Travail social et syndicalisme

La lutte des travailleurs sociaux en formation qui a démarré au début de cette année 2008 a ouvert des débats qui reviennent régulièrement dans le secteur social.
S’organiser et organiser la lutte
L'organisation de la lutte, qui pour certains, était trop lente relevait «d’un manque d’organisation au préalable des travailleurs sociaux et d’une instance capable de les représenter».
L’absence des grandes centrales syndicales a pourtant permis à ce mouvement d’impliquer un nombre important de travailleurs sociaux en formation. Beaucoup ont dit «J’ai beaucoup appris en quelques semaines» ou «Ça nous a permis de faire des choses collectivement et de nous rencontrer» ou encore «On a pu avoir des échanges sur la précarité et l’avenir du travail social qu’on aurait peut-être jamais partagé avec autant de monde». C’est donc bien dans les assemblées générales d’écoles ou de régions que s’est construit le mouvement, que se construit la pensée, qu’on se confronte à ses propres contradictions. En résumé, qu’on se prend en main et qu’on ne laisse pas aux permanents syndicaux aller négocier à la place des personnes qui luttent. On a pu voir par exemple une organisation syndicale réclamer la création d’un organisme paritaire pour gérer l’argent des gratifications, revendication qui n’est jamais sortie de la moindre assemblée générale ou des différentes coordinations.
Le danger du corporatisme
Le manque d’organisation collective du secteur social a aussi donné des envies de créer des organisations professionnelles pouvant représenter les travailleurs sociaux.
On voit par exemple la tentative d’émergence d’objectif ONES (Organisation nationale des éducateurs spécialisés) dont le seul nom invite déjà à la division et à un repli corporatiste au sein même des travailleurs sociaux. Du côté des assistants de services sociaux on s’oriente ce type de fonctionnement depuis plusieurs années déjà avec l’ANAS (Association nationale des assistants de services sociaux).
Lors de la lutte contre le projet de loi de prévention de la délinquance, démarré fin 2003, une majorité de syndicats et d’associations ont pu s’unir pour s’opposer à ce projet de société. L’ANAS de son côté, pour répondre aux sirènes du corporatisme a préféré négocier des amendements de manière isolée sans prendre la mesure de la dangerosité de cette loi qui ne fait pas que modifier le travail des professionnels. Elle s’attaque plus particulièrement aux personnes les plus fragiles et mettre des travailleurs sociaux dans les commissariats (comme cela a pu être défendu) n’empêche pas les forces de l’ordre d’outrepasser leurs droits. Par contre, ce qui est sûr, c’est que les personnes vont se méfier encore davantage des travailleurs sociaux en pensant qu’ils sont les collègues des flics.
Et le syndicalisme ?
Si le syndicalisme est en pleine désaffection et peut-être encore davantage chez les travailleurs sociaux, il nous paraît pourtant être le seul moyen d’organisation efficace pour lutter à la fois pour nos conditions de travail et se préoccuper des conséquences de nos pratiques auprès des publics avec lesquels nous travaillons. Le syndicalisme dit «de service», s’il peut apparaître utile à certains pour défendre leurs droits à un moment donné, reste néanmoins une démarche très individualiste et se résume souvent à de l’assistanat sans implication des personnes.
En tant qu’organisation anarcho-syndicaliste et syndicaliste révolutionnaire, nous défendons un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent. Seuls celles et ceux qui travaillent (salariés ou en formation) doivent décider dans les luttes. Pourquoi déléguer les décisions à des professionnels du syndicalisme qui ne travaillent plus et qui sont subventionnés par ceux qu’ils sont censés combattre ?
Choisir de se syndiquer à la CNT, c’est choisir de ne pas s’arrêter à l’unique défense des droits moraux et matériel des salariés. C’est faire le lien permanent entre ce qu’il se passe à l’endroit où on travaille, où on se forme avec ce qu’il se passe dans nos vies et dans la société au quotidien. C’est aussi un lieu d’émancipation où chacun et chacune dans les assemblées générales souveraines peut faire valoir son point de vue au même titre que n’importe quel autre membre du syndicat.
Nous pensons que seul un syndicalisme portant un réel projet de société visant à l’autogestion peut nous libérer des multiples compromis négociés chaque jour qui font reculer nos droits (salariés ou pas) et les moyens d’agir sur nos vies. Commençons, ou plutôt continuons par l’autogestion des luttes et ne nous laissons pas gagner par les divisions catégorielles et entre salariés et «usagers».
La Griffe du Social no 15, octobre 2008
Bulletin mensuel des travailleurs sociaux
du Syndicat CNT santé social & CT région parisienne.