Chômage ras-le-bol !

Tous les trois ans (désormais deux) se négocie la convention UNEDIC (Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) qui définit les conditions d’indemnisation des chômeurs et chaque fois ses droits baissent un peu plus. Pour rappel, l’UNEDIC est cogérée par le patronat et les syndicats. C’est une gestion paritaire comme pour les caisses d’assurance retraite et maladie. L’État ne fait qu’agréer les décisions et arbitre en cas de problème.
Le 16 décembre 2008, dans plusieurs villes de France, des rassemblements étaient organisés pour montrer — au MEDEF notamment — que les propositions de réduire à nouveaux les droits des chômeurs, précaires et aussi des intermittents (avec la disparition annoncée des annexes 8 & 10) ne passeraient pas sans résistance. À Toulouse, à l’appel de la CGT privés d’emploi Mirail, de la Coordination des intermittents et précaires de Midi-Pyrénées, de la CNT 31 et d’autres encore, quelque 300 personnes — dont beaucoup d’intermittents — se sont retrouvées devant l’ASSEDIC Bachelier fermée, comme durant chaque appel à mobilisation. L’occupation de l’ASSEDIC n’aura pas lieu ! Qu’importe, nous décidons d’occuper la CAF (Caisse d’allocations familiales) pour commencer une AG mais le lieu est apparemment trop petit. La manifestation se dirige alors vers le TNT (Théâtre national de Toulouse) où l’assemblée générale commence enfin. Le but est d’élaborer la suite de la mobilisation et d’essayer d’y impliquer le maximum de gens. Une centaine de personnes sont restées et la détermination de chacun(e) est assez claire. Nous décidons donc de maintenir la pression et appelons à une nouvelle action pour le jeudi 18 décembre 2008.
Le jour venu, environ 200 personnes sont présentes. Le cortège se met en route et une équipe en profite pour aller recouvrir d’affiches les vitrines des différentes agences d’intérim qui polluent le boulevard. Nous croisons le cortège des lycéens en lutte. Ils sont un gros millier assez déterminé mais faute d’anticipation, les deux cortèges s’encouragent et chacun repart dans son coin… malgré la volonté exprimée lors de la précédente AG d’en terminer avec le cloisonnement des luttes. Nous nous dirigeons maintenant vers l’objectif et quinze minutes après, nous occupons l’ANPE de la place Occitane. Une grosse centaine de personnes sont encore là et nous entamons une nouvelle assemblée générale. Le but n’est évidemment pas la réunionite mais l’implication d’un maximum de gens dans l’élaboration de la lutte. Nous détaillons le projet de la future convention UNEDIC 2009-2011 et chacun donne son avis. Nous en profitons aussi pour échanger avec les agents de l’ANPE tenu(e)s à un devoir de réserve — sic ! Elles nous expliquent les pressions de leur hiérarchie et le manque de moyens criants qui les exposent directement à la colère des usagers. De notre coté, nous leur disons que c’est le pouvoir que nous visons et que nos intérêts sont communs. Après quelques heures, les Renseignements généraux sont rejoins par une dizaine de BACeux qui nous donnent l’occasion, avec la sonnerie de leurs portables : la «Septième compagnie» et Sergio Leone, d’admirer leur exceptionnelle culture générale. Peu après, une centaine de gardes mobiles avec casques et boucliers nous expulsent. Nous résistons légèrement face au déploiement disproportionné mais globalement l’action est réussie, les échanges ont été assez intéressants. Une nouvelle manif-action est appelé pour le samedi 20 décembre 2008.
On ne lâche rien. Rendez-vous est donné pour rejoindre la manifestation de solidarité avec la Grèce avec qui nous défilons jusqu’à notre nouvel objectif : le magasin Virgin du Capitole. Pourquoi, Virgin ? Parce que Geoffroy Roux de Bezieux est le président de Virgin mobil et aussi chargé pour le ME(r)DEF de négocier à l’UNEDIC. Une autre proposition adoptée par l’AG était de ne pas se cantonner à de la représentation mais d’organiser des actions offensives qui tapent là où ça fait mal au patronat : le portefeuille. Arrivé devant Virgin, nous sommes un peu plus d’une centaine et nous nous déployons sur les trois entrées. La sécurité a été apparemment prévenue et reste placide. Nous installons les murs (en polystyrène) et commençons le blocage économique. Personne ne rentrera. Évidemment nous devons faire face au mécontentement de certains accros de consommation mais globalement les gens comprennent et sont solidaires. Nous sommes à la veille de Noël et les rues sont bondées. Après quatre heures de blocage, nous partons. Le but est atteint et même si quelques dizaines de milliers d’euros ne représentent rien pour la multinationale Virgin, notre but était aussi de nous faire entendre et d’inciter d’autres villes à nous imiter.
Dans deux jours, le mardi 23 décembre 2008 aura lieu la dernière réunion pour la nouvelle convention UNEDIC et nous décidons malgré la date de maintenir un appel au rassemblement. Seulement cinquante personnes sont venues et les fourgons de police nous accompagnent le long du parcours. Nous décidons toujours de continuer car rien n’est réglé ! C’est courant février que l’État agréera cette convention et la question des annexes 8 et 10 pour les intermittents n’est toujours pas discutée.

Rendez-vous est pris pour le lundi 5 janvier 2009. Ce jour, partout en France les salarié(e)s de l’ANPE et des ASSEDIC font grève pour s’opposer à la fusion Pôle Emploi et aux nouvelles exigences de flicage des chômeurs. Nous chômeurs, précaires, intermittents et salarié(e)s avons bien conscience que cette nouvelle restructuration n’est pas simplement du ressort des agents ANPE et ASSEDIC, mais concerne l’ensemble des salarié(e)s. Nous décidons donc — toujours avec la CGT, SUD, la CNT, les intermittents et la coordination des intermittents et précaires de Midi-Pyrénées, plus des individu(e)s — de rejoindre le rassemblement prévu par les grévistes de l’ANPE et des ASSEDIC pour leur exprimer notre solidarité. Le geste est apprécié mais chacun reste quand même dans son coin. Les mauvaises habitudes sont dures à casser ! Après une heure, nous décidons une nouvelle AG improvisée dans la salle des Illustres de la Mairie, place du Capitole. Nous arrivons dans les lieux sans aucune opposition et nous installons, après avoir disposé nos banderoles sur les balcons. Les nouveaux élu(e)s «socialistes» viennent nous voir et prennent des notes. Nous leurs disons les raisons de notre présence puis entamons l’AG pour définir la suite de la mobilisation. Une équipe est chargée de réaliser des affiches et des banderoles et d’autres d’organiser une action de blocage économique pour le samedi 10 janvier 2009.
Entretemps, nous nous rendons à une nouvelle journée de grève des agents Pôle Emploi. Seulement quelques salarié(e)s sont présent(e)s mais les slogans sont clairs («chômeurs et salarié(e)s, solidarité») et la détermination intacte. Après une petite ballade dans les rues de Toulouse durant laquelle nous discutons avec les salarié(e)s en grève et les invitons à rejoindre l’AG interpro que nous avons appelée à la Bourse du travail, chacun(e) repart. Vendredi 9 janvier 2009, l’assemblée générale réunit une trentaine de personnes. C’est peu ! Chacun(e) se présente et un salarié de la CGT-ANPE nous fait un topo détaillé du nouveau projet de convention d’assurance chômage qui s’annonce être (on s’en doutait) un nouveau recul des droits des chômeurs et des plus précaires. Les quelques miettes concédées cachent en fait une véritable escroquerie avancée par le MEDEF et signée comme d’habitude par le syndicat collabos : la CFDT. Les éventuels excédents de l’UNEDIC seront ainsi reversés aux patrons sous forme d’exonération de charges ! Après ces joyeuses perspectives, nous évoquons la grève générale du jeudi 29 janvier 2009 et les perspectives de cette journée.
Samedi 10 janvier 2009, une nouvelle action est annoncée dans la foulée de la manifestation contre les bombardements en Palestine. Une centaine de personnes sont là. L’objectif de l’action se trouve face à nous sur la place Esquirol : le magasin MIDICA dont le patron, M. Garigou, est un membre éminent du MEDEF 31. Arrivés face aux portes du magasin, nous installons les murs en polystyrène. Des vigiles testostéronés essayent de nous arrêter mais se résignent vite en voyant l’afflux de bloqueurs. Deux banderoles sont aussi tendues devant le magasin («inter lutte» et «résistance») et des tracts expliquant les raisons du blocage sont distribués aux clients qui sortent de MIDICA. Après trente minutes le magasin est quasiment vide. Comme pour Virgin, le but de cette action est de nous faire entendre. Par le MEDEF, mais aussi par tous les salarié(e)s. Une simple manifestation n’aurait pas eu cet effet ! Après deux heures de blocages, nous décidons de lever le barrage. Tout s’est bien passé et même si encore une fois, des inévitables consommateurs forcenés ont hurlé à la prise d’otages, globalement nous avons reçu le soutien de passants nous encourageant à continuer…
En février, la nouvelle convention UNEDIC sera peut-être effective. Mais mi-Janvier 2009, rien n’est sûr car seules deux organisations (le ME(r)DEF et la CFDT) ont donné leur signature. Il en faut trois en tout pour que l’accord soit validé. C’est donc la prudence qui semble prédominer. Pas étonnant quand on sait que 500.000 nouveaux chômeurs (actuellement 160.000) vont débarquer dans les mois qui viennent et que la colère risque de monter…