, insultes, violences). Le fichage ADN, qui se banalise dans les commissariats, est un outil de plus dans la volonté de soumettre les individus à une surveillance totale. Face à ce procédé insultant qui va chercher jusque dans notre corps le levier pour nous plaquer sur la grille de l’hyper-contrôle, les refus se multiplient, entraînant des peines qui vont parfois jusqu’à du sursis. L’omniprésence policière permet la mise en place d’un tel dispositif, qui semble essentiellement s’abattre sur une population politisée souvent qualifiée de «marginale». Effectivement, nos existences tentent de défier en permanence cet engrenage gestionnaire, par tous les moyens que nous pouvons inventer afin de s’extraire des cadres prédéfinis. Par nos modes de vie, nous désertons cette mascarade capitaliste qui assouvit chaque jour sa soif de profit au dépens de vies humaines, au nom du «progrès» et de la «cohésion sociale» dans ce système qui se veut sans failles. Nous cherchons à habiter ces failles pour ne pas être un rouage de plus dans le bon fonctionnement des flux marchands et humains. L’acharnement répressif se durcit et vise donc ce type de pratiques pour maintenir cet ordre établi et éliminer toute contestation.
Lors du mouvement étudiant de 2009, un amphi est occupé à la fac de Poitiers. Les principes d’autogestion se mettent en place, créant une dynamique collective. De nouvelles envies naissent suite aux rencontres, aux échanges et aux confrontations des multiples idées qui motivent cette occupation. Le mouvement étudiant se révèle cependant être une impasse au vu des perspectives politiques qui cherchent un nouveau terrain d’expression face à la volonté de récupération des syndicats et autres partis. Il faut viser plus haut, chercher la subversion ailleurs que dans ces murs de consommation du savoir enfermant les cerveaux dans des discours préfabriqués. Après trois mois d’occupation, l’amphi se vide et l’envie d’ouvrir un lieu pour généraliser et approfondir cette lutte se dessine. C’est finalement un squat d’habitation qui s’ouvre. Il est expulsé manu militari dix jours plus tard, avant même qu’il n’ai pu devenir ce lieu d’échange et d’impulsions révolutionnaires. La justice s’en mêle, il n’y a plus qu’à cracher les billets pour rembourser ce mode de vie qui n’a visiblement pas son mot à dire dans cette société. Durant toute cette période, le mouvement Anti-pub reprend de plus belle avec la destruction pure et simple des panneaux publicitaires, comme autant de gestes qui s’attaquent frontalement et matériellement à l’expression la plus perverse du capital. La seule raison d’exister de la publicité n’est-elle pas la manipulation de nos désirs, pour qu’ils participent à faire tourner la machine productiviste ? C’est sur ces actions-là que la répression sera la plus intransigeante. Les procès s’enchaînent, les peines sont de plus en plus lourdes, jusqu’à de la prison préventive le temps que ces messieurs pataugent allègrement dans l’enquête. Les activités se calment, les esprits refroidis par cette concentration de mauvaises expériences payées au prix de notre liberté. Guetté-e-s, suivi-e-s, surveillé-e-s, le poids de la justice devient omniprésent, telle une réalité de plomb qui se diffuse dans tous les moments de notre quotidien, une fumée nauséabonde qui s’infiltre dans nos espaces de vie et jusque dans nos amitiés. La protection à tout prix des valeurs de propriété privée et de libéralisme se matérialise alors dans l’absurdité des mesures employées, quand à un bris de vitrine est accolée la possibilité de la prison ferme. Face à nous, les projets ne manquent pas. La construction de la nouvelle prison de Vivonne réveille à nouveau la rébellion que nous portons en nous. Le 10 octobre est donc organisée une journée de lutte contre le système carcéral, qui appelle à débattre et à se rassembler autour de la question de la prison, dans une intention de créer une nouvelle dynamique locale, le tout associé à un appel à une manifestation. Si les objectifs initiaux de cet événement semblent avoir été dépassés dans les actes, puis occultés par le matraquage médiatique qui s’en est suivi, c’est malgré tout un ras-le-bol général qui s’est exprimé ce jour-là, dans des actes plus radicaux qu’à l’ordinaire. Ce qui résonna alors dans les rues de Poitiers, c’est la rage, la volonté de détruire tout ce qui nous écrase, de liquider ce qui nous opprime, d’anéantir ce qui nous tue à petit feu. Là encore la main de la justice pèse lourd dans un procès spectacle où flotte l’odeur fétide de la corruption. Dès l’annonce de la venue du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, il ne faisait aucun doute que les «évènements» de Poitiers allaient devenir pour un temps le nouveau jouet anti-terroriste de l’État policier. Le spectre de «l’ultra-gauche violente» ou de la fantasque «mouvance anarcho-autonome» plane sur ces comparutions immédiates où vont s’enchainer un festival de vices de procédures, des conditions de détention en garde à vue aux faux témoignages des flics, le tout orchestré par un procureur sur-vitaminé à la dope ministérielle. On sent clairement la volonté de rattraper l’impuissance des forces de l’ordre lors de la manifestation. Résultat des courses : des peines surdimensionnées pour tou-te-s les inculpé-e-s… et, ironie du sort, trois camarades qui partent dès la fin de l’audience inaugurer la nouvelle prison de Vivonne contre laquelle nous nous dressions.
Il y aurait bien d’autres choses à dire sur la nébuleuse morbide qui a recouvert les jours et les semaines qui ont suivis le 10 octobre. Ici il s’agit seulement de montrer comment la répression qui s’ensuivit constitue une sorte d’apogée dans l’annihilement de toute résistance politique au sein de notre ville. Notons enfin que ce politique que nous évoquons reçut un ultime coup quand diverses tendances du milieu militant local tentèrent de l’éviscérer des comités de soutien, l’innocentisme devenant la seule «valeur» défendable face au trio crapuleux média-justice-police. Aujourd’hui nous en sommes à aligner les sommes gargantuesques des multiples amendes et dédommagements voués à renflouer les caisses de ceux qui nous oppressent, tandis que sur les corps et les esprits l’épée de Damoclès de la prison pèse comme jamais.
— Dégradation de mobilier urbain (pubs, horodateurs…) : environ 10'500 €, prison préventive (cinq inculpés) ;
— Refus de prélèvement d’ADN : amendes et prison avec sursis (cinq inculpés)
squat : 2480 € (2 inculpés) ;
— Manifestation du 10 octobre 2009 : 4300 € d’amende, 3 ans ½ de sursis, 6 mois de ferme (en totalité pour les huit inculpés).
Dès à présent nous appelons toutes les volontés qui se refusent à la résignation à soutenir tou-te-s les inculpés de cette lutte qui se poursuivra malgré l’oppression étatique.
À tou-te-s les opprimé-e-s ! À tou-te-s les révolté-e-s !
Le combat n’est pas terminé !
Quelques partisan-e-s de la lutte en cours…
Indymedia Poitiers, 6 décembre 2009.