Poitiers : l'expédition punitive et le rêve de Vidocq

Publié le par la Rédaction

Rap conscient et partie de chasse

Les tribulations d’un groupe engagé en proie au couvre(horte)-feu par E-one d’Eskicit (groupe en résidence au 2PC l’an dernier, deuxième album en préparation), La K-Bine, Bboykonsian, depuis Poitiers.

Chers amis, camarades,

Cela fait maintenant deux ans que nous tournons en France et en Europe sur la scène alternative afin de diffuser notre musique, un rap militant, révolutionnaire et libertaire, peu importe les qualificatifs forcément réducteurs, simplement l’expression d’une révolte impossible à négocier. Par choix et par affinités, nous nous sommes retrouvés proches des milieux punk-rock, anars, à jouer dans des centres culturels alternatifs, squats autogérés ou lors de manifestations.

La semaine dernière nous étions à Poitiers pour un concert de soutien anti carcéral au «23», 23 rue de paris. Vers 20 heures la police investit les lieux brutalement, forçant toutes les personnes présentes à se mettre à genoux, mains sur la tête. Certains d’entre nous sont violentés et forcés de s’allonger face contre sol. Nous sommes palpés et contrôlés, les identités sont relevées et les adresses soigneusement notées. Après environ quatre heures d’attente par terre dans la cour de l’immeuble et diverses formes d’humiliations, nous sommes appelés un par un pour être photographiés par la police scientifique. Enfin les flics ne nous permettent de récupérer le matériel qu’une fois l’opération de police terminée. Seulement une fois l’opération de police terminée, de retour dans la salle, nous trouvons l’ensemble du matériel noyé dans la bière (platines, table de mixage, mixette…), dont une partie ostensiblement matraquée. Bref un sabotage en bonne et due forme après ce qui s’apparente clairement à une expédition punitive.

Ces évènements sont révélateurs des méthodes arbitraires légitimées par un pouvoir qui ne se cache plus et agit sur tous les fronts (sans-papiers, chômeurs, grévistes, squatteurs, artistes…) pour réprimer toujours plus durement la contestation. Deux jours plus tard certains manifestants passent en comparution immédiates et écopent de prison ferme pour des faits mineurs (dégradations, jet de briquet…) et ce sans casiers judiciaires préalables.

Nos camarades en prison, les descentes, les rafles, la chasse aux sorcières de l’«anarcho-autonome», du sans-papier, du marginal, constituent le vrai visage de cette démocratie de façade, république dictatoriale. Triste oxymore. Un jour viendra où ils n’attendront plus une manifestation qui dégénère pour venir nous chercher. Ce jour-là, plus proche qu’on ne le croit, ils nous enfermeront pour notre mode de vie, notre culture, nos idées.

Ce jour-là, ils nous enfermeront simplement pour ce que nous sommes et ce que nous représentons. Rien d’autre. Car comme nous l’a si bien dit le commissaire divisionnaire lorsque nous étions à genoux, mains sur la tête, le regard plein de rage : «vous savez pourquoi vous êtes là».

Salutations libertaires,

E.one pour Eskicit , La K-Bine, Bboykonsian, 26 octobre 2009.

PS
: Étaient présents ce soir-là à l’initiative de l’association du 23 les artistes suivants: La K.Bine, E.one (Eskicit), Kyma, Black cat, In Vinas Verito. Plus d’infos sur les groupes et évènements à venir.


Aux Coucous de Poitiers
À propos du communiqué de Coucous au Monde


Alors, comme ça, vous avez fondu sur Poitiers à la Cosaque à l’occasion d’une manif contre les prisons ! Vos chevaux piaffants ont piétiné son ventre bourgeois ; vos sabres ont éventré sa «matrice». Vous êtes les Attila de notre époque néronienne. Derrière vous, les pelouses synthétiques ne repoussent plus.

Tant pis si ceux dont vous avez coucoufié le mouvement ont pris, suite à cela, de méchantes baffes. C’était des cons, trop mous, trop gentils. Vous leur avez montré ce que c’est qu’être un révolutionnaire radical. Qu’importe ce qui a pu leur tomber sur la gueule après votre passage. Ils l’avaient mérité. S’ils avaient été comme vous, ça ne leur serait pas arrivé.

Voilà, sûrement, ce que vous pensez, Coucous bas.

Relativisons : 18 vitrines brisées et toutes remplacées dès le lendemain matin (Les commerçants sont assurés. Les banquiers, surtout, le sont fort bien). Si le capital à tremblé, ce n’est pas au point de renverser son cognac.

Par contre, la rafle flicarde, elle, a mieux payé : tout le projet saboté, un local saccagé, un tas de gens maltraités, 18 inculpés (un par vitrine ?) dont neuf condamnés en comparution immédiate à des peines de prison allant jusqu’à un quatre mois ferme.

Tout bénef aussi pour les fabricants d’épouvantails «anarcho-autonomes» : l’«émeute» claironnée dans tous les médias, les ministres ran-tan-plan sur le pont, et, dans la foulée, une Xième loi «sécuritaire» qui passe les doigts dans le nez ; un durcissement de plus de l’arsenal répressif servant à écraser les moindres velléités de rébellion ou même de simple «protestation» humble contre le despotisme régnant.

Grande victoire, camarades Coucous ! Un embryon de résistance cassé dans l’œuf et les dompteurs du populo qui en sortent renforcés. Ça valait le coup que vous interveniez !

Certains, après ça, parmi les révoltés contre l’ordure capitaliste, vous imaginent flics déguisés. Il y en a toujours, c’est vrai, à tous les coins de rue de la moindre «manif», poussant à l’acte répréhensible pour mieux casser les insoumis, aussi peu méchants soient-ils. Et, ces derniers temps, ils se multiplient. Normal : face à la colère qui monte que pourraient-ils faire d’autre qu’essayer, comme toujours, de la piéger ?

Mais vous n’avez pas besoin d’être de la maison poulaga pour agir conformément à ses attentes. Pas besoin de vous encarter, de vous payer. Spontanément et d’un bel élan vous faites ce qui l’arrange, en étant persuadés de lui nuire. C’est pas beau ça. Un vrai rêve de Vidocq.

Et pourquoi le faites-vous ? Parce que vous vous croyez l’avant-garde, la bande de détonateurs qui va faire péter la colère populaire et la guider vers les vraies cibles, les bonnes formes d’action. Sous vos masques et vos proses anars et néo-situs, vous êtes de petits bolcheviks. Comme les maos d’hier vous pensez éclairer par vos actes exemplaires la conscience confuse des prolos que vous trouvez trop englués dans leur soumission. Vous vous glissez, en Coucous, dans le nid de leurs mouvements et de leurs manifs en pensant les radicaliser par vos petites attaques éclair. Et, une fois votre caca fait, vous vous tirez sans vous préoccuper de ce qui arrive à ceux que vous avez foutus ainsi dans la merde. Et vous en êtes fiers, vous «revendiquez» cette vacherie.

Vous n’êtes pas des rebelles s’organisant entre eux pour mettre bas le monde qui les opprime. Vous êtes des militants comme ceux des partis que vous conchiez ; des missionnaires de la «vérité» à capuche ; des petits croisés de la foi qui pense abattre des montagnes en dérangeant un peu deux ou trois rats. Vous n’allez pas au baston pour soulager votre colère. Vous y allez pour montrer au populo ce qu’il faut faire ; pour «radicaliser» la situation par vos interventions.

Et, ce que vous réussissez surtout à radicaliser, c’est la répression.

Car, si le détonateur est le seul à détonner dans une situation qu’il croit explosive, c’est que, plus sûrement, il déconne. La situation qu’il voit mûre pour l’insurrection elle est peut être encore trop verte ou déjà trop blette. En tous cas : sans répondant à son étincelle. Pour la faire péter, y a pas mèche.

Quand l’insurrection n’est pas là on ne la fabrique pas sur l’établi du club des cinq. D’autres s’y sont essayés qui l’ont payé fort cher. Certains agonisent encore dans les Bastilles de «l’ordre».Tandis que ceux qui les poussaient hier à la bagarre, avec tout le flamboyant jargon adéquat, paradent comme ministres et leur chient dessus en abondance. Ça donne à réfléchir. Ceux que vous coucoufiez ont peut être raison de vouloir construire un mouvement solide (avec toutes les difficultés que ça présente pour allier des disparités) pour ne pas se lancer dans la bagarre sans biscuits, plutôt que de jouer les Rambo de pacotille dans les rangs d’une «autonomie» qui n’a même pas assez d’audace pour agir seule et contre des cibles un peu moins dérisoires !

Mais peut-être aussi que, si le populo ne répond pas à vos incitations, c’est qu’il est plus autonome que vous ne le pensez, et n’est pas d’humeur à se laisser mener par qui que ce soit. Le coup des éclaireurs du peuple, on lui a déjà fait. Il n’a pas forcément envie de rempiler. Surtout derrière des semeurs de castagne qui se tirent dès que ça chauffe et le laissent face aux cognes.

Mais les Jacques, les Canuts, les Communards, n’ont pas eu besoin de pousseurs de boutons insurrectionnels pour se fâcher contre ce qui les opprimait et le mettre à bas d’assez belle manière. Et, en 68, les gauchistes de tous genres se demandaient d’où pouvait bien venir ce soulèvement qui ne répondait à aucun de leurs «mots d’ordre», et comment ils pourraient bien le contrôler. Préoccupation qui leur valut pas mal de rires et quelques baffes.

Les révolutions véritables, celles qui ne sont pas des coups d’État déguisés, ont toujours surpris et dérangé les «révolutionnaires». C’est tant mieux.

Rien ne dit que ça ne se reproduira pas.

Mais si ça arrive, petits Coucous, il faudra peut être que vous fassiez attention à ne pas vous faire voler dans les plumes. Avant cela, vous devriez plutôt vous volatiliser. C’est ce que vous faites de mieux.

Coucou, c’est moi :
Jacques Bonhomme Junior.
Indymedia Nantes, 4 novembre 2009.
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