Tunisie : Répression à Kasserine - 10 janvier
La situation à Kasserine (informations à 14h30)
Actuellement à Kasserine à Avenue Douleb, 4 personnes ont été tuées par balles, ce qui porte le nombre de tués ce jour à 9 personnes (5 personnes ont été tuées par balles ce matin), qui s'ajoutent aux 18 autres d'hier soir.
Toute la ville, depuis hier soir, est à feu et à sang.
Le siège de l'UGTT (section Kasserine) est encerclé, où des enseignants et avocats manifestent, d'autres manifestations dans différents quartiers de la ville (Cités Ezzouhour, Ennour, El Bassatine, El Arich, etc.).
Il semble qu'en plus des brigades de BOP (certaines sont arrivées du Kef, de Mednine et d'autres gouvernerats) qui tirent à balles réelles, il y a des snippers postés sur les toits et tirent sur les manifestants.
Les blessés se comptent par centaines. Tous les hopitaux, les cliniques, de la région ne peuvent plus recevoir de blessés, les ambulances mêmes sont interdites de circuler.
De même plusieurs centaines de personnes sont arrêtées.
Les ouvriers de la cellulose sont en grève.
Internationalistes 13, 10 janvier 2011.
Tunisie : un témoignage de Tala
Le blog tunisien Khayl wa Layl (Chevaux et Nuits) a publié le récit d'une habitante de Tala, donnant des précisions sur les horreurs vécues au cours des derniers jours.
Six personnes ont été tuées à Tala, ville située à 200 km au sud ouest de la capitale Tunis, et six autres blessées quand la police a ouvert le feu sur les manifestants hier dimanche 9 janvier, selon des bilans diffusés par les médias.
Dans sa lettre, elle écrit :
Les manifestations ont commencé en 2008, mais malgré toutes les manifestations au cours de ces années, personne n'a répondu à nos revendications, alors qu'elles étaient très simples. La dernière a eu lieu après la mort de Mohamed Bouazizi. Nous devons préciser que les revendications étaient pacifiques alors que le gouvernement réprimait sans cesse et que nous n'avons pas le moindre droit, comme le droit d'expression. La répression de la police envers les manifestants est ce qui a tout fait basculer. C'est pour ça qu'ils ont mis le feu au premier symbole du régime, la salle de réunion du parti, et au premier symbole de l'ingérence dans la vie privée, le commissariat.
C'était lundi dernier. Le mardi, à dix heures du matin, des étudiants de l'Institut ont essayé de quitter l'école pour participer à une manifestation. Ils ont été encerclés là-bas, mais quelques étudiants ont réussi à s'échapper, le reste suffoquaient à cause des bombes lacrymogènes. À midi, ils ont pu partir, et les affrontements ont commencé.
La nuit dernière, les habitants de la ville se sont couchés dans le sifflement des balles et ils se sont réveillés ce matin avec les hurlements des mères des martyrs, les récitations des versets du Coran et le début des la période de deuil. Les martyrs dont on connait les noms sont : Ahmed Omari, 17 ans, étudiant ; Ahmed Bala'abi, 30ans ; Ayman Rutabi, 14 ans ; Marwan Jamli, 19 ans ; et Ghassan Shneeti, 18, qui était boucher, et celui qui gagnait le pain de sa famille. Tout ceci est arrivé pendant que la Tunisie regardait un match de football, dans la plus complète indifférence aux affrontements entre des habitants sans armes de ma bien-aimée Tala et les policiers armés. La répression a continué et l'électricité a été coupée. Toutes les boutiques étaient fermées et nous avons eu du mal à amener les blessés à l'hôpital. Même pour ceux qui devaient être enterrés, ces barbares ont accepté, mais à condition que seules les femmes les enterrent ! Et alors qu'un cortège funèbre pour l'un des martyrs était en chemin vers le cimetière, ils l'ont attaqué à coup de grenades lacrymogènes, c'est pour ça que le cercueil a été abandonné dans la rue. Après plusieurs tentatives, ils ont pu récupérer le corps et enterrer le martyr mais alors qu'ils rentraient, ils ont été de nouveau attaqués, avec des vraies balles et des bombes. Quelqu'un à l'hôpital de Tala confirme la mort d'une infirmière dans l'attaque de la police.
Tala est maintenant enveloppée de tristesse et de silence. Est-ce le calme avant l'orage ? Est-ce que la mer de sang continuera à monter, dans l'indifférence totale de Tunis 7 (chaine de télévision), qui ne dit pas la vérité !!
Global Voices, 11 janvier.