Un témoignage sur la journée du 5 mai à Athènes

Publié le par la Rédaction

 

Salut Vincent,

 

Jai suivi un peu les infos françaises sur la situation ici. Cest assez paradoxal. Dun côté les journalistes français sont capables de senflammer en parlant de processus pré-révolutionnaire, et de lautre ils minimisent les chiffres des manifestations et les violences policières. Jai entendu sur France 2 des chiffres hallucinants : 30'000 selon la police et 50'000 selon les organisateurs. En réalité les chiffres ici en Grèce cest 100'000 selon la police et le double sinon.

 

La manif a été ultra-violente. Les flics nous ont attaqué dès le début sans grands motifs, du coup ça a dégénéré… Puis les flics ont découpé le cortège et contraint les bouts de manifs de se séparer de parfois plusieurs kilomètres. Perso dans celle où je me suis retrouvé les gens ont beaucoup cassé sur le passage. Une annexe de la mairie dAthènes et une du ministère de l’Économie ont été brûlées ainsi que des camions de flics et de pompiers et toutes les voitures de luxe trouvées sur le passage. Dun autre côté les manifestants ont brûlé des banques dont une dans laquelle il y a eu trois morts…

 

Apparemment il se dirait maintenant, ce qui nexcuse pas la connerie de ceux qui ont foutu le feu et qui ont donc tué ces trois personnes, que le patron de ces trois employés leur a refusé le droit de grève et les a enfermés dans le bâtiment pour pas quils partent… Mais je ne pense pas quil sera inquiété dans cette affaire.

 

Durant et après la manif les flics ont fait preuve dune extrême violence. Personnellement jai vu pas mal de gens blessés. Jen ai moi-même vu bien plus que le chiffre officiel de huit… Les flics ont utilisé énormément de gaz, et on a été chargés des dizaines de fois par les voltigeurs à moto… Ce matin il est encore impossible de savoir le nombre des personnes en gardav. On peut noter aussi que tout de suite après la manif les voltigeurs ont été envoyés à Exarchia, le quartier militant dAthènes et quils ont saccagé les bars de «gauchistes» et tabassé tout ce qui sy trouvait. Une camarade a des blessures au bras après avoir été jetée dans les bouts de verres dans le bar autogéré de Stéki, qui a été saccagé…

 

Après cette manif je pense quil devient clair que le mouvement est loin d’être mort. Donc ça va continuer. Ce sursaut a été créé par lannonce du deuxième paquet de mesures qui prévoit entre autre le passage de la retraite à 67 ans. Il y a maintenant une réelle dynamique. Les syndicats ADEDY et GSEE appellent à des nouvelles manifs aujourdhui. On verra ce quil en est. Mais les bureaucraties ont un peu été débordées. De plus, il faut savoir que certains petits secteurs sont contrôlés par des orgas révolutionnaires (les travailleurs du métro, les cuisiniers, les journalistes, les ingénieurs…) ce quil ne faut pas minimiser.

 

Du côté des orgas : les positions d’ANTARSYA [coalition de groupes révolutionnaires (trotskystes entre autres)] restent les mêmes que celles exprimées dans la lettre que j’ai envoyée. Il faut absolument continuer le mouvement et tenter de l’étendre, notamment au niveau européen. Il faut que les révolutionnaires européens s’unissent dans le refus des diktats du FMI et de l’UE.

 

SYRIZA [coalition «antilibérale-anticapitaliste», structurée autour dun courant eurocommuniste (issu de la crise du PC grec) à laquelle participent aussi des groupes dextrême-gauche] je ne sais pas trop quelles sont leurs positions après la manif d’hier. Dans tous les cas ils sont pour continuer le mouvement. Les orgas révolutionnaires de RIZA ne l’ont quitté à aucun moment. Il faut continuer cette unité de lutte.

 

 

Comme tu le dis la surprise vient du KKE [parti communiste grec]. Hier les militants de PAME [courant syndical du KKE)] ont chargé les flics et tenté de rentrer dans le Parlement. Bien sûr ils se sont fait sérieusement casser la gueule. D’habitude ils évitent ce genre d’actions gauchistes. Ça prouve que chez eux aussi la base fait pression. Les gens sont révoltés et prêts à tout. C’est la même chose chez eux. En plus comme tu le dis ils avaient des banderoles un peu moins sectaires que d’habitude. Je ne pense pas qu’il est envisageable de faire une manif commune avec eux bientôt, mais en tous cas ils ont montré une volonté de continuer activement le mouvement.

 

Le plus gros risque vient des syndicats de masse. ADEDY et GSEE, les syndicats du public et du privé sont officiellement dirigés par des tendances syndicales proches du PASOK, le PS grec au pouvoir. Ça représente énormément de gens. Le risque est qu’ils fassent comme il y a quelques semaines, qu’ils appellent à se calmer peu à peu. J’espère que leurs bureaucraties pourront cette fois être totalement dépassées par la colère populaire de leur base…

 

Voilà, pour le moment les infos ne sont pas forcément très précises. Je pense que les perspectives seront plus claires ce soir quand tout le monde aura pu se réunir, parce que pour le moment c’est le gros bordel, les cortèges ont été disloqués et on sait pas trop comment ça s’est fini dans certains coins.

 

SR, Johann

 

Courriel d’«un jeune camarade du NPA
qui vit à Athènes», 6 mai 2010.

 


Publié dans Grèce générale

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