Le château brûle !
Adresse au Conseil de l’Université de Paris
Vestiges,
Votre ignorance crasse de la vie ne vous autorise à rien. En voulez-vous la preuve ? Si vous pouvez siéger aujourd’hui, c’est avec un cordon de police derrière vous. De fait, personne ne vous respecte plus. Pleurez donc sur votre vieille Sorbonne.
Que certaines ganaches modernisantes se soient piquées de me défendre, s’imaginant — à tort — qu’après leur avoir craché dessus, je pourrais redevenir assez présentable pour qu’ils me protègent, me fait seulement rire. Malgré leur persévérance dans le masochisme, ces arrivistes ne sauraient même pas replâtrer l’Université. Monsieur Lefebvre, je vous dis merde.
Ils seront de plus en plus nombreux, ceux qui prendront dans le système des études ce qu’il a de meilleur : les bourses. Vous me l’avez refusée, je n’ai rien eu à cacher, j’ai tout à mordre.
Le procès d’aujourd’hui est bien sûr une fable dérisoire. Le véritable procès s’est déroulé dans la rue, lundi, et la justice temporelle a déjà retenu une trentaine d’émeutiers. Pour mes camarades, ce qui importe c’est la libération inconditionnelle de tous les condamnés (y compris les étudiants).
La liberté est le crime qui contient tous les crimes. Gare à la justice seigneuriale quand le château brûle !
Paris, 10 mai 1968
René RIESEL
René RIESEL
Dossier Mai 68