Action anti-vidéoflicage à Dijon
Un canular sur la vidéosurveillance questionne les Dijonnais
La Mairie piégée par un détracteur masqué
L’histoire vraie de Georges Smith
Dans cette lettre reçue par les résidents du centre-ville, rien ne laisse supposer qu’il s’agit en réalité d’un canular. Absolument tout a été pensé pour que les Dijonnais tombent dans le panneau. La présentation est en effet la copie conforme d’un papier 100% officiel : le logo de la Ville, la mise en page très administrative, le ton sérieux et même la signature de l’attaché de la communication, un certain Georges Smith… En composant le numéro de téléphone indiqué au bas de la lettre, les Dijonnais tombent sur la véritable Direction de la Tranquillité Publique : «Et je peux vous dire que je ne m’appelle pas Georges Smith…», annonce d’emblée un employé du service ayant souhaité rester anonyme. Apparemment, les services de la Ville sont au courant. «Vous n’êtes pas les premiers à nous questionner, au moins une dizaine de personnes nous ont déjà appelés pour s’assurer qu’il s’agissait d’un canular.»
Surveiller «vos allées et venues»
À y regarder de plus près, le faux est flagrant. «Le logo est affublé de cornes méphistophéliques, et puis il y a une grosse faute d’orthographe à “Tranquillité”», commente l’employé. Quant au contenu, il ne fait guère de doute que la Mairie n’en est pas l’auteur… Morceaux choisis : «Vous n’êtes pas sans savoir que notre commune souhaite désormais privilégier les moyens modernes de répression, plutôt que des mesures d’égalité sociale devenues trop coûteuses, complexes et archaïques. (…) Désormais, toutes vos allées et venues (ainsi que celles des personnes vous rendant visite) seront filmées en permanence…»
Un canular passible d’un an d’emprisonnement
«Nous ne savons pas qui est derrière tout cela, affirme l’employé. Mais le service juridique de la Ville se réserve le droit d’entamer une action en justice.» Une usurpation de fonction comme celle-ci relève en effet de l’article 433.13 du code pénal, qui prévoit notamment un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende à l’encontre du contrevenant. «En tout cas, c’est très astucieux ce qu’il a fait. Je suis certain que devant la Justice, cette personne se défendrait en affirmant que la méprise avec un réel document administratif est impossible», ajoute cet authentique mais anonyme employé de la Direction de la Tranquillité publique.
À moins qu’il ne s’agisse en réalité du fameux Georges Smith… «La vérité est toujours ailleurs», avait l’habitude de dire un personnage d’une célèbre série de science-fiction.
Contribution de Gil scott heron au débat «Vidéosurveillance à Dijon : tous acteurs ?»
ARTICLE PREMIER. — La destination de l’espace public est l’échange et la circulation des marchandises. Comme toutes les autres marchandises, les hommes s’y déplacent librement.
ARTICLE DEUX. — L’espace public est l’espace qui n’appartient à personne. Ce qui n’appartient à personne appartient à l’État. L’État concède à la sémiocratie marchande l’occupation de l’espace susdit.
ARTICLE TROIS. — Les bureaux sont faits pour travailler. La plage est faite pour bronzer. Ceux qui veulent s’amuser vont de leur plein gré dans les espaces de loisir, discothèques et autres luna-parks aménagés à cet effet. Dans la bibliothèque, il y a les livres. Dans les hospices, il y a les vieux. Dans les pavillons, il y a les familles. La vie est faite de moments détachables. Chaque moment a sa place. Tout est en ordre. Nul ne s’en plaint.
ARTICLE TROIS BIS. — Le désordre aussi a sa fonction spéciale. Il rentre dans l’Intégrale, à l’emplacement prévu pour les évènements imprévus. Pour le bien-être de tous, les citoyens sont invités à se trouver sur la voie publique lors des fêtes organisées à leur attention, à intervalles réguliers, par les services du Ministère de l’Intérieur et de la Culture. Nos agents d’ambiance sont là pour vous servir. Il n’est pas interdit d’être aimable avec eux, même si vous êtes en règle.
ARTICLE QUATRE. — À chaque enfant est assigné un adulte-référent. Cet adulte est responsable devant la Loi du comportement de l’enfant qui lui est attribué. En raison de leur formation psycho-sociale encore incomplète, et dans l’intérêt même de leur développement, les enfants n’ont pas lieu de jouer dans l’espace public hors de la surveillance de leurs adultes-référents. En tout état de cause, les enfants se classent en deux groupes : les hypercinétiques, qui reçoivent de la Ritaline, et les hypocinétiques, qu’il convient de placer sous Prozac.
ARTICLE CINQ. — Dans un souci de préservation du paysage et de respect de l’ambiance sociale, il paraît souhaitable que les corps non conformes aux normes esthético-sanitaires en vigueur, publiées quotidiennement dans la presse nationale, s’abstiennent de circuler dans les lieux publics entre neuf heures et vingt heures trente. Durant cette tranche horaire, les mendiants seront en revanche tolérés aux heures de plus forte affluence, où ils participent à l’édification de tous, par l’exemple repoussant qu’ils constituent.
ARTICLE SIX. — Le but de la vie est le bonheur. Le bonheur est une donnée objective qui se mesure en quantités exactes. Or chacun le sait de nos jours : là où règne la transparence, règne le bonheur ; ce qui ne cherche pas à se montrer cherche seulement, par là, à se cacher ; et tout ce qui cherche à se cacher doit être tenu pour suspect. Il est par conséquent du devoir d’ingérence du Biopouvoir de faire disparaître toute opacité de votre vie. Le Biopouvoir veut votre bonheur. S’il le faut, il le voudra contre vous.
ARTICLE SEPT. — Pour la sécurité de tous, il convient que l’espace public soit intégralement surveillé. Là où le contrôle demeure imparfait, la foule est invitée à réprimer en son sein tout comportement contraire à la dignité humaine. Tout rassemblement anonyme, toute conduite anormale devront donc être signalés aux patrouilles de l’Action Préventive de Proximité (A.P.P.). Dénoncer les agents du Parti Imaginaire parmi nous, c’est un devoir citoyen, c’est agir pour leur bien, et pour le bien de tous.
ARTICLE HUIT. — L’espace public est un espace neutre, c’est-à-dire que toute manifestation d’existence singulière y représente une atteinte à l’intégrité d’autrui. Tout sera désormais mis en œuvre, mobilier urbain, décors adéquats, Contrôle Continu (C.C.), pour rendre impossibles de telles manifestations, dont on sait quelles intolérables nuisances elles occasionnent à nos concitoyens.
ARTICLE NEUF. — Nous remercions l’ensemble de ceux qui, par leur comportement, ont contribué à ce que l’énoncé de ces principes aille de soi.
ARTICLE DIX. — RIEN NE DOIT PLUS ARRIVER.
La Mairie piégée par un détracteur masqué
Les habitants du centre ville ont reçu à la fin du mois dernier une étrange lettre émanant de la «Direction de la Tranquillité Publique». Objet de la missive : informer les résidents du dispositif de la vidéosurveillance… Si la forme est très administrative, le fond est vraiment discutable. Et pour cause : ce ne sont pas les services de la Mairie qui l’ont écrite, mais clairement un opposant au système…
L’histoire vraie de Georges Smith
Dans cette lettre reçue par les résidents du centre-ville, rien ne laisse supposer qu’il s’agit en réalité d’un canular. Absolument tout a été pensé pour que les Dijonnais tombent dans le panneau. La présentation est en effet la copie conforme d’un papier 100% officiel : le logo de la Ville, la mise en page très administrative, le ton sérieux et même la signature de l’attaché de la communication, un certain Georges Smith… En composant le numéro de téléphone indiqué au bas de la lettre, les Dijonnais tombent sur la véritable Direction de la Tranquillité Publique : «Et je peux vous dire que je ne m’appelle pas Georges Smith…», annonce d’emblée un employé du service ayant souhaité rester anonyme. Apparemment, les services de la Ville sont au courant. «Vous n’êtes pas les premiers à nous questionner, au moins une dizaine de personnes nous ont déjà appelés pour s’assurer qu’il s’agissait d’un canular.»
Surveiller «vos allées et venues»
À y regarder de plus près, le faux est flagrant. «Le logo est affublé de cornes méphistophéliques, et puis il y a une grosse faute d’orthographe à “Tranquillité”», commente l’employé. Quant au contenu, il ne fait guère de doute que la Mairie n’en est pas l’auteur… Morceaux choisis : «Vous n’êtes pas sans savoir que notre commune souhaite désormais privilégier les moyens modernes de répression, plutôt que des mesures d’égalité sociale devenues trop coûteuses, complexes et archaïques. (…) Désormais, toutes vos allées et venues (ainsi que celles des personnes vous rendant visite) seront filmées en permanence…»
Un canular passible d’un an d’emprisonnement
«Nous ne savons pas qui est derrière tout cela, affirme l’employé. Mais le service juridique de la Ville se réserve le droit d’entamer une action en justice.» Une usurpation de fonction comme celle-ci relève en effet de l’article 433.13 du code pénal, qui prévoit notamment un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende à l’encontre du contrevenant. «En tout cas, c’est très astucieux ce qu’il a fait. Je suis certain que devant la Justice, cette personne se défendrait en affirmant que la méprise avec un réel document administratif est impossible», ajoute cet authentique mais anonyme employé de la Direction de la Tranquillité publique.
À moins qu’il ne s’agisse en réalité du fameux Georges Smith… «La vérité est toujours ailleurs», avait l’habitude de dire un personnage d’une célèbre série de science-fiction.
Leur presse (Hanaë Grimal, dijOnscOpe), 6 octobre 2009.
Dans le même style :
Un courrier «canular» vise Edvige à Lyon
A hoax concerning video surveillance questions the people of Dijon
Traduction anglaise par Not Bored!
Contribution de Gil scott heron au débat «Vidéosurveillance à Dijon : tous acteurs ?»
ARTICLE PREMIER. — La destination de l’espace public est l’échange et la circulation des marchandises. Comme toutes les autres marchandises, les hommes s’y déplacent librement.
ARTICLE DEUX. — L’espace public est l’espace qui n’appartient à personne. Ce qui n’appartient à personne appartient à l’État. L’État concède à la sémiocratie marchande l’occupation de l’espace susdit.
ARTICLE TROIS. — Les bureaux sont faits pour travailler. La plage est faite pour bronzer. Ceux qui veulent s’amuser vont de leur plein gré dans les espaces de loisir, discothèques et autres luna-parks aménagés à cet effet. Dans la bibliothèque, il y a les livres. Dans les hospices, il y a les vieux. Dans les pavillons, il y a les familles. La vie est faite de moments détachables. Chaque moment a sa place. Tout est en ordre. Nul ne s’en plaint.
ARTICLE TROIS BIS. — Le désordre aussi a sa fonction spéciale. Il rentre dans l’Intégrale, à l’emplacement prévu pour les évènements imprévus. Pour le bien-être de tous, les citoyens sont invités à se trouver sur la voie publique lors des fêtes organisées à leur attention, à intervalles réguliers, par les services du Ministère de l’Intérieur et de la Culture. Nos agents d’ambiance sont là pour vous servir. Il n’est pas interdit d’être aimable avec eux, même si vous êtes en règle.
ARTICLE QUATRE. — À chaque enfant est assigné un adulte-référent. Cet adulte est responsable devant la Loi du comportement de l’enfant qui lui est attribué. En raison de leur formation psycho-sociale encore incomplète, et dans l’intérêt même de leur développement, les enfants n’ont pas lieu de jouer dans l’espace public hors de la surveillance de leurs adultes-référents. En tout état de cause, les enfants se classent en deux groupes : les hypercinétiques, qui reçoivent de la Ritaline, et les hypocinétiques, qu’il convient de placer sous Prozac.
ARTICLE CINQ. — Dans un souci de préservation du paysage et de respect de l’ambiance sociale, il paraît souhaitable que les corps non conformes aux normes esthético-sanitaires en vigueur, publiées quotidiennement dans la presse nationale, s’abstiennent de circuler dans les lieux publics entre neuf heures et vingt heures trente. Durant cette tranche horaire, les mendiants seront en revanche tolérés aux heures de plus forte affluence, où ils participent à l’édification de tous, par l’exemple repoussant qu’ils constituent.
ARTICLE SIX. — Le but de la vie est le bonheur. Le bonheur est une donnée objective qui se mesure en quantités exactes. Or chacun le sait de nos jours : là où règne la transparence, règne le bonheur ; ce qui ne cherche pas à se montrer cherche seulement, par là, à se cacher ; et tout ce qui cherche à se cacher doit être tenu pour suspect. Il est par conséquent du devoir d’ingérence du Biopouvoir de faire disparaître toute opacité de votre vie. Le Biopouvoir veut votre bonheur. S’il le faut, il le voudra contre vous.
ARTICLE SEPT. — Pour la sécurité de tous, il convient que l’espace public soit intégralement surveillé. Là où le contrôle demeure imparfait, la foule est invitée à réprimer en son sein tout comportement contraire à la dignité humaine. Tout rassemblement anonyme, toute conduite anormale devront donc être signalés aux patrouilles de l’Action Préventive de Proximité (A.P.P.). Dénoncer les agents du Parti Imaginaire parmi nous, c’est un devoir citoyen, c’est agir pour leur bien, et pour le bien de tous.
ARTICLE HUIT. — L’espace public est un espace neutre, c’est-à-dire que toute manifestation d’existence singulière y représente une atteinte à l’intégrité d’autrui. Tout sera désormais mis en œuvre, mobilier urbain, décors adéquats, Contrôle Continu (C.C.), pour rendre impossibles de telles manifestations, dont on sait quelles intolérables nuisances elles occasionnent à nos concitoyens.
ARTICLE NEUF. — Nous remercions l’ensemble de ceux qui, par leur comportement, ont contribué à ce que l’énoncé de ces principes aille de soi.
ARTICLE DIX. — RIEN NE DOIT PLUS ARRIVER.
Leur presse (dijOnscOpe), 15 septembre.