Pour des stratégies d'agitation locale et de réseaux
À l’heure où la guerre sociale, jusque-là latente, éclate au grand jour en passant de basse à moyenne intensité dans tous les pays d’Europe Occidentale, où la montée de la fronde insurrectionnelle anticapitaliste et antiautoritaire se précise avec une force irrésistible, nos ennemis ne se contentent pas de constater mais se préparent, expérimentent et s’arment en conséquence.
L’État consolide ses outils de répression, les généralise, et durcit sa position, dans la continuité sans surprise de sa logique de contrôle et de terreur, afin d'assurer la bonne marche de la machine capitaliste-totalitaire.
Après des manifs monstres, actions directes et émeutes par affrontements directs et tactiques (beaucoup de préparation pratique et collective) d'autodéfense (par le Book-Block avec boucliers et casques, notamment) en Angleterre, Italie et Grèce, avec une concentration des combats de rue à Londres, Rome et Athènes, force est de constater que la guerre sociale est totale, se généralise et se radicalise. Sont-ce là les prémisses de grandes insurrections généralisées européennes ?
Cette question est pratique, collective, immédiate et locale avant d'être globale.
Dans ce genre de contexte, la capacité de réaction immédiate pour manifester notre solidarité en attaquant localement le pouvoir d'État est essentielle. Dès lors, il est stratégiquement prioritaire de consolider nos forces de frappe locales, qui permettra une meilleure coordination des actions, notamment régionales et transfrontalières. Comment faire subsister localement et fédéralement un climat d'agitation révolutionnaire ? Il est intéressant pour répondre à cela de tourner plus rigoureusement nos regards vers les TAZ et bastions autonomes en Allemagne, Italie ou Grèce.
Il est primordial de se réunir régulièrement pour des discussions strictement pratiques d'auto-organisation et d'établir collectivement nos priorités, auxquels chaque groupe affinitaire peut se coordonner tout en gardant son autonomie afin de déstabiliser dans la durée l'ordre social et répressif. Que ce soit en Allemagne, en Suisse, en Italie ou en Grèce, nous voyons déjà plusieurs pistes qui montrent leur efficacité : prendre et aménager un Squatt politique, lieu d'organisation matérielle et de réunion (ou un local, un bâtiment, une salle à squatter-occuper dans nos lieux de travail et d'études, par exemple la fac de Lettres de Freiburg est occupée politiquement et sert de QG de lutte permanent) ; créer des espaces de vie, de débat et de création alternatifs et autonomes (tels librairie autogérée, café-bar autogéré, kiosque alternatif, etc.) ; créer dans des endroits qui restent à définir (appartements-«planques» au loyer payé par cotisation, greniers, caves, locaux sûrs, ou autres) des ateliers de presse et de sérigraphie, permettant d'avoir une autonomie de tirage papier pour affiches, tracts et brochures, et de lancer des journaux subversifs de rue ; dans beaucoup de villes ils parviennent même à créer des «Radios Rouges», antennes pirates d'information et de débat ; etc.
Toute cette organisation horizontale et autonome peut permettre d'élargir notre force de frappe, par des soupes-bouffes populaires, teufs sauvages de rue, affichages-taguages massifs, détournements de pubs à grande échelle, actions de solidarité selon le contexte, consolidation pratique de luttes locales (avec les sans-papiers, les étudiants, les lycéens, des salariés en grève dure, etc.), projections sauvages de film en pleine rue ; évènements Reclaim The Street ou festivals alternatifs ; salle de concert autogérée ; etc. etc.
Ce genre de stratégie locale, évidente depuis longtemps pour la plupart des villes dans les pays frontaliers, paraît encore timide et récente en France, même si ça commence à venir (Lyon, Dijon, Besançon, Rennes, Montreuil…). L'attentisme proportionnel à l'ultra-activisme-radical lors de mouvements sociaux est dû à l'éclatement épars des énergies.
Sur Strasbourg, nous avons le site Alsace Libertaire, une structure horizontale Legal Team (à consolider), la tactique Bloc en manif, mais il nous manque un local de réunion et de vie permanent, même si la salle autonome et alternative de concert et spectacle Molodoï existe, avec les squats de la Route des Romains et la salle autogérée Chez Mimir. Mais comme dans beaucoup de villes, chacun de ces îlots-TAZ reste coupé les uns des autres. En tout cas, c'est à débattre.
Par ailleurs, des réunions de tactiques de terrain sont également nécessaires :
La guerre sociale est totale, et de nombreux textes critiques d’analyse stratégique et tactique circulent déjà entre les différents groupes autonomes. Il s'agirait de débattre collectivement et horizontalement de tactiques de terrain dans des situations d’affrontement direct avec la police militarisée les plus diverses.
Que ce soit par les mouvements étudiants, lycéens, de chômeurs, de précaires, salariés ; lors de manifs sauvages, d’occupations, de blocages, de piquets de grève ; lors des sommets altermondialistes et la réappropriation locale de leurs outils tactiques de lutte de terrain ; lors d’actions commandos, de manif avec ou sans Bloc ; il s’agit désormais d’être capable de penser collectivement nos expériences de lutte en vue de tactiques réactives et horizontales contre la police et tous les types de répression possible.
S’il est clair que militairement parlant, du point de vue technique et matériel, la police a l’avantage, elle n’en reste pas moins fondamentalement vulnérable, peu habituée à être attaquée, peu rassurée à perdre l’initiative, préférant reculer que se laisser isoler ou prendre entre deux feux. L’idée n’est donc pas de chercher à vaincre militairement la police lors de batailles de rue, mais de se réapproprier de manière pratique notre capacité d’autodéfense face aux différentes tactiques de répression de terrain. La question qui nous importe est celle de l’initiative à nous réapproprier, à garder et à développer, afin d’élargir et consolider notre force de frappe.
Face aux tactiques policières, et selon nos objectifs et la signification politique de nos actions, développons et approprions-nous des réflexes d’autodéfense pratique. Il est intéressant de noter que les cortèges «étudiants» à Londres ou Rome sont systématiquement équipés de boucliers individuels et collectifs, de banderoles renforcées, de casques, de fumigènes, permettant d'établir dans la durée un rapport de force stable et solide.
La police n’est que le bras armé du pouvoir d’État que nous combattons.
Tactiques, car nous savons être capable de penser, transmettre et partager des outils d’autodéfense face à la police militarisée ; Guérillas, car si nous assumons la guerre sociale qui est notre seule réalité dans laquelle nous avons pris position, nous ne sommes d’aucune armée et ne cherchons pas à conquérir le pouvoir mais à le détruire, en défendant physiquement et tactiquement les moyens d’émancipation et de réalisation qui nous semblent justes et appropriés selon nos situations locales et globales.
L'heure n'est plus aux plates-formes de revendication mais aux plates-formes d'organisation offensive.
Détruis ce qui te détruit.
Autonomia et Basta !
guitoto - jeudi 16 décembre 2010.