Action contre le fichage politique à Lausanne

Pour dénoncer le fichage généralisé, le Collectif casseurs-euses de préjugés détourne les héros de BD, à Lausanne.
Le Collectif casseurs-euses de préjugés s’est fait connaître en juin dernier, défilant à Lausanne contre les «lois anticagoules» et les mesures policières déployées lors du défilé du 1er Mai. Il est réapparu hier dans un genre plus décalé. Dissimulés derrière un masque blanc, ses membres ont collé une centaine d’affiches place Chauderon, à Lausanne, pour protester contre le fichage policier. «118.000 personnes sont fichées en Suisse. Nous en offrons 100 de plus à la police fédérale. Si elle parvient à les identifier…» sourit le syndicaliste Aristides Pedrazza.
Le collectif a en effet affiché des hordes de héros de bande dessinée. Mais tous sont masqués : Spider-Man, Batman, un Bob l’Eponge masqué, un Calvin sans Hobbes mais masqué, le Concombre masqué. «On criminalise les manifestants encagoulés, commente Aristides Pedrazza. Or la BD nous montre que beaucoup de personnages masqués ne sont pas des criminels mais des justiciers. »

6000 Suisses fichés
Avec cette action, le collectif espérait délivrer son message. «La Suisse est toujours frappée d’hyperfichie, tonne Aristides Pedrazza. Tous ceux qui critiquent le système ou osent être à la gauche des socialistes peuvent être surveillés. On veut savoir qui fiche qui, et avoir accès aux données de la police fédérale. Qui ne me fera pas croire qu’il y a 118.000 dangereux membres d’Al-Qaida en Suisse!»

Fin octobre, Berne a en effet annoncé que 118.000 personnes, dont 6000 Suisses, sont enregistrées dans la base de données des services secrets intérieurs. Le Service d’analyse et de prévention précisant que sa mission est de réunir des données liées au terrorisme, à l’espionnage, à l’extrémisme violent, au matériel nucléaire et au trafic d’armes. Reste que ceux qui veulent savoir s’ils figurent dans le fichier peuvent déposer une demande auprès du préposé fédéral à la protection des données. En comparaison, lors du fameux scandale des fiches, en 1989, on apprenait que 900.000 personnes avaient été fichées durant la guerre froide.
Leur presse (Renaud Michiels, Le Matin), 10 novembre 2009.
Lausanne : Des héros masqués singent le fichage
Le Collectif casseurs et casseuses de pré-jugés a affiché, hier à Chauderon, une centaine de portraits de héros de BD masqués. Leur action dénonce le fichage de manifestants au visage camouflé. «Nous nous moquons de la fichite aiguë qui rattrappe ce pays, ironise le syndicaliste Aristides Pedraza. La publication de ces portraits accroîtra de 100 unités les 118.000 personnes fichées par la police.»
Leur presse (20 minutes), 10 novembre.
118'000 personnes fichées en Suisse
Les services secrets intérieurs étoffent continuellement leur base de données. À fin août, plus de 118'000 personnes y étaient enregistrées, dont quelque 6000 citoyens suisses. Il y a trois ans et demi, les profils fichés étaient au nombre de 100'000 au total, dont 4000 Suisses.
Le développement du système de traitement des données relatives à la protection de l’État (ISIS) a contribué à cette évolution, a expliqué le Service d’analyse et de prévention (SAP) vendredi lors d’une journée d’information. Cette entité a pour mission de réunir des informations concernant le terrorisme, l’espionnage, l’extrémisme violent, le matériel nucléaire et le trafic d’armes.
ISIS n’est pas une «banque de données de suspects», a précisé Philipp Kronig, responsable de la gestion des données. Environ un tiers des entrées sont d’ailleurs effacées après un contrôle de pertinence.
Le service met un accent particulier sur l’espionnage, phénomène beaucoup plus répandu que ce que l’on pense généralement. Il existe dans les entreprises actives dans les technologies complexes mais aussi dans les hautes écoles.
Les particuliers désirant savoir s’ils figurent dans ISIS peuvent déposer une demande auprès du préposé fédéral à la protection des données. Mais selon Philipp Kronig, une personne n’apprend généralement son fichage que lorsqu’il n’est déjà plus d’actualité.
Leur presse (swissinfo.ch), 23 octobre.
Assez de répression, assez de criminalisation pour celles et ceux qui résistent ! Libertés pour nos luttes !
Manifestation
Mardi 9 juin, 17h30, à la place de la Palud, Lausanne
Venez toutes et tous masquéEs à votre fantaisie !
De plus en plus souvent, de plus en plus durement, nous sommes fichéEs, contrôléEs, harceléEs, amendéEs.
Ce 1er mai 2009 à Lausanne, il n’y avait aucun des prétextes habituels aux interventions policières. Pourtant, un tronçon de la manifestation a été razzié, réduit avec toute la puissance de l’appareil policier et fiché. Parmi les personnes arrêtées le 1er mai, il y avait deux enfants. Les personnes qui ont protesté contre cette action ont également été largement filmées et photographiées.
Nous ne nous laisserons pas faire. Nous ne laisserons pas liquider un à un les droits fondamentaux conquis dans la lutte. Nous ne laisserons pas censurer, diviser et briser notre résistance contre ce système. Nous refusons de devenir les policiers-ères les unEs des autres pour satisfaire les exigences du pouvoir.
Nous nous opposons à tout fichage politique.
Nous exigeons :
1. Que soient détruits tous les éléments de fichage accumulés par la police le 1er mai,
2. Que soient précisés les démarches et le cadre légal du fichage politique contre les personnes et les collectifs qui luttent dans cette ville et ce canton,
3. Que le préposé cantonal à la surveillance et la protection des données soit mandaté pour faire une enquête précise sur l’ensemble de l’action répressive du 1er mai, vu la présence de la police cantonale à cette occasion,
4. Que toutes les fiches soient communiquées aux personnes concernées et détruites,
5. Que les droits démocratiques fondamentaux soient reconnus et que le pouvoir s’engage publiquement à les respecter et en particulier que le droit de manifestation soit garanti.

L’intervention des forces de l’ordre, en ce 1er mai 2009, relève de la responsabilité de la Municipalité de Lausanne. Le pouvoir soutient qu’il s’agissait d’une intervention «préventive». La vérité c’est que les personnes arrêtées l’ont été pour ce qu’elles disaient et pensaient, pour la manière dont elles étaient habillées, pour leur aspect, sans doute pour leur culture et leurs opinions. Une logique de police politique est revendiquée par cette même Municipalité qui limite les droits syndicaux de ses employés-es et exerce une pression systématique contre leur liberté d’expression. C’est aussi cette Municipalité qui met sur pied une unité de fichage contre les usagerEs du RI — de son propre aveu «une des plus dures de Suisse» — sous prétexte de lutter contre des fraudes et des abus qui relèvent bien plus souvent de la disqualification des pauvres que de la réalité des faits.
Ne nous faisons aucune illusion. Ce qui s’est passé le 1er mai 2009 à Lausanne n’est pas une bavure. C’est une action commandée par le pouvoir politique. Elle relève d’une stratégie d’ensemble. On a arrêté des manifestantEs jeunes, dont sept mineurEs. La police a fiché de tous les âges, de convictions diverses mais solidaires de la liberté de s’exprimer, de s’organiser et de manifester et du droit de lutter.
Dans ce pays, on ne condamne pas que tel groupe de manifestantEs décrit par le pouvoir comme potentiellement «casseurs ou dangereux». On condamne les gens qui sont sur les piquets de grève. On met en procès les gens qui distribuent des tracts aux portes des entreprises, sur le domaine soi-disant privé des capitalistes. On sanctionne des gens qui occupent des maisons et des espaces pour pouvoir vivre. Les patrons licencient les gens qui organisent les syndicats dans les entreprises tandis que l’État défend les lois injustes qui leur permettent de le faire. On punit ou on menace celles et ceux qui construisent des maisons de paille ou qui entretiennent des jardins autogérés. Tout ce qui n’est pas accepté par le pouvoir, tout ce qui exprime une résistance ou une alternative est suspect, surveillé et réprimé.
L’État construit pas à pas une guerre sociale contre toutes les résistances qui contestent le fonctionnement et les objectifs de ce système. La répression du 1er mai à Lausanne est un signe pour toutes celles et tous ceux qui sont partie prenante des résistances populaires.
Des milliers de femmes et d’hommes se sont engagéEs pour que nous puissions manifester librement le 1er mai, journée internationale de luttes et de revendications du monde du travail. En attaquant cette manifestation, le pouvoir nous envoie un message clair : toutes les luttes sociales sont dans son collimateur.
Les lois, le droit et l’État sont très souvent injustes et inégalitaires. On ne traite pas de la même manière celles et ceux qui ont l’argent et la puissance face à celles et ceux d’en bas. Pour celles et ceux d’en bas, la suspicion, le contrôle, la surveillance, la répression. Pour celles et ceux d’en haut, la tolérance, et un système qui fonctionne tout entier à leur profit. Quand donc sont sanctionnéEs les patronNEs qui violent les conventions collectives, ceux et celles qui imposent des conditions de travail porteuses d’accidents, de mutilation et de mort ? Ceux et celles qui paient des salaires de misère ? Ceux et celles qui licencient les salariéEs qui contestent et qui s’organisent ?
Le même État qui donne 68 milliards de garantie à l’UBS, refuse d’instituer des garanties légales contre le licenciement des déléguéEs syndicaux-ales. Le pouvoir qui verse des misères d’aide sociale et ne fait rien contre les patronNEs qui font les «working poors». L’État accuse systématiquement d’abus celles et ceux qui «bénéficient» de l’aide sociale ou des prestations des assurances. Aux usagers-ères du Revenu d’insertion (RI), la surveillance et les contrôles. Aux entreprises à bas salaire, le silence et le consentement.
Dans sa besogne répressive l’État n’agit pas seul. Et si des camarades qui soutiennent simplement une action de migrantEs sont inculpés d’organisation de manifestation non autorisée, ce sont des polices politiques privées au service de grandes entreprises capitalistes et d’organisations qui fliquent les mouvements comme ATTAC et le Groupe anti-répression.
Il y a la répression de plus en plus ouverte contre celles et ceux qui résistent. Mais il y a bien davantage un travail permanent du pouvoir pour imposer la soumission et le silence aux classes populaires. Le projet de loi contre les cagoules qui va jusqu’à sanctionner la complicité pour se masquer ne relève pas seulement du délire sécuritaire de ce système. Il veut nous intimider toutes et tous et forcer chacunE à porter le masque de la soumission.
Collectif «casseurs/casseuses de pré-jugé», juin 2009.