Une lettre de menace anonyme, même lestée d’une balle 9mm, ça a un côté ridicule, dérisoire. Chien qui aboie ne mord pas, comme on dit. La méthode corbeau, c’est bon pour régler les affaires de mœurs ; la politique, c’est une chose autrement plus sérieuse. Débarquer au milieu d’un conseil municipal et dézinguer quelques édiles, ça, à la limite, ça a de la gueule. Mais une bafouille et une bastos, et même pas la plus petite trace d’anthrax, ça devrait s’accueillir d’un haussement d’épaule, et finir dans la rubrique «insolite» de la presse locale. Sauf que. Sauf que la brigade criminelle de la préfecture de police et trois services de police judiciaire — dont la sous-direction antiterroriste — planchent sur l’affaire, des inspecteurs planquent sans doute aux abords des bureaux de poste de l’Hérault déguisés en boîte aux lettres jaunes pour coincer le coupable, et les journaux sérieux comme le Figaro et le Nouveau Détective en font leur choux gras. C’est que, mine de rien, avec la demi-douzaine mensuelle de cas similaires visant le président de la République, toute cette histoire de lettres anonymes commence à raconter des choses. Parce que c’est sûr, on a beau se dire que ça résoudra rien, l’idée de flinguer Sarkozy doit circuler dans pas mal de têtes. Et les experts psychiatres peuvent bien balancer que cet acte est «un signe fort de maladie mentale», ça se pourrait bien que ce soit un de ceux qui font émerger du sens au milieu du bordel ambiant. Un geste, comme dirait l’autre.
Rebetiko no 1, printemps 2009
Chants de la plèbe.