À Grigny, on aime bien les poulets
Les policiers ne goûtent pas le concours de poulets
Une dégustation de volailles pour apaiser les relations entre les jeunes et les forces de l’ordre. C’est ce que propose un collectif de Grigny (Essonne). Les policiers crient à la provocation.
Poulet au curry, poulet tajine, poulet grillé… si les recettes sont alléchantes, les policiers, eux, ne goûtent pas la métaphore. À Grigny, un collectif de jeunes organise demain [Dimanche à 16h30, au salon de thé la Chicha, 6, place de la Treille à Grigny] un concours culinaire et une rencontre-débat autour des relations entre les jeunes et la police. L’idée : proposer à un jury de goûter différentes recettes à base de poulet.
Les invités-jurés, qui ont tous reçu une invitation par lettre recommandée, ne sont autres que Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur, le procureur d’Évry, le directeur de la police essonnienne, les syndicats de police et, bien sûr, les habitants, jeunes et moins jeunes. L’objectif : permettre à tout le monde de parler des relations, souvent tendues, entre jeunes gens et forces de l’ordre.
Si l’initiative ne déplaît pas à ces dernières, la méthode, elle, les laisse sceptiques. Car le nom de la manifestation — À Grigny, on aime bien les poulets — et la photo sur l’invitation — un poulet rôti planté d’un couteau et d’une fourchette — «ne vont pas contribuer à réchauffer les relations», estime Claude Carillo, le secrétaire départemental du syndicat Alliance. «Je trouve cette manière de faire provocante et sarcastique. S’ils voulaient faire évoluer les relations, ils s’y seraient pris autrement, en organisant un forum ou un débat sans cette idée de confrontation permanente», note-t-il. «Cette analogie entre la police et la volaille est de très très mauvais goût», déplore pour sa part le commissaire de police de Grigny, Thierry Mathé, qui n’a pas prévu de prendre part au jury… tout comme un autre fonctionnaire du secteur, qui voit en cette affiche un «outrage».
«Bien au contraire», répond Omar Dawson, un des organisateurs de l’événement. «Il s’agit là d’une initiative très sérieuse pour croiser les expériences de chacun. À Grigny, il y a d’un côté des citoyens qui ont l’impression d’être sans cesse contrôlés et malmenés par les policiers et, de l’autre, des fonctionnaires qui ont des conditions de travail pas toujours faciles. Il faut que les deux parties se rencontrent pour faire baisser les tensions dans les quartiers et prévenir les heurts», analyse-t-il.
Autre détail qui fait grincer des dents des policiers : le débat aura lieu à la Chicha. En 2006, ce café de la Grande-Borne, place de la Treille, avait été le théâtre d’une vague d’interpellations contestées, dont on a soupçonné qu’elle avait motivé l’incendie d’un bus, le lendemain.
«Si l’invitation humoristique ne plaît pas à certains, qu’ils viennent nous expliquer pourquoi. Ce sera forcément constructif pour tout le monde» poursuit Omar Dawson. Pour plaider sa bonne foi, le Collectif des Grignois citoyens, qui organise l’événement, ajoute qu’un court-métrage réalisé par un ancien policier sera diffusé. Et que les fonds récoltés par la vente de sandwichs seront reversés à l’Association de soutien aux orphelins de la police… et aussi à un fonds d’aide aux victimes de bavures, que le collectif compte créer.
Leur presse (Florence Méréo,
Le Parisien), 12 mars 2011.