Barcelone : De quoi ont-ils peur ?
Comme quelqu’un l’a fait intelligemment remarquer, aussi bien les organisateurs de l’évènement de la Banque de Discrédrit que les agents actifs des tapages du centre de Barcelone — nous y insistons, sujets différentiables — ne sont pas des abstractions que l ’ on peut réduire et isoler avec des étiquettes aliénantes du type «anti-système» ou «okupas» (squatters) : ce sont vos enfants, «Nous sommes vos enfants», comme ils disaient en Grèce, voilà deux ans, ces foutus garçons et ses filles fichus d’un monde que Vous avez construit et vous nous laissez en héritage, comme une dalle pesante sur nos épaules que nous n’avons pas choisi de porter. Vous l’avez construit, Nous voulons simplement le détruire pour en construire un nouveau à Notre goût, parce que Nous sommes ceux et celles qui avons le vivre. Nous sommes décidés, vous ne Nous arrêterez pas. C’est de cela que vous avez peur. De quoi ont-ils peur ?
Ont-ils réellement peur de quelques dizaines d’«anti-système» d’«okupas» ou comme on veuille les appeler ? Non. Ils n’ont pas peur de quelqu’un, d’un sujet qu’ils réduisent stratégiquement à quatre nuls, une minorité grosse, mais tout de même une minorité, qui aurait trouvé à Barcelone un pôle d’attraction pour leurs envies d’en découdre. Ils ne parlent même pas d’un «mouvement okupa», mais d’«okupas», qui ne se seraient organisés qu’en vue de provoquer des perturbations en profitant de la grève générale. De but en blanc, un mouvement capable de réunir en quelques heures une assemblée quasi-spontanée de 500 personnes qui avaient envie de dire leur mot sur le thème «Quelle est ta grève ?», s’est transformé en un groupe d’énergumènes qui utilise la vitrine du Banesto pour organiser des troubles et s’y réfugier. Cinq cents personnes dont la plupart sans rapport avec les organisateurs de l’okupation.
C’est de ça qu’ils ont peur, qu’après 24 heures d’okupation ce bâtiment central celui-ci est devenu une expérience explosive, un laboratoire social et politique où penser (et agir !) comment continuer à vivre, ou comment récupérer sa vie, depuis une perspective ouverte, globalisante, et surtout maximaliste. Un débordement, qui bien qu’espéré a surpris les organisateurs eux-mêmes. Un débordement qui n’est pas étranger, cela est clair, aux dimensions de l’édifice, à sa situation au beau milieu de la cité, en pleine célébration des fêtes de son saint-patron, ni à son évolution rapide avec les énormes et éloquentes bannières, ou le drapeau pirate qui ornait son sommet à 30 mètres de hauteur, un puissant cri de rébellion.
C’est pour cela que la question n’est pas «de qui» mais «de quoi» ont-ils peur. Ils ont peur de cet évènement potentiellement révolutionnaire. En tout cas, s’ils ont peur de quelqu’un, c’est des gens qui sont en train d’apprendre à donner une réponse à la précarité de la vie, à la misère et à l’ennui, d’une manière organisée. Et c’est sur ces gens que peut tomber la répression, mais non pas parce qu’ils auraient brûlé quatre conteneurs à poubelles ou jeté quatre caillasses sur la police, mais parce qu’ils sont les agents actifs de ce mouvement qui a peu de chose à voir avec l’éclat insurrectionnel du 29 au soir, fruit d’une rage générale contenue et de la générale qui ne cesse de croître grâce à l’action consciente et conjuguée des pouvoirs politiques et économiques. Ceux qui ont brûlé les conteneurs, cassé les vitrines, lancé des cailloux aux policiers étaient un nombre croissant d’individualités anonymes qui s’ajoutaient à la fête de feu poussés spontanément par la force du moment, une force qui faisait perdre la crainte à la multitude peu habituée à ce genre d’actions. C’était une masse énorme de gens quelconques qui sous la capuche donnaient tout pour arriver à tout.
Comme quelqu’un l’a fait intelligemment remarquer, aussi bien les organisateurs de l’évènement de la Banque de Discrédit que les agents actifs des tapages du centre de Barcelone — nous y insistons, sujets différentiables — ne sont pas des abstractions que l’on peut réduire et isoler avec des étiquettes aliénantes du type «anti-système» ou «okupas» (squatters) : ce sont vos enfants, «Nous sommes vos enfants», comme ils disaient en Grèce, voilà deux ans, ces foutus garçons et ces filles fichus d’un monde que Vous avez construit et vous nous laissez en héritage, comme une dalle pesante sur nos épaules que nous n’avons pas choisi de porter. Vous l’avez construit, Nous voulons simplement le détruire pour en construire un nouveau à Notre goût, parce que Nous sommes ceux et celles qui avons le vivre. Nous sommes décidés, vous ne Nous arrêterez pas. C’est de cela que vous avez peur.
Quiconque, 2 octobre 2010.