Quand ton voisin devient ton flic

Publié le par la Rédaction

Sécurité : Le Haut-Rhin expérimente la surveillance par les voisins

 

Plusieurs communes servent de banc d’essai au dispositif «participation citoyenne». Mais, à Soultz, la première tentative a tourné court.

 

 

Soultz est la première des communes haut-rhinoises à avoir signé, avec la sous-préfecture et la gendarmerie, une convention pour la mise en place du dispositif «participation citoyenne». Objectif : développer des réseaux de citoyens, en liaison avec la gendarmerie et la mairie, afin d’éliminer tout ce qui peut nuire à la tranquillité des riverains : cambrioleurs, vandales, chauffards, etc. Le tout, sur le modèle anglo-saxon (voir ci-dessous et ci-contre).

 

Soultz était également la première commune à organiser, vendredi soir, une réunion publique avec les habitants du premier quartier retenu. Du coup, la soirée, à la Halle aux blés, avait valeur de lancement de l’opération.

 

La réunion est annulée, faute de participants

 

Mais, à 19h45, trois quarts d’heure après l’heure H, sur les 66 familles du Nouveau Monde, l’un des plus récents quartiers pavillonnaires de la commune, seul un couple avait fait le déplacement ! Malgré les courriers adressés à tous les habitants.

 

Du coup, on pouvait se dire qu’il aurait été plus avisé de circonscrire l’expérience au centre-ville où, une semaine avant, deux vitrines et une demi-douzaine de véhicules venaient d’être vandalisés : là, les habitants seraient peut-être venus (à noter que le coupable a été arrêté depuis)…

 

Ou encore, que les riverains du Nouveau Monde se sentent peut-être suffisamment rassurés par la présence, à Soultz, de deux brigades de gendarmerie, du siège des brigades vertes, d’une police municipale (armée) et de la vidéo-surveillance — même si une partie de ces dispositifs n’ont pas vocation à se déployer localement — pour ne pas être tentés d’apporter leur contribution à «la démultiplication de l’action de la gendarmerie».

 

Les élus, le maire Thomas Birgaentzlé en tête, et le sous-préfet de Guebwiller Arthur Soêne, ont en tout cas pris acte de la désaffection du public. Les gendarmes ont remballé projecteur et exposés. Et les trois parties ont convenu d’annuler. Mais pas sans que le sous-préfet n’ait rappelé qu’une telle innovation est «majeure, pour la protection de l’environnement du citoyen, de ses biens et de son entourage». Et aussi cette évidence : «Sans la participation des citoyens, tous nos efforts ne sont rien.»

 

Vu les circonstances, Gérald et Augusta Mielle, seuls représentants de leur quartier, ont été les «héros» involontaires de la soirée, chaleureusement félicités «pour (leur) civisme» par le sous-préfet. Ce dernier n’a d’ailleurs pas manqué de les solliciter pour un rôle de référents. M. Mielle a décliné, invoquant des obligations professionnelles : «C’est une mission, a-t-il fait valoir, et il faut être en capacité de la mener». En aparté, il confie que «des voisins retraités seraient mieux à même de le faire». D’autant que «certains sont déjà impliqués dans la vie associative».

 

En tout cas, le sous-préfet estime n’avoir «pas encore perdu la manche», tandis que le maire envisage de «passer de maison en maison pour comprendre pourquoi les gens ne sont pas venus».

 

 

Signaler les présences suspectes

 

Avant le Haut-Rhin, le dispositif «participation citoyenne» a déjà été expérimenté dans les Alpes-Maritimes, le Loir-et-Cher, le Nord, la Drôme, l’Hérault et l’Allier. Visant à mobiliser la vigilance des habitants sur leur propre sécurité, il consiste essentiellement à signaler «présences suspectes ou agissements douteux de personnes étrangères aux lieux», afin de «mettre en place des contrôles orientés ou des services de surveillance générale». Le tout en liaison avec la gendarmerie, la police municipale et la mairie et en faisant du «référent de quartier désigné par ses pairs, le maire et les forces de sécurité», une pièce maîtresse du dispositif.

 

L’exemple soultzien démontre à l’envi qu’il faudra d’abord vérifier que l’idée correspond bien à un besoin et que les quartiers retenus sont bien ceux dont parle le texte de référence : «Particulièrement visés par les délits d’appropriation (vols, cambriolages).»

 

La proximité de la RN 83

 

À Soultz, en marge de la réunion avortée, un officier a surtout évoqué des potentialités, plus que des faits ou des chiffres : la proximité de la RN 83 (à partir du carrefour du… Nouveau Monde), propice à la fuite rapide des malfaiteurs, et l’attrait d’un lotissement aux maisons neuves, évocatrices de butins intéressants.

 

Resteront ensuite toutes les questions de nature à nourrir un débat plus politique, qu’elles aient trait au respect de la liberté individuelle et de la vie privée, éventuellement écornées par une surveillance de proximité érigée en système, ou à la couverture légale des membres du réseau, voire au bon sens, qui enseigne que l’esprit civique et d’entraide n’a pas attendu ce dispositif pour animer certains esprits.

 

 

Cinq communes impliquées

 

En plus de Soultz, quatre autres communes sont pressenties pour expérimenter le dispositif.

 

Ribeauvillé. Le député-maire Jean-Louis Christ nous a fait valoir que, dans sa ville, «on ne va pas stigmatiser un quartier : ce serait une grave erreur». C’est donc «l’ensemble du centre-ville» qui, selon lui, devrait faire l’objet de l’expérience. Fin de semaine, un adjoint au maire était chargé de mettre l’opération sur pied avec la gendarmerie.

 

Lutterbach. Le directeur général des services municipaux Francis Wira indique que le maire a proposé La Petite Venise. «Parce qu’il est bien identifié géographiquement et qu’il était prévu qu’on y rencontre de toute façon les habitants pour parler de circulation et de sécurité plus largement». Pour autant, précise M. Wira, «ce quartier, déjà relativement ancien et principalement pavillonnaire, ne présente pas de difficultés particulières». En plus, ajoute-t-il, «c’est le quartier du maire et on pensait qu’il serait plus facile d’y travailler». À Lutterbach, la réunion publique avec les habitants a lieu mardi soir.

 

Cernay. Le premier adjoint Jean-Paul Omeyer a rendez-vous demain avec le capitaine de gendarmerie : «Chez nous, ce serait autour de la rue de l’Argonne, prévoit l’élu, qui précise toutefois : Ce n’est pas un quartier obligatoirement difficile, même s’il y a eu quelques cambriolages pendant les vacances». «Il s’agit surtout, pense avoir compris M. Omeyer, de mener l’expérience dans des quartiers où on est sûr d’avoir un pilote qui tienne la route.» «De plus, estime-t-il, cela compléterait le système de vidéo-surveillance en train d’être mis en place.» Mais, prévient M.Omeyer : «Je ne veux pas qu’on mette en place des milices. C’est bien, à condition qu’on maîtrise.»

 

Altkirch. Pour l’instant, rien de fait, indique-t-on à la mairie.

 

Leur presse (Luc Marck,
L’Alsace), 7 novembre 2010.

 

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