Si tu veux être heureux brûle ton usine
Le 4 octobre, en Hongrie, une usine de production d’aluminium vomissait 1 million de mètres cube de boues toxiques, dévastant vallées et villages sur 1000 hectares, tuant une dizaine de personnes et en mutilant plusieurs centaines. Diverses saloperies, parmi lesquelles plomb, alumine, cadmium, radium, thorium (produits radioactifs) et autres merdes se sont répandues dans les plaines et dans les rivières laissant derrière elles une région profondément et durablement ravagée.
Au fond, pas de surprise. Au-delà des évènements les plus médiatisés, tels que Bhopal, les diverses marées noires, Tchernobyl, AZF, on n’oublie pas que ces «catastrophes» ne sont que la partie visible de l’iceberg : chaque parcelle de terre, d’air et de mer a déjà été plus ou moins pourrie. Et ce ne sont pas les fausses oppositions entre industrie lourde et usine autogérée à échelle humaine, chaînes de production vétustes ou éco-certifiées, décharge sauvage et tri sélectif, laboratoire de recherche au service du public ou du privé, qui achèteront notre consentement. Quand on nous bassine avec l’injonction «L’avenir de la planète est entre vos mains», qui se décline à toutes les sauces («trie tes déchets», «jette tes papiers à la poubelle», «mange bio»…), nous ne voyons qu’un sale chantage, basé sur la culpabilisation de tous et sur le vieux mythe de l’intérêt général. En gros, il ne nous resterait que deux (non)-choix : aller vers un mode de production dit «durable», sous la tutelle de l’État, soutenu pas la dite «société civile», et accompagnée par l’idéologie «éco-citoyenne», ou alors foncer tout droit vers une apocalypse environnementale et/ou sociale.
La menace d’un désastre planétaire voudrait nous faire accepter les conditions de vie que nous subissons déjà chaque jour : cette domestication imposée par la société capitaliste a besoin de l’industrie pour en tirer profit. C’est en effet là que se situe le cœur du problème, et non dans un mode de production ou un autre, prétendument alternatif. Derrière chaque «mode de production» se cache la même contrainte sociale qui nous réduit à l’état de force de travail. Derrière chaque produit «vert» et son lot de bonne conscience se cachent le même enfermement dans tel ou tel bagne industriel, la même exploitation par le travail. La soi-disant révolution verte conserve en réalité l’essentiel de la structure sociale existante sans toucher aux nombreux rapports de domination qui la façonnent.
Il n’est pas question pour nous d’alimenter ce catastrophisme ambiant, ni de céder à la résignation qui l’accompagne, ni d’accepter le réformisme qui voudrait profiter de la situation pour nous vendre sa dernière marchandise politique.
Mettre des bâtons dans les roues du progrès industriel est toujours possible, tout comme il est possible de porter une critique en acte du travail, en sabotant les multiples rouages de la machine, en pointant les responsabilités réelles des apôtres et des collaborateurs zélés de cette société de merde qui nous pourrit la vie si durablement.
Finissons-en avec elle,
avant qu’elle n’en finisse avec nous.
Notre libération est toujours entre nos mains.
Un peu d’imagination.
Tract trouvé autour d’une table de presse anarchiste sur la thématique anti-industrielle dans le Nord-Est de Paris, novembre 2010.
Retour à Belleville, 28 novembre.