Présentation du mouvement situationniste
La revue Internationale situationniste est l’expression d’un groupe international de théoriciens qui, dans les dernières années, a entrepris une critique radicale de la société moderne : critique de ce qu’elle est réellement, et critique de tous ses aspects.
Selon les situationnistes, un modèle social universellement dominant, qui tend à l’autorégulation totalitaire, n’est qu’apparemment combattu par de fausses contestations posées en permanence sur son propre terrain, illusions qui, au contraire, renforcent ce modèle. Le pseudo-socialisme bureaucratique n’est que le plus grandiose de ces déguisements du vieux monde hiérarchique du travail aliéné. Le développement de la concentration capitaliste, et la diversification de son fonctionnement à l’échelle mondiale, ont produit aussi bien la consommation forcée de l’abondance des marchandises, que le contrôle de l’économie et de toute la vie par des bureaucrates à travers leur possession de l’État ; ou le colonialisme direct ou indirect. Bien loin d’être la réponse définitive aux crises révolutionaires incessantes de l’époque historique ouverte depuis deux siècles, ce système est maintenant entré dans une nouvelle crise : de Berkeley à Varsovie, des Asturies au Kivu, il est réfuté et combattu.
Les situationnistes considèrent que la perspective indivisible de cette lutte, c’est l’abolition effective de toute société de classes, avec la production marchande et le salariat : le dépassement de l’art et de toutes les acquisitions culturelles, remis en jeu dans la création libre de la vie quotidienne, et de la sorte réalisés ; la fusion directe de la théorie et de la pratique révolutionnaires dans une activité expérimentale exluant toute pétrification en des «idéologies», qui sont l’autorité de la spécialisation servant toujours une spécialisation de l’autorité.
Les facteurs qui posent ce problème historique, ce sont l’expansion et la modernisationrapides des contradictions fondamentales à l’intérieur du système existant ; entre ce système et les désirs humains. Les forces qui ont intérêt à le résoudre, et qui en ont seules la capacité, ce sont tous les travailleurs sans pouvoir sur l’emploi de leur propre vie, sans contrôle sur l’accumulation fantastique des possibilités matérielles qu’ils produisent. La démocratie des Conseils ouvriers, décidant seule de tout, est le modèle esquissé de cette résolution. Le mouvement de ce nouveau prolétariat pour se constituer en classe, sans la médiation d’aucune direction, est toute l’intelligence d’un monde sans intelligence. Les situationnistes déclarent qu’ils n’ont pas d’intérêts séparés de ceux de ce mouvement tout entier. Ils n’établissent pas des principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler un mouvement qui est réel, qui se produit effectivement sous nos yeux. Dans les luttes qui commencent en plusieurs pays et sur diverses questions, les situationnistes mettent en avant la totalité du problème, sa cohérence, son unification théorique et donc pratique. Enfin, dans les diverses phases que traverse cette lutte générale, ils représentent constamment l’intérêt du mouvement total.
«Internationale Situationniste» is a review expressing the thought of a group of theorists who, over the last few years, have undertaken a radical critique of modern society : of what it really is and of all its aspects.
According to the situationists, a universally dominant system tending towards totalitarian self-regulation is being resisted, but only apparently, by false forms of opposition which remain trapped on the territory laid down by the system — a system which these illusions can thus only serve to reinforce. Bueaucratic pseudo-socialism is but the most grandiose of these guises of the old world of hierarchy and alienated labour. The developing concentration of capitalism and the diversification of its machine on a world scale have given rise both to the forced consumption of commodities produced in abundance, and to the control of the economy (and all of life) by bureaucrats who own the State ; as, similarly, to direct and indirect colonialism. But this system is far from having found the definitive answer to the incessant revolutionary crises of the historical epoch which began two centuries ago, for a new critical phase has opened : in Berkeley and in Warsaw, in the Asturias and in the Kivu, the system is refuted and combated.
The situationists consider that the indivisible perspective of this opposition is the effective abolition of all class societies, of the commodity production system, of wage-labour ; the transcendance of art and of all cultural acquirements, by their re-entry into play through free creation in everyday life — and, thus, their true fulfillment ; the direct fusion of revolutionary theory and practice in an experimental activity excluding the possibility of all petrification into “ideologies” expressing the authority of experts and always in the service of authoritarian expertise.
The factors put in question by this historical problem are the rapid extension and modernization of the fundamental contradictions within the existing system ; between the system and human desires. The social force which has an interest in — and is alone capable of — resolving these, are all those workers who are powerless over the employment of their own lives, helpless to control the fantastic accumulation of material possibilities which they produce. Such a possible resolution has already been sketched out in the model of the democratic worker’s council, which takes all decisions itself. The movement required from this new proletariat for it to form itself into a class, unmediated by any leadership, is the sum of the intelligence of a world without intelligence. The situationists declare that outside the whole of this movement they have no interest. They lay down no particular principles on which to base a movement which is real, which in fact is being born before our eyes. Faced with the struggles which are beginning in various countries and over various issues, the situationists see their task as that of putting forward the whole of the problem, its coherence, its theoretical and therefore practical unity. In short, within the various phases of the overall struggle, they constantly represent the interest of the whole movement.
Selon les situationnistes, un modèle social universellement dominant, qui tend à l’autorégulation totalitaire, n’est qu’apparemment combattu par de fausses contestations posées en permanence sur son propre terrain, illusions qui, au contraire, renforcent ce modèle. Le pseudo-socialisme bureaucratique n’est que le plus grandiose de ces déguisements du vieux monde hiérarchique du travail aliéné. Le développement de la concentration capitaliste, et la diversification de son fonctionnement à l’échelle mondiale, ont produit aussi bien la consommation forcée de l’abondance des marchandises, que le contrôle de l’économie et de toute la vie par des bureaucrates à travers leur possession de l’État ; ou le colonialisme direct ou indirect. Bien loin d’être la réponse définitive aux crises révolutionaires incessantes de l’époque historique ouverte depuis deux siècles, ce système est maintenant entré dans une nouvelle crise : de Berkeley à Varsovie, des Asturies au Kivu, il est réfuté et combattu.
Les situationnistes considèrent que la perspective indivisible de cette lutte, c’est l’abolition effective de toute société de classes, avec la production marchande et le salariat : le dépassement de l’art et de toutes les acquisitions culturelles, remis en jeu dans la création libre de la vie quotidienne, et de la sorte réalisés ; la fusion directe de la théorie et de la pratique révolutionnaires dans une activité expérimentale exluant toute pétrification en des «idéologies», qui sont l’autorité de la spécialisation servant toujours une spécialisation de l’autorité.
Les facteurs qui posent ce problème historique, ce sont l’expansion et la modernisationrapides des contradictions fondamentales à l’intérieur du système existant ; entre ce système et les désirs humains. Les forces qui ont intérêt à le résoudre, et qui en ont seules la capacité, ce sont tous les travailleurs sans pouvoir sur l’emploi de leur propre vie, sans contrôle sur l’accumulation fantastique des possibilités matérielles qu’ils produisent. La démocratie des Conseils ouvriers, décidant seule de tout, est le modèle esquissé de cette résolution. Le mouvement de ce nouveau prolétariat pour se constituer en classe, sans la médiation d’aucune direction, est toute l’intelligence d’un monde sans intelligence. Les situationnistes déclarent qu’ils n’ont pas d’intérêts séparés de ceux de ce mouvement tout entier. Ils n’établissent pas des principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler un mouvement qui est réel, qui se produit effectivement sous nos yeux. Dans les luttes qui commencent en plusieurs pays et sur diverses questions, les situationnistes mettent en avant la totalité du problème, sa cohérence, son unification théorique et donc pratique. Enfin, dans les diverses phases que traverse cette lutte générale, ils représentent constamment l’intérêt du mouvement total.
«Internationale Situationniste» is a review expressing the thought of a group of theorists who, over the last few years, have undertaken a radical critique of modern society : of what it really is and of all its aspects.
According to the situationists, a universally dominant system tending towards totalitarian self-regulation is being resisted, but only apparently, by false forms of opposition which remain trapped on the territory laid down by the system — a system which these illusions can thus only serve to reinforce. Bueaucratic pseudo-socialism is but the most grandiose of these guises of the old world of hierarchy and alienated labour. The developing concentration of capitalism and the diversification of its machine on a world scale have given rise both to the forced consumption of commodities produced in abundance, and to the control of the economy (and all of life) by bureaucrats who own the State ; as, similarly, to direct and indirect colonialism. But this system is far from having found the definitive answer to the incessant revolutionary crises of the historical epoch which began two centuries ago, for a new critical phase has opened : in Berkeley and in Warsaw, in the Asturias and in the Kivu, the system is refuted and combated.
The situationists consider that the indivisible perspective of this opposition is the effective abolition of all class societies, of the commodity production system, of wage-labour ; the transcendance of art and of all cultural acquirements, by their re-entry into play through free creation in everyday life — and, thus, their true fulfillment ; the direct fusion of revolutionary theory and practice in an experimental activity excluding the possibility of all petrification into “ideologies” expressing the authority of experts and always in the service of authoritarian expertise.
The factors put in question by this historical problem are the rapid extension and modernization of the fundamental contradictions within the existing system ; between the system and human desires. The social force which has an interest in — and is alone capable of — resolving these, are all those workers who are powerless over the employment of their own lives, helpless to control the fantastic accumulation of material possibilities which they produce. Such a possible resolution has already been sketched out in the model of the democratic worker’s council, which takes all decisions itself. The movement required from this new proletariat for it to form itself into a class, unmediated by any leadership, is the sum of the intelligence of a world without intelligence. The situationists declare that outside the whole of this movement they have no interest. They lay down no particular principles on which to base a movement which is real, which in fact is being born before our eyes. Faced with the struggles which are beginning in various countries and over various issues, the situationists see their task as that of putting forward the whole of the problem, its coherence, its theoretical and therefore practical unity. In short, within the various phases of the overall struggle, they constantly represent the interest of the whole movement.
[Ce texte de présentation du mouvement situationniste a paru en anglais à la fin de la brochure The Decline and the Fall of the «spectacular» commodity-economy et en français sur l’affiche des Luttes de classes en Algérie, toutes deux publiées comme supplément au numéro 10 de la revue Internationale situationniste.]