Procès pour refus de prélèvement ADN à Nîmes le 9 septembre 2010 à 14h
Encore un procès pour refus de prélèvement ADN
Rassemblement contre toute forme de fichage
Tribunal de Nîmes, 9 septembre 2010 à 14h
Lors de sa création, le fichier national des empreintes génétiques (Fnaeg) ne concernait que les personnes condamnées pour viol, puis pour meurtre. De cette manière, l’État a rendu le principe de ce fichier acceptable pour la population. Pourtant, aujourd’hui, ce sont toutes les personnes ayant affaire à la police qui sont succeptibles de figurer dans le Fnaeg, y compris celles qui sont finalement innocentées de ce qu’on leur reproche. Au 30 janvier 2010, selon la CNIL, 1'257'182 profils ADN étaient enregistrés, dont seulement 30% provenaient de personnes effectivement condamnées.
Quelques catégories notables sont cependant épargnées : les personnes soupçonnées de délits financiers. Les Éric Woerth et consorts n’ont donc pas eu à subir ce fichage…
On a trop tendance à croire les flics sur parole. En l’occurrence, le refus de prélèvement ADN ne conduit pas automatiquement à la prison. Il y a des moyens de se défendre devant le tribunal et les peines varient plutôt entre des amendes et du sursis (parfois on peut même être relaxé). Beaucoup de gens acceptent pourtant le prélèvement, d’autres cèdent sous la pression (harcèlement, menaces, mensonges, chantage…), certains se font voler leurs sous-vêtements voire leur tampax.
Pour les personnes qui refusent, les raisons sont nombreuses et variées : par exemple, l’ignorance que l’on a de ce que demain sera fait («Peut-être dans le futur vais-je être accusé d’un délit», «Peut-être qu’un comportement que j’ai aujourd’hui tombera demain sous le coup de la loi»). D’autres refusent par principe d’être fiché comme du bétail. On peut aussi refuser l’usage statisticien fait des données recueillies ou tout simplement tenir à l’intégrité de son corps. On peut enfin calculer ses chances de ne pas être poursuivi ou d’avoir seulement une peine légère comme condamnation pour ce refus («Ce qui m’a conduit en garde à vue n’aura pas de suite» ; ou bien «Je suis riche et j’ai de bons avocats» ; ou encore «Il y a du monde pour me soutenir et créer un rapport de force»…).
Les poursuites elles-mêmes donnent lieu à des résultats très différents. Bien sûr, selon les palais de Justice les décisions des magistrats divergent souvent. Mais, plus globalement, il ne faut pas oublier le caractère de classe de la justice. D’une part, les personnes poursuivies font rarement partie de l’élite sociale, et lorsque c’est le cas elles peuvent compter sur les meilleurs avocats. Partant de là, moins la personne pourra justifier de bonnes «garanties de représentation», c’est-à-dire un logement, un travail, une «image» plaisante…, plus cette personne sera broyée par la machine judiciaire.
C’est pourquoi la construction d’un rapport de force à l’intérieur comme à l’extérieur des tribunaux est importante. Inciter au refus le plus possible et montrer sa solidarité, a déjà permis d’obtenir des précédents susceptibles de faire jurisprudence en la matière. Et plus on sera nombreux à refuser de cracher notre ADN, moins il sera aisé pour eux de condamner dans le silence feutré des cours de justice.
De plus en plus, des personnes non-poursuivies pour le délit qu’on leur reprochait au départ ont été relaxées pour le refus de prélèvement. Ce fut par exemple le cas l’an passé dans ce même tribunal de Nîmes, où l’on peut penser que le rassemblement devant le bâtiment a joué son rôle dans la décision du procureur d’abandonner les poursuites, par crainte d’une protestation bruyante. Autre exemple : une personne condamnée pour tag le lendemain du Carnaval de Montpellier, a été relaxée pour le refus de prélèvement car son délit de dégradation n’était pas assez grave pour justifier le fichage (le tag nécessite seulement un nettoyage, la structure n’est pas attaquée). Dernier exemple, toujours par chez nous, le cas de Benjamin©, ce militant anti-OGM syndiqué à la CNT. Sa stratégie médiatique et consensuelle («C’est pas bien la répression des militants politiques») a fait connaître un aspect méconnu de la loi : on ne peut plus demander l’ADN de quelqu’un plus d’un an après l’exécution de la peine qui motive la demande de fichage.
Mais, trêve de suspens, voici l’histoire d’aujourd’hui :
Q. a été condamné à deux mois de prison ferme et 10 avec sursis (les deux mois avaient déjà été effectués en préventive) pour avoir tenté, sans succès, le soir du premier tour des dernières Présidentielles, d’incendier plusieurs véhicules, notamment aux abords des locaux des partis PS et UMP, vainqueurs de ce premier tour.
Moins d’un an après cette condamnation (malheureusement), il est convoqué à la gendarmerie et on lui demande son ADN. C’est le procureur qui le réclame, selon le principe qui lui donne le droit de le demander à pratiquement toutes les personnes condamnées. Q. refuse néanmoins, malgré la pression des policiers qui promettent la prison en cas de refus. Il connaît cette pression : il l’avait subie deux ans auparavant, lors d’une autre garde à vue. On avait alors réussi à lui réclamer et à obtenir son ADN, alors que par la suite il n’y eut aucune poursuite. Fort de ce résultat il aurait pu réclamer la suppression de ses empreintes du fichier, mais il ne l’a pas fait, doutant que l’empreinte soit réellement effacée.
Deux ans plus tard donc, Q. explique au flic qui veut lui prendre son ADN qu’il l’a déjà donné. Le flic cherche dans la base de données et ne trouve pas l’empreinte. Celle-ci s’est donc perdue ! Mais où est-elle passée ? Peu importe pour le flic et pour le procureur, l’individu refuse de donner son ADN, c’est un délit : procès !
Au-delà du risque de perte ou de fuites des données, il y a un paquet de raisons de refuser le prélèvement ADN. D’une part, il y a des arguments, des jurisprudences, qui permettent de tenir un discours face à la justice pour l’amener à ne pas condamner, ou alors faiblement. Par exemple, on peut tourner en dérision la prétendue infaillibilité scientifique de la preuve par l’ADN : des chercheurs démontrent que certains relevés sont si minces que les marqueurs sont les mêmes dans toute une famille ; des mathématiciens prouvent que l’augmentation du nombre de profils associée à la multiplication des tests comparatifs rendent les possibilités de coïncidence par erreur quasi certaines, etc.
Mais il ne s’agit là que d’arguments face aux juges. Les raisons principales qui conduisent au refus de prélèvement tiennent à la critique de toute la logique de surveillance et de gestion de la population. On a oublié bien vite que la carte d’identité a été rendue obligatoire par Pétain. Le fichage se manifestait même bien avant cela, à travers les registres tenus par l’Église, l’apparition du droit de vote pour les propriétaires et donc la carte d’électeur, les livrets de travail qui suivaient les ouvriers toute leur vie avec les appréciations de leurs patrons, ou les cartes de migrants qui filent à la trace aujourd’hui encore les Roms.
On refuse le prélèvement ADN comme on refuse le passeport biométrique ou la carte d’identité électronique. Comme on refuse l’inscription sur les listes électorales. Comme on refuse même toute signalétique lors des gardes à vue (donner son nom, sa photo, ses empreintes…). On aimerait bien aussi se passer de permis de conduire et de carte d’identité, mais il faut avouer que là le chantage est bien rodé : les sans-papiers ont de sérieux ennuis. On voudrait qu’aucun flic, aucun travailleur social ne prenne jamais note de notre existence. Mais le chantage fonctionne encore : difficile de vivre sans les aides sociales.
C’est parce qu’on voudrait que toutes ces pressions cessent, que nos rapports avec les gens soient seulement dictés par ce qu’on vit réellement avec eux et pas par des fichiers sur nous, sur eux ou des rumeurs, que nous analysons notre besoin de liberté comme nécessitant la suppression de tous ces fichiers et, plus largement, la destruction de l’État et du Capital.
refusadn.free.fr
adn.internetdown.org
www.infokiosques.net/prison_justice_repression
Kalimero sous le soleil, une caisse de soutien dans le Sud pour aider les «inculpés de la guerre sociale» (contact)
Bulletin de contre-info en Cévennes
Infos anti-autoritaires en Cévennes,
Causses, Aubrac, Margeride, 1er septembre 2010.