"Quand tu te fais cogner"

Publié le par la Rédaction

Le 25 novembre prochain sera la «Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes». Quoi qu’on pense de ce genre de journées, Mademoiselle y voit l’occasion de donner la parole à une amie, militante féministe d’une cinquantaine d’années, qui s’est régulièrement fait cogner par son ex-mari, instituteur et militant de gauche. Extrait de l’entretien :

 

«Quand tu as un cancer, tu sais que tu as un cancer, mais quand tu te fais cogner, tu ne te dis pas que tu es une femme battue.Tu te dis : “Ben mon mari, il a disjoncté, quoi ! Et puis demain ça va aller mieux !” […] Il était pas au chômage… Il était pas alcoolique… Tout allait bien, sauf que je m’en prenais plein la gueule quand je rentrais le soir. […] Rien qu’à la façon dont il fermait la porte, on savait comment il allait être… Et puis alors, il pouvait être charmant, adorable, rentrer avec des fleurs, avec des chocolats et tout, et puis un quart d’heure après, il se mettait à me cogner dessus, tu ne savais pas pourquoi. Parce que… je m’étais mis du rouge à lèvres, alors il pensait que j’étais allée voir un mec… Parce que je m’étais habillée un petit peu plus… élégamment… Ou alors, si j’allais quelque part, et que je restais trop longtemps […] Et en fait, un soir… quand je suis rentrée chez moi, ben il était complètement dingue. (Elle baisse le ton.) Il me disait : “Ouais ! C’est moi qui suis obligé de faire la vaisselle, parce que toi, tu vas aux réunions [de l’association féministe], Madame va à l’association (Elle imite son ton dédaigneux) !”… Et donc, il m’a tapée (Elle appuie sur le mot), mais alors tant qu’il a pu ! […] Le sang pissait partout… Parce qu’en fait, la dernière fois qu’il m’a tapée, il m’a tapé (Elle baisse encore le ton) avec une casserole et alors là (Elle me montre une partie de son crâne), ça s’était ouvert sur trois ou quatre centimètres, là, et ça pissait ! On avait une cuisine comme ici, tu vois, mais les éléments, ils étaient blancs, tout était blanc… Y avait du sang partout ! Tu vois, avec la casserole, il avait tapé (Elle refait le geste), ça avait éclaboussé, le sang, partout ! Alors j’ai commencé à prendre une serpillière, à nettoyer. […] Et un jour, je suis partie. Carrément, du jour au lendemain, j’ai quitté le domicile. Mais discret ! Enfin, tu vois, pas avec des valises et tout ça ! Je suis partie, j’ai pris des sacs plastiques et… j’ai foutu deux, trois… deux, trois trucs dedans, et voilà.»

 

Mademoiselle - CQFD no 83, novembre 2010.

 


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