Après l'évacuation du siège de la FNTP, la grève des travailleurs sans papiers continue

Publié le par la Rédaction

Les 312 sans-papiers de la rue de Berri expulsés

Ils auront tenu dix-huit jours. Trois cent douze sans-papiers grévistes ont été expulsés, hier, du siège social de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), qu'ils occupaient depuis le 13 octobre à deux pas des Champs-Élysées (8e).

Le tribunal de grande instance de Paris avait, la veille, ordonné aux sans-papiers de quitter les lieux. Après être sortis dans le calme, peu après 16 heures, ils se sont assis devant l’immeuble, bloquant la rue de Berri pendant plusieurs heures. «Nous resterons ici jusqu
à notre régularisation», assure Konaté Kandioura, un des leaders du mouvement. Mais le dispositif impressionnant de la préfecture de police, qui a mobilisé une quinzaine de fourgonnettes et un bus de CRS, a rapidement découragé ceux qui voulaient passer la nuit sur la chaussée.

«C
est une décision de justice. On ne discute pas avec la justice. Maintenant, il faut partir», scande un sans-papiers à quelques-uns de ses camarades, se dispersant dans le calme, djembé au cou et sifflet dans la bouche.

«C
était devenu impossible. On devait annuler toutes nos réunions. Plus personne ne pouvait travailler», explique un porte-parole de la FNTP.

Depuis deux semaines, près de 4000 travailleurs sans papiers se seraient mis en grève en Ile-de-France et occuperaient une quarantaine de sites symboliques des secteurs du nettoyage, de la restauration ou des bâtiments publics. Ils dénoncent notamment l
«arbitraire préfectoral» dans lexamen des dossiers de régularisation par le travail.

Leur presse (William Molinié, 20 minutes), 29 octobre 2009.



Fin de l
occupation du siège de la FNTP par des sans-papiers

Les forces de lordre ont procédé mercredi 28 octobre dans laprès-midi à lévacuation des sans-papiers qui occupaient depuis 18 jours le siège de la Fédération Nationale des Travaux Publics.

Cette évacuation qui s
est déroulée dans le calme est intervenue en application dune ordonnance prise le 27 octobre par le Tribunal de Grande Instance de Paris et met fin à 18 jours doccupation par plus de 200 sans-papiers, sous la responsabilité revendiquée de la CGT.

Dans un communiqué, la FNTP a souligné que «la question de l
harmonisation des règles de régularisation des salariés en situation irrégulière relevant de la seule responsabilité du gouvernement (…) loccupation de son siège navait aucune justification».

Patrick Bernasconi, président de la FNTP a demandé aux pouvoirs publics, «responsables de la politique d
immigration», de prendre au plus vite «des mesures concrètes pour résoudre les problèmes posés par la mise en œuvre des textes législatifs et réglementaires récents sur limmigration de travail».

Leur presse (AP), 28 octobre.


France : des sans-papiers évacués du siège d’un syndicat patronal
Négociations en cours pour une circulaire de régularisation après plus de deux semaines de grève

Des travailleurs sans papiers du bâtiment ont été évacués mercredi du siège du syndicat patronal de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), occupé depuis 16 jours. Les grévistes espèrent leur régularisation, pour pouvoir bénéficier de la sécurité sociale et de la retraite pour lesquelles ils cotisent. La FNTP tente de se dissocier du mouvement, pour éviter que ne soient trop évoquées les pratiques d’exploitation des sans-papiers dans le secteur du BTP.

L’ambiance est tendue, ce mercredi, au siège parisien du syndicat patronal de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). Les sans-papiers qui l’occupent depuis le 12 octobre savent que la police doit les en déloger sous peu. Une ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris leur a en effet donné la veille l’ordre d’évacuer les lieux dès 14 heures.

Le matin même, un autre lieu de la capitale a déjà été évacué par les forces de l’ordre. Les sans-papiers ont ensuite occupé pendant deux heures le siège de la Fédération française du bâtiment (FFB), l’autre syndicat patronal du BTP, jusqu’à l’intervention de la police.

Des sans-papiers qui cotisent sans être protégés


«Je suis rentré le premier», dit Benyahia, du syndicat CGT Construction, qui ajoute : «Nous étions 150 le premier jour, nous sommes désormais environ 500». Les relations avec la FNTP se sont jusque-là bien passées, assure-t-il. L’organisation a évacué le 22 octobre son personnel «pour des raisons de sécurité». Mais, selon Benyahia, «les gens continuent de travailler normalement, c’est pour avoir un prétexte devant le juge que la direction de la FNTP l’a fait».

Les travailleurs présents sont en majorité des hommes d’Afrique subsaharienne, avec également quelques Maghrébins. Travailleurs du bâtiment, ils n’espèrent qu’une chose : que leur lutte les mène à la régularisation. Plusieurs Maliens sont assis dans les fauteuils design du hall d’entrée ; deux d’entre eux acceptent de raconter leur expérience. Sakomima, 23 ans, est arrivé en France en 2004. Il explique avoir travaillé avec les papiers d’un ami, mais être désormais «en galère». «Sans papiers, je ne peux pas travailler. Comment manger alors ? Je n’ai pas le droit de voler !», s’exclame-t-il.

Tout comme Moussa, 38 ans, Sakomima insiste sur le fait qu’il paye des impôts en travaillant. C’est ce que Benyahia appelle le «salaire différé», c’est-à-dire la part de cotisations sociales qui ouvre en théorie la porte à des prestations comme la sécurité sociale ou la retraite. «Mais, quand on est sans papiers, on paye sans rien toucher !», s’indigne-t-il.


La discrétion de la FNTP

Tout d’un coup, quelqu’un entre et crie : «La police arrive !» Quelques minutes plus tard, une centaine d’hommes interviennent, principalement des gendarmes. Beaucoup sont chargés de parcourir le bâtiment à la recherche de récalcitrants. Mais l’évacuation se fait dans un calme relatif. Chacun savait ce qui devait arriver et certains, comme Moussa, sont des vétérans de la lutte pour la régularisation.

Seul un représentant de la FNTP se montre très énervé, alors que pénètrent les forces de l’ordre. «Pas de journalistes, pas de journalistes !», répète-t-il de manière agressive. Le syndicat patronal semble craindre fortement pour son image. Le logo de l’organisation a été retiré du mur du bâtiment.

La FNTP, épinglée en 2008 par Rue89 pour son système abusif de caisses de congés payés, entend éloigner toute menace de polémique. Sa ligne de défense est que les revendications des travailleurs concernent uniquement le gouvernement. Le syndicat patronal annonce ne pas comprendre la raison pour laquelle son siège a été occupé.

Il a pourtant maintes fois été prouvé que de nombreux employeurs du bâtiment profitent sciemment de la situation des travailleurs en situation irrégulière. «Il s’agit pour eux de réduire le coût de production», explique Benyahia. Fin 2008, sur le plateau de l’émission télévisée «Les Infiltrés», diffusée sur France 2, le secrétaire général de la CGT Construction, Éric Aubin, affirmait que lors d’une réunion de travail, un responsable de la FNTP lui avait déclaré que les sans-papiers avaient tout à fait leur utilité en ces temps de crise, car les travailleurs en situation légale étaient rassurés de savoir qu’ils n’allaient pas être les premiers touchés par les licenciements.



La sous-traitance est le biais couramment utilisé par des grands groupes du BTP pour échapper aux responsabilités légales. Les employeurs ferment les yeux sur la situation des sans-papiers, et les renvoient d’un claquement de doigts quand ils n’en veulent plus.
«J’ai travaillé 8 ans et demi dans la même boîte, puis un jour mon patron m’a dit que mes papiers n’étaient pas valides», explique Moussa.

Lutte des sans-papiers «acte II» : vers une circulaire

Le mouvement des sans-papiers, qui s’étend depuis le 12 octobre à toute la région parisienne, a pris le nom d’«acte II», en référence à la fructueuse lutte de 2008. 4100 travailleurs se sont progressivement mobilisés, et occupent aujourd’hui une quarantaine de sites. Sont principalement touchés les secteurs précaires de l’intérim, de la restauration, du BTP, du nettoyage et de la sécurité. Deux cents femmes travaillant dans l’aide à la personne ont également rejoint le mouvement.

La grève a commencé suite à l’absence de réponse du Premier ministre à une lettre, envoyée le 1er octobre par un collectif de 5 syndicats (CGT, FSU, Solidaires, CFDT, UNSA) et 6 associations (LDH, Cimade, Femmes Égalité, Autremonde, RESF, Droits Devant !!). Celle-ci pose la revendication que soit rédigée une circulaire ministérielle de régularisation. «Les critères de régularisation varient suivant les préfectures, justifie Benyahia, nous voulons donc une décision centralisée.» Le Conseil d’État a annulé vendredi la précédente circulaire, datant de 2008, celle dont l’application est critiquée.

Plusieurs réunions ont eu lieu au ministère de l’Immigration. Les discussions portent désormais sur le contenu de la nouvelle circulaire et les critères de régularisation. La prochaine se tiendra vendredi. Malgré la vigueur du mouvement, qui pousse le gouvernement à la négociation, la couverture médiatique française reste relativement faible.


Denis Carlier - Afrik.com, 29 octobre.

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