Rafle massive au foyer de la rue de la Terre-au-Curé (Paris 13e)

Publié le par la Rédaction

Au petit matin, ce mardi 12 février, un dispositif policier de plusieurs centaines d’agents était mis en œuvre au foyer de migrants de la Terre-au-Curé (13e) dans une opération de rafle massive résultant en plus de cent interpellations.

undefinedCette opération avait été précédée du bouclage de toute la zone dès 4 heures du matin. Dans cette atmosphère de guerre civile, l’assaut sur le foyer de migrants a commencé, selon des témoins, à 6h45.

Voici le témoignage de Françoise, du RESF 5e-13e, qui a accouru sur place :

Vers 9 heures, j’ai quitté le foyer (43 rue des Terres-aux-Curés, Paris 13e) devant lequel ne restaient plus que des journalistes (TF1, RTL) et des élus (notamment le maire du 13e) et des membres du cabinet du maire du 13e qui sont venus lorsque nous les avons prévenus.

Il faut être en alerte pour venir en aide aux personnes arrêtées dans les commissariats pendant leur garde à vue. Nous n’avons ni la liste des personnes arrêtées, ni celle des commissariats.

Il y a eu une centaine d’interpellations, j’ai entendu à 7h30 un policier transmettre l’information suivante «107 interpellations, opération en cours», essentiellement des sans-papiers, mais pas exclusivement d’après ce qu’un policier a dit. Le motif qui lui a été donné est une commission rogatoire d’un(e) juge d’instruction pour des problèmes de mauvaises conditions de vie dans le foyer (surpopulation, vétusté) et trafics divers. Il lui a également été dit que les interpellés seront dispersés dans les différents commissariats de Paris. En attendant, les personnes ont été placées dans les locaux de la brigade de la circulation de la PP qui est juste à côté rue Albert et évacuées, vers 8h30 les cars étaient partis.

Un résident du foyer confirme qu’un de ses copains avec carte de séjour a été embarqué. Lui dit qu’il n’a pas été embarqué parce qu’il avait les clés du véhicule de son patron, mais il lui ont pris sa carte de séjour et il est convoqué à 15 heures à Cité. D’après les résidents les conditions d’intervention ont été violentes, prise au cou, maintien au sol sous les pieds des policiers.

Tout le quartier était bouclé depuis les rues de Tolbiac, Patay, Château-des-Rentiers et Régnault depuis 4 heures du matin m’a-t-on dit. Le périmètre s’est concentré autour du foyer pour permettre l’accès aux écoles vers 8h30.

Lorsque nous sommes descendus vers 7h15 (nous habitons à l’intérieur du périmètre) chaque personne qui voulait passer pour rentrer chez elle ou aller travailler était accompagnée par les flics, ce qu’ils ont fini par faire pour nous aussi…

Il y avait rue Albert trois autobus avec des vitres givrées (donc pas ceux des flics) plus des «estafettes». Nous avons croisé des policiers qui escortaient 2 personnes avec les menottes «en laisse». D’autres policiers repartaient du foyer avec beaucoup de matériel pour ouvrir (ou plutôt défoncer les portes), des échelles. Énormément de forces de l’ordre, en uniforme et en civil, trois compagnies a dit un bleu à un autre.

Les élus du 13e n’ont été prévenus que par nous et se sont rendus sur place au plus vite.

Il semble que cette «opération» ait été préparée de façon très discrète et centralisée, les instances policières et judiciaires du 13e ne semblent pas avoir été prévenues.

La presse a été prévenue par un communiqué de la PP. Il semble que les motifs des trafics communiqués par la PP aient évolué au fur et à mesure du temps qui a passé.

J’ai visité le foyer après le passage de la police : il n’y a plus une porte entière.

Les résidents ont expliqué que les policiers frappaient une fois à la porte puis la défonçaient. Ils ont tout ouvert et pris l’argent, même lorsque les résidents n’étaient pas présents. Ils ont également pris les passeports.

Les résidents viennent essentiellement du Mali et un peu du Sénégal.

Daniel, RESF 5e-13e



Une centaine de sans papiers en garde à vue après une opération policière dans un foyer parisien

«Si vous n’habitez pas le quartier, vous ne pouvez pas passer.» Mardi matin 12 février, des dizaines de voitures de CRS et des centaines de policiers bouclent le secteur situé entre la porte d’Ivry et la station de métro Olympiades, dans le 13e arrondissement de Paris. Le dispositif est impressionnant : les services de la préfecture de police procèdent depuis l’aube à un contrôle inopiné et à des centaines d’interpellations dans un foyer situé à l’angle de la rue Albert et de la rue des Terres-au-Curé. Ici, vivent environ trois cents travailleurs étrangers, tous des hommes, dont la plupart viennent du Mali et du Sénégal.

«Ne nous bousculez pas»

Makam Tounkara est le délégué du foyer. Il raconte comment les forces de l’ordre l’ont surpris en pleine nuit …

À l’intérieur du foyer, les portes ont été défoncées, le bureau du gérant a lui aussi été saccagé. Un habitant raconte avoir été violemment bousculé et mis à terre. Deux d’entre eux ont été légèrement blessés durant cette opération qui a duré plusieurs heures, jusque peu après 8 heures du matin.

Pour Makam Tounkara, l’urgence est désormais d’établir la liste des résidents arrêtés par la police. Mais l’ordinateur du foyer ayant été détruit au cours de l’opération, difficile de recenser le nombre exact de personnes interpellées. Il y en aurait une centaine selon lui, soit une grosse moitié des résidents …

Dans son talkie-walkie, un membre des forces de police confirme l’estimation faite par Makam Tounkara, évoquant le chiffre de 107 interpellations.

«C’est un foyer que nous connaissons bien»

Mylène Stambouli, adjointe (Verts) au maire de Paris Bertrand Delanoë, chargée de la lutte contre l’exclusion, a été prévenue vers 7 heures de l’opération des forces de l’ordre. Cette élue du 13e s’est vite rendue au foyer …

Cette opération, programmée il y a quelques semaines, est une des plus importantes menées depuis plusieurs mois dans la capitale. Un magistrat instructeur a été saisi d’une information judiciaire concernant l’existence de filières de logeurs hébergeant à prix fort des travailleurs étrangers dans des conditions insalubres dans le quartier.

Suroccupation

Pour la préfecture, ce foyer présente un taux d’occupation deux fois supérieur à sa capacité d’accueil. Le délégué du foyer admet lui aussi que la plupart des chambres, disposant de trois lits, servent à loger entre cinq et six personnes, pour la plupart des membres de la famille des résidents récemment arrivés en France et en attente d’une autre solution de logement.

Mais pour Mylène Stambouli, outre l’insalubrité de la résidence, il pourrait y avoir d’autres raisons à cette opération de très grande ampleur …

D’ici quarante-huit heures, certains des résidents interpellés seront relâchés ; d’autres, dont les papiers n’étaient pas en règle, risquent d’être envoyés en centre de rétention. Pour Makam Tounkara, Mylène Stambouli et d’autres membres d’associations, arrivés tôt sur les lieux, il s’agit de faire en sorte que le plus grand nombre d’entre eux soit relâché.

En début d’après-midi, une source judiciaire a indiqué que cent cinq personnes en situation irrégulière et neuf personnes soupçonnées d’avoir organisé leur hébergement ont été placées en garde à vue.

Mathilde Gérard
Le Monde, 12 février 2008
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