Lettre de plusieurs prisonnières de Fresnes

Publié le par la Rédaction

undefinedChers amis et camarades,

C’est un cri de colère, de douleur et d
alerte que nous vous transmettons suite au décès de Lu SEMEDO DA VEIGA, prisonnière, âgée de 28 ans, mère dun enfant de 11 ans.

La prison tue. Depuis le mois de novembre, Lu se plaîgnait de maux de tête, de nausées, de vertiges. Elle en faisait part au service médical en recevant comme seule réponse du … doliprane. Lu n
était pas de caractère à «jouer la comédie», elle continuait à travailler tout en disant quelle se sentait de plus en plus malade et ça se voyait. Tout le monde le voyait, le personnel pénitentiaire, linfirmière, les médecins. Trois mois se sont écoulés jusquau 18 janvier. À 4 heures du matin son mal de tête devient insupportable, Lu nest plus capable de bouger et répond à peine. (Laprès midi précédent, elle avait signalé à linfirmière laggravation de son état et demandé dêtre hospitalisée). À 4 heures du matin, donc, sa co-détenue appelle la surveillante, laquelle décide, sans ouvrir la porte, que Lu pourra attendre jusquà louverture des cellules du matin. Lu sera hospitalisée à 14 heures de laprès-midi après avoir subi un arrêt cardiaque et avoir été réanimée en prison. Nous avons appris son décès à lhôpital le 22 janvier. Nous avons rendu hommage à Lu le soir même, à la manière des prisonnières, avec un «concert» de casseroles tapées sur les barreaux et les portes.

Dénoncer le refus de secours à une personne en danger est la moindre des choses. Ce n
est pas un accident. Cest une infraction pénale ! Mais encore, quand a-t-elle commencé cette infraction pénale qui sappelle refus de secours, à 4 heures du matin ? ou alors, pendant les mois où Lu a été laissée en souffrance et son état de santé a été laissé se détériorer dans lindifférence ?

Il y en a beaucoup d
entre nous affectées par des problèmes de santé sérieux, qui sont traitées avec la même indifférence, négligence. Et la totalité des prisonnières quand elles sadressent au service médical, sont exposées au traitement et réflexions méprisantes, et le secret médical n’est pas garanti.

Nos corps enfermés, nos vies sont laissés au bon vouloir, à la «sensibilité» ou aux contrarités du personnel pénitencier et médical, dont la déontologie est «cibler les détenues qui jouent la comédie» et sanctionner celles qui sont peu ou moins soumises. La mort n
est pas égale pour tous. Celle des détenus est du … laissé pour compte. Voilà la prise en considération de lêtre humain à lheure des programmes d«humanisation des prisons». La réalité est que la prison réflète la société. Dans notre société qui se dit consensuelle, la prison offre au corps de quoi soccuper : travail sur-exploité, ateliers divers, formations, activités à souhait. Tant mieux. Mais la prison, comme toute institution totale, produit plus de malaise que celui qui a entraîné les personnes à commettre les infraction.

Quelles débouchées, alors ? La réinsertion, bien sûr : chacun son «réinséré» là d
où il vient ! Dans le rôle social qui lui est assigné ! Et encore plus méprisé et «habitué» à la méprise.

Autrefois on disait «les prisons, base de luttes». Cela n
est pas toujours possible dans lhistoire des sociétés. Ce nest pas pour autant que nous arrêterons de dénoncer les pratiques de méprise de la dignté.

Nous demandons quune enquête soit ouverte sur la mort de Lu et sur le service médical de la Maison dArrêt des Femmes de Fresnes.

23 janvier 2008
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