Quand la peur change de camps (suite)

Publié le par la Rédaction

 

Dans l’édito de septembre il y avait une analyse de la situation des quartiers populaires et ce constat : «Nous sommes en plein passage à une lutte armée». L’idée était d’au moins provoquer le débat. Car dans le monde militant c’est plus ou moins silence radio. N’y a-t-il pas problème quand ceux qui se battent contre l’État, la répression, la rétention, la prison… ne considèrent pas vital de prendre parti par rapport à la situation dans les quartiers populaires ? Quelques-uns ont cependant réagi à cet édito ou se sont exprimés ailleurs sur ce point. Poursuivons le débat.

 

Faut-il parler de «tournant» dans les relations entre quartiers populaires et police ou plutôt d’un gonflage médiatique confortant la politique ultra-sécuritaire de l’État ? Certes les médias dominants font leurs choux gras de ces tirs hors-la-loi mais par exemple les deux pages de «Ripostes» (rubrique née de l’idée que les révoltes quasi quotidiennes face aux flics dans les quartiers populaires constituent un courant de résistance réelle et légitime) du dernier numéro n’appuient-elles pas la réalité d’un tournant radical ?

 

On dit aussi qu’il s’agit de bandits et de trafiquants qui comme toujours règlent leurs comptes avec les flics. Les intentions de ces banlieusards porteurs d’armes ne sont sûrement pas pures, et après ? Existe-t-il seulement des révoltes et des militants purs ? On ne peut nier en tout cas que si les insurgés de 2005 n’ont pas usé d’armes à feu ceux de Villiers-le-Bel en 2007 ou de Grenoble cet été n’hésitent plus à le faire.

 

De plus, parler de «lutte armée» serait inapproprié car rien ne laisse supposer l’existence d’une organisation collective, d’un plan clair et déterminé derrière ces actes isolés et confus ? Sans idéaliser ni y voir une quelconque avant-garde, ces gens armés ne luttent-il pas ensemble contre l’État et sa police ? Quel autre gage faudrait-il pour parler de «lutte armée» ?

 

Autre époque : Eldridge Cleaver, des Blacks Panthers aux militants blancs critiquant leurs modes d’action : «Il est des gens qui ne sont que trop disposés à penser à notre place, même si c’est nous qui mourons. Mais ils ne sont plus d’accord pour aller jusqu’au bout et mourir à notre place.» Il ne s’agit pas de parler ou d’agir à la place des jeunes des quartiers populaires ou leur dire ce qu’ils doivent faire. Il y a deux choix : laisser les tireurs régler cela seuls avec leurs armes et la police, ou prendre parti et se poser comme le disait l’édito «la vraie question [qui] demeure : quelle solidarité construire face à cela ?»

 

Éditorial du 90e numéro de Résistons ensemble, octobre 2010
Contre les violences policières et sécuritaires.

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