Sans-papiers : la guerre coloniale continue ?
On ne compte plus les révoltes, ni les morts, les noyés, les camps d’enfermement incendiés. Il y a une lutte que personne n’arrive à contrôler malgré les frontières grillagées, électrifiées. Des milliers d’hommes et de femmes, que l’on nomme des «sans-papiers», montent depuis les anciennes colonies vers les pays qui les ont colonisés. Ils cherchent à échapper à la misère et à l’oppression. Ce sont les guerres de libération coloniales inachevées que sont contraints de continuer à mener les sans-papiers pour s’émanciper et des pouvoirs des pays impérialistes et de leurs propres gouvernements, larbins des premiers. Ici, au cœur même du système, ils réclament leur dû, et par procuration celui de ceux qui sont restés au pays.
Si telle est la situation, alors il n’y a qu’une question qui vaille d’être posée: que doit signifier pour nous être anticolonialistes aujourd’hui? La réponse n’est pas évidente, car le pouvoir et les bureaucrates qui lui sont soumis, nous martèlent que la régularisation de tous les sans-papiers, la libre circulation et installation de ces pauvres venus d’ailleurs menaceraient nos conquêtes et nos acquis, tels que la Sécu, l’assurance chômage, les allocations… On serait tenté d’y croire et par peur de devoir partager leur misère on aurait tendance à se cramponner à nos maigres privilèges (n’oublions pas que ces acquis ne sont pas neutres ; en 1945 la coalition PC-PS-gaullistes a permis la création de la Sécu au prix, entre autres, du maintien de l’empire colonial car 1945 c’est aussi les bombardements des insurgés algériens de Sétif et Guelma : 45.000 morts !). Leurs discours «réalistes» ne sont que mensonge, leur stratégie ne défend rien du tout : on a vu ce que sont leurs journées d’actions qui nous paralysent face aux patrons et à l’État.
Il faut donc choisir son camp, pas seulement par solidarité, mais parce qu’il n’y a pas de troisième voie pour ceux qui sont «en règle». Lutter avec les peuples des ex-colonies et avec leurs émissaires sans papiers, ou bien être crevés par la droite comme par la gauche. Paradoxalement la seule façon pour nous de gagner contre le pouvoir des patrons c’est d’être dans les tranchées et sur les barricades de ceux qui paraissent être les plus faibles, mais qui sont forts car «ils n’ont que leurs chaînes à perdre». Ça et là, en dehors des sentiers battus de la mobilisation, des résistances se renforcent en se nourrissant de cette idée.
Résistons ensemble no 79, octobre 2009
Contre les violences policières et sécuritaires.