Témoignage du centre de rétention du Mesnil-Amelot, dimanche 20 juin
Liste RESF, 21 juin 2010.
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Voici le témoignage d’un sans-papier prisonnier au centre de rétention du Mesnil-Amelot, témoignage récolté en téléphonant à l’un des numéros de cabine du centre.
Les numéros de cabines au Mesnil-Amelot sont :
— Bâtiment 1 : 01 49 47 02 41 / 42
— Bâtiment 2 : 01 49 47 02 43 / 44 / 45
— Bâtiment 3 : 01 49 47 60 60 / 49 53 / 02 84
— Bâtiment 4 et 5 (cabines entre les deux bâtiments) : 01 49 47 02 46 / 47 / 48.
Centre de rétention du Mesnil-Amelot, dimanche 20 juin :
«Moi je m’en fous, je connais le chemin pour revenir. J’ai encore 20 ans. Je suis jeune, mais j’ai de l’expérience, j’ai traversé la mer Méditerranée plusieurs fois, je suis allé en prison, j’ai fait les 400 coups comme vous dites ici en France. Ça fait depuis le 22 mai que je suis là, je suis le plus ancien, il me reste trois jours à tenir ici. Je sors de la prison, je fais la double peine. Ils sont venus me chercher à l’intérieur de la prison pour me ramener ici.
Ils ont des doutes sur mon origine. À chaque fois que je me fais arrêter, je leur donne un nom différent, quand je suis passé chez la juge elle avait un dossier de 200 pages. Elle m’a dit «c’est qui tous ces noms ?», je n’ai rien trouvé à lui dire. Elle m’a demandé de quelle origine je suis, je lui ai dit du Maghreb United. Ils m’avaient mis sur un vol pour l’Algérie, le consul a donné un laissez-passer après j’ai dit que je préférais revenir dans mon pays d’origine, mais pas en Algérie, parce que là-bas, ils mettent en prison. Je suis parti voir le chef du centre, je lui ai expliqué que j’étais pas Algérien. Ils veulent envoyer les Marocains en Algérie et les Algériens au Maroc. Le consul d’Algérie, même si vous êtes Français, il vous donne un laissez-passer, ce qui l’intéresse, c’est les 300 euros. Le consul marocain, il fait plein de promesses, il jure qu’il va aider si on lui dit la vérité. Et en fin de compte, ceux qui disent la vérité, il leur fait le laissez-passer.
La Cimade, ils disent rien du tout. Je vois pas comment ils pourraient aider les gens à part faire des rappels. Ils donnent des conseils, ils écrivent des lettres, mais voilà, ils ont pas le pouvoir de sortir les gens d’ici. Mais la Cimade, je les apprécie bien ils m’ont aidé.
Entre nous on se soutient, mais il y a pas beaucoup de solidarité. Tout à l’heure, y a le gendarme qui a commencé à me pousser, j’ai appelé les gens pour qu’ils viennent avec moi, mais y a personne qui voulait venir, j’étais tout seul. Je suis maltraité, ils ont été violents, ils m’ont poussé et je suis pas le seul, ils font ça avec tout le monde.
On peut fumer, toute la drogue rentre ici. Les flics le voient et s’en foutent, du moment qu’on s’enfuit pas, on fait ce qu’on veut. Ils donnent pas bien à manger, ils traitent mal, ils tutoient les gens.
Ils nous droguent. Ils droguent toute la nourriture, donc tous les retenus. Ils nous mettent des gouttes pour qu’on dorme : dès qu’on mange, on est fatigué. J’ai commencé à prendre des médicaments alors qu’avant j’en prenais pas. Du rivotril, et le soir, les gouttes. Je me suis plains, alors ils m’ont emmené chez le psychiatre, je lui ai parlé normalement, il m’a juste répondu «je suis pas dealer» et m’a rajouté des gouttes pour aller dormir.
Il y en a plein qui font des tentatives de suicide. Deux fois j’ai failli mourir ici, j’ai fait deux tentatives de suicide. Je suis pas le seul, hier y a une personne qui s’est pendue, elle est partie à l’hôpital et on a pas de nouvelles depuis. En plus, pour l’emmener dans l’avion, ils lui ont anesthésié les mains, deux piqûres, il pouvait pas les bouger. Il criait dans l’avion, donc le pilote est sorti et a dit qu’il l’acceptait plus. Quand il est revenu, il s’est pendu. On a plus de nouvelles de lui. Il respirait très mal. Ça fait 18 jours qu’il est là.
Y a des gens qui font une grève de la faim, ça fait quatre ou cinq jours. Ils doivent être une cinquantaine. Ils boivent de l’eau, ils sont mal en point. Y a des médecins, mais si vous allez les voir, ils vous donnent des médicaments pour aller dormir. Ils nous droguent, ils mettent ça dans le café. Tu commences à perdre la raison après.
On est 100 dans le centre. On communique avec tous les bâtiments jusqu’à 20h30, après ils ferment les portes y a plus de cour commune. On est trop nombreux. Des gens dorment là où y a la télé, d’autres dorment par terre, y en a même qui n’ont pas de matelas et dorment sur des couvertures.
Y a des gens qui ont été ramenés en bleu de travail, direct des chantiers. Vous voulez vous plaindre à qui ? Le chef, je l’ai vu 10 fois. Il est gentil, mais il peut rien faire. Si il faut faire quelque chose, je suis le premier à foncer tête baissée, parce que ça va pas pour les gens qui se trouvent ici.»
Fermeture des centres de rétention, 21 juin.