Première semaine de grève des chômeurs
La Grève des chômeurs déménage un Pôle Emploi à Rennes
Compte rendu de la journée de grève des chômeurs et précaires du vendredi 7 mai à Rennes.
Déblocage de dossier et déménagement d’un Pôle Emploi
Ce matin, vers 9 heures, à l’agence Pôle Emploi Rennes St-Louis, deux membres du Mcpl et du collectif du 3 mai ont procédé au «déblocage» d’un dossier d’une personne qui avait fait l’objet d’une radiation. Cette action a permis de réengager le paiement immédiat de 1200 euros et le réenclenchement des versements d’ASS pour les mois à venir.
Vers 11 heures, une trentaine de chômeurs et précaires ont envahi l’agence Pôle Emploi de Rennes Sud, rue Albert 1er. Pendant qu’une des précaires expliquait les raisons de l’action, les autres déménageaient dans la rue le mobilier de la direction de l’agence : chaises, tables, armoires, ordinateurs, plantes vertes, etc.
Cette action s’est déroulée avec diligence, calme et détermination.
Cette action symbolique entendait protester contre l’envoi de la police dans cette même agence le jour précédent alors que quelques chômeurs et précaires ne faisaient qu’accompagner des usagers dans le labyrinthe administratif de Pôle Emploi et tentaient de nouer une discussion avec les usagers du Pôle et les conseillers sur la situation lamentable de l’institution et la culpabilisation forcenée des chômeurs et précaires.
L’après-midi, nous avions prévu également une autre action en direction des Pôles Emploi de la ville. Malheureusement la direction a préféré fermer les huit sites de la ville, cherchant par là à nous rendre responsables des fermetures du service et à nous isoler auprès des travailleurs et des usagers de Pôle Emploi.
À n’en pas douter, la direction est effrayée à l’idée que les justes motifs et les actions de la grève des chômeurs et précaires ne contaminent d’autres chômeurs et précaires et que les conseillers à l’emploi ne les rejoignent dans la lutte. C’est ce que nous entendons poursuivre la semaine prochaine.
À bas police emploi !
Vive la grève des chômeurs et précaires !
Rendez-vous dès lundi matin 10 heures à Rennes, place du Parlement pour démarrer une seconde semaine de grève et d’action.
Le collectif du 3 mai - Rennes, 7 mai 2010.
Grève des chômeurs à Rennes : Aux conseillers de Pôle Emploi
Vous n’êtes pas sans savoir que depuis lundi 3 mai, plusieurs dizaines de précaires ont commencé une «grève des chômeurs» à Rennes, mouvement relayé dans un certain nombre de villes, telles que Paris, Montreuil, Brest, Caen, Nantes, Tours… La plupart des agences de Rennes, jusqu’aux directions, ont vu un certain nombre d’entre nous «envahir» leurs locaux.
Vous le savez également : nous n’agissons pas contre vous. En 2008 et 2009, nous sommes venus à trois reprises marquer notre soutien à vos journées de grève contre la manière dont s’est opérée la fusion, et faire nôtres toutes vos revendications. Jamais nous n’avons manifesté vis-à-vis des conseillers la moindre agressivité, même si la morgue de vos directions peut difficilement susciter, vous en conviendrez, autre chose que de l’hostilité.
Pourtant, nous devons constater que notre présence suscite chez certains d’entre vous de la gêne, de la tension, quand ce n’est pas de l’exaspération. Que nous accompagnions des chômeurs souvent découragés, injustement privés de leur droits aux allocations du fait des dysfonctionnements quotidiens d’une institution inadaptée à tous points de vue à la situation (moyens, offres d’emploi et prestations proposées…), cela fait grincer les dents à plus d’un, et pas seulement à la direction.
Nous croyons que pour quelques-uns d’entre vous, un chômeur n’est rien d’autre qu’un chercheur d’emploi, quelqu’un dont toutes les pensées, s’il est normalement constitué, doivent être mobilisées à cette unique fin, faute de quoi il peut être dit responsable, et coupable de sa situation. Manifester son mécontentement du fonctionnement des institutions, c’est déjà se dérober à un tel devoir. Pire, accompagner d’autres chômeurs, c’est s’endurcir dans le mal, et risquer d’en contaminer d’autres. Ces accompagnements ont le tort de rendre visible l’ampleur de la violence institutionnelle, la disproportion des forces entre un précaire isolé et l’appareil d’État néolibéral que l’on vous demande d’incarner. En fait, ils mettent à mal le difficile exercice, à la base de votre fonction, de mettre en conformité votre conscience personnelle et professionnelle et l’adhésion qu’exige de vous l’institution, adhésion dont nous voulons bien croire qu’elle est toute relative. Cette adhésion «malgré tout» explique à nos yeux l’incessant report, malgré nos propositions en ce sens, du moment où il s’agira de résister ouvertement, c’est-à-dire de commencer à lutter à nos côtés.
Opposer, comme certains d’entre vous l’ont fait à Rennes Saint-Louis, votre professionnalisme d’accompagnateurs des demandeurs d’emploi à l’accompagnement collectif, à l’organisation collective des chômeurs et précaires, c’est nous dénier toute capacité d’être sujets et pas seulement objets des discours et des statistiques institutionnelles, objets des «politiques de l’emploi» dont nous sommes encore et toujours les cobayes plein de bonne volonté. Nous ne voulons pas être les «clients» de Pôle Emploi : un «client» a pour vocation d’être tondu.
Pour nous, un chômeur, un salarié, est d’abord un sujet politique. Et s’il faut toujours biaiser, manœuvrer, être pragmatique parce qu’il «faut bien manger», nous ne confondons pas ce «faire avec» les «dures lois de l’économie et de la conjoncture» avec l’exigence politique, celle de l’égalité, selon laquelle un chômeur, un salarié, un directeur de Pôle Emploi, un employeur doivent être amenés à discuter publiquement, d’égal à égal, des griefs qu’ils éprouvent les uns envers les autres.
S’il faut assurément un grand courage pour faire votre métier dans les circonstances actuelles, un tel courage est effectivement tout ce que votre direction, depuis l’agence locale jusqu’à Charpy et Sarkozy, vous demandent de faire preuve, indépendamment des différences d’interprétation très importantes quant à la manière de l’exercer. Quand le bateau coule, on n’y regarde pas de si près. D’entrer en relation avec nous, d’accepter la discussion, de vous poser très sincèrement la question des gestes de solidarité qui pourraient ouvrir les possibilités de liaison et de lutte commune, voilà qui serait faire preuve d’un courage qu’à coup sûr vos (nos) dirigeants ne sauraient encourager. Gageons qu’un tel acte serait plus concret et conséquent que l’attente des improbables «lendemains qui chantent (?)» de la reprise économique.
Vive la grève des chômeurs et précaires !
Vive la grève des agents de Pôle Emploi !
Pour un service public de l’emploi coopératif et égalitaire !
Collectif du 3 mai, 7 mai.
Nantes, récit d’un trois mai, grève des chomeuses
Journée d’action pour la grève des chômeuses (et des chômeurs).
Pour soutenir la grève des chômeuses-eurs, le Collectif contre le harcèlement des institutions totalitaires a prévu deux initiatives le 3 mai. Le matin, nous avons distribué des tracts devant le Pôle Emploi Erlon et tenu une table avec café, thé, jus de fruit et quatre-quarts. L’après-midi, nous avions prévu de nous inviter à une réunion organisée par le Conseil général avec les allocataires du RSA. Cette réunion avait pour but, pour le Conseil général d’inviter les allocataires à constituer un «groupe ressource». Nous voulions entrer dans la salle de réunion, lire le texte d’appel à la grève des chômeuses-eurs et repartir. Malheureusement, seuls deux d’entre nous ont réussi à rentrer dans la salle à cause d’un dispositif de sécurité très important.
Pour ma part je suis arrivé quelques minutes en retard et les discours avaient commencé. Il y avait une soixantaine d’allocataires (sur 3000 invitations envoyées) assi-se-s face à une tribune où siégeaient quatre personnes, soit deux élus du Conseil général et deux professionnelles du secteur social. Ils et elles ont monopolisé la parole pendant une heure pour nous dire que c’était nous qui allions avoir la parole et que le groupe ressource était notre groupe et que nous pourrions en faire ce que nous voulons. Pour bien qu’on comprenne, ils et elles nous ont montré une présentation power-point avec des schémas. Le groupe ressource sert à informer le Conseil général des dysfonctionnements du RSA, mais aussi des choses qui marchent bien. Sur l’écran, un encadré «nous informer» s’affiche en grand. De son côté, le Conseil général nous informe des nouvelles mesures ou de petites astuces. Sur l’écran l’inscription «vous informer» s’affiche sous la première, reliée par une flèche dans un sens et une autre de l’autre sens. C’est nous qui aurons le pouvoir dans le groupe ressource. Si on en fait la demande, on peut même inviter des professionnel-le-s — par exemple du Pôle Emploi — pour les rencontrer. Au cours de ce brillant exposé un des mecs de la tribune dit à propos de je ne sais plus quel sujet qu’il espère qu’il n’y aura pas de perturbation pendant la réunion. Devinant qu’il fait allusion à un sujet qu’il aurait évoqué avant mon arrivée, je demande à ma voisine ce qu’il en est. Apparemment un groupe de gens aurait prévu de perturber le bon fonctionnement de la réunion. Je souris intérieurement «à deux, on risque pas de perturber grand chose». Au bout d’un moment on est invités à former quatre petits groupes d’une quinzaine pour pouvoir discuter plus facilement. Nous nous réunissons donc autour de quatre animatrices pour répondre à trois questions assez bateau qu’on nous proposait. Les questions étaient manuscrites sur une grande feuille de papier affiché au mur près de l’animatrice. De mémoire les questions étaient quelque chose comme : Qu’est ce qu’on a compris du «groupe ressource» ? Pourquoi on est venu ? Quelles sont nos difficultés ?
Les gens qui voulaient prendre la parole le faisaient et l’animatrice écrivait ce qu’elles et ils disaient en dessous de l’une des trois questions. Au besoin, elle reformulait et synthétisait les interventions. Puis l’animatrice demande un volontaire pour rapporter ce qui s’est dit en grand groupe et les quatre groupes se réunissent de nouveau.
Là, un des élus s’excuse longuement des conditions d’accueil assez froides, du flicage et des contrôles à l’entrée. Lui, il aurait bien voulu que les portes soient grandes ouvertes et que tout le monde puisse rentrer normalement, mais c’est pas de sa faute, c’est de la faute des gens qui voulaient perturber cette réunion. J’en profite pour demander la parole et on me tend un micro. Je me présente comme membre du Collectif des Chômeurs-euses et Précaires en Lutte de Nantes (j’avais pas compris qu’on s’appelait pas comme ça) et j’explique que je me sens un peu visé, mais que tout ce que je voulais faire c’est relayer le message de la Coordination des chômeurs-euses et précaires en lutte et le mot d’ordre de grève des chômeurs-euses à partir du trois mai. Je dis aussi que je trouve dommage d’essayer d’empêcher la diffusion de cette information, et que j’ai justement le texte d’appel sur moi et que je vais le lire. Apparemment, les élus ont hésité à couper le micro puis ont préféré me laisser parler. J’ai donc lu le texte du Collectif du 3 mai (le même qui a été lu sur le plateau de France 2). À la fin, les allocataires ont applaudi le texte et les élus se sont précipités pour me féliciter et pour re-préciser que bien-sûr ils trouvaient très bien qu’il y ait des interventions de la sorte, que ça faisait vivre le débat démocratique et qu’ils n’ont jamais voulu censurer ce genre de choses mais seulement empêcher des éléments perturbateurs. Pendant le reste de l’après-midi, j’ai dû endurer les clins-d’œils complices de nos deux politiciens.
La mascarade de grande consultation des allocataires dans un simulacre de démocratie participative a pu reprendre tranquillement. Des rapporteuses-eurs des différents groupes se sont succédé-e-s au tableau. Une animatrice re-synthétisait chaque chose. Une image reste gravée dans mon esprit, celle d’une animatrice qui tient un micro pendant qu’un allocataire rapporteur parle dedans. Il n’arrive pas toujours à relire se qu’elle a écrit, alors elle lui souffle les phrases à voix basse pour qu’il les répète dans le micro. Une femme dit qu’elle a hésité à venir, parce qu’elle ne savait pas ce que ça pouvait lui apporter. L’animatrice a proposé de reformuler en «quelle plus-value je pourrais en retirer» et l’a marqué au tableau. Pari gagné pour le Conseil général, 60 des 3000 allocataires invité-e-s ont pu exprimer leur avis sur ce qui leur tenait à cœur.
Indymedia Nantes, 8 mai.
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