Parce qu'il va falloir se trouver de nouvelles habitudes...

Publié le par la Rédaction


Voici un texte trouvé sur les murs de Montpellier, dans le climat actuel local où deux squats sont menacés d’expulsion (à savoir «la Chine» et «la Crève») et où quelques personnes tentent de perturber le train-train des festivités de Noël (tags «Ni dieux, ni Père Noël, ni petite souris, c’est la guerre !» ; «Tout va bien, ne craignez rien» ; «Feu à ce monde»)…

Parce qu’il va falloir se trouver de nouvelles habitudes…

Tout commence par un cri, celui de centaines d
années de solitude. Tout commence parce quen tant que fils et filles de cette société nous en attendions les cadeaux de Noël et le lait maternel. On sest rendu compte à la gueule de nos aîné-es quon pouvaient se faire baiser, que le lait était avarié et que le Père Noël nétait que le mensonge de nos parents face à lincapacité de nous offrir ces joujoux tant suggérés afin dêtre rêvés. (Cest pas moi qui mest trompé cest lui…)

Tout commence par l
ennui, tout commence par le vide.

Il y avait bien la télé, mais ce n
était pas suffisant. Il y avait bien nos parents mais ils étaient crevés du boulot.

Et cette impression qu
il fallait tuer le temps, de celui quon passait à lécole jusquà celui du temps libre où il faut que tu toccupes tout seul.

Nous étions tous tout seuls-es, nous cherchions quelques complices… Nous voulions vivre un «nous». Nous cherchions quelque chose d
excitant, de nouveaux terrains de jeux. Loin de ces mensonges. Loin des flics qui voulaient nous imposer leurs règles, leurs jeux. Comme si tout était fait, que tout nétait quennui, économie, gestion des risques, Staline ou Hitler.

Alors on s
est dit quon jouerait à la guerre. Que nous formerions des armes qui nétaient pas celles de largent, des Staline ou des Hitler, une guerre contre lennui, contre la croyance que tout était fait et quil ne se passe rien.

Ce n
était pas linsurrection qui venait, car elle était là. Juste en nous. Juste dans le fait que nous avions vu quil y avait une couille dans le potage. Quil y a des gens qui pètent des plombs, quil y a des gens qui se foutent en lair, juste parce que eux aussi voudraient quil se passe quelque chose. Et quils se pensent seul-e-s.

Mais petit à petit on se rencontre. On redécouvre certains jeux préhistoriques comme celui de remplir son sac dans le dos du vigile, comme celui du lancer de pierre sur le condé, comme celui de s
installer dans de grandes maisons laissées vides.


On a vu que ça pouvait être bien amusant et que pour une fois le «Plus on est de fous plus on rit» prenait un sens. Un sens tactique.

C
était un monde inconnu qui souvrait, nous nen avons pas encore les mots. Nos mots étaient bien trop pourris de leurs Staline, de leurs Hitler, de leurs plates certitudes économiques, de nos cultures personnelles de masse… Et du coup on sengueule sur ces mots, alors que les jeux nous réunissaient. Non pas quil fallait nous taire, mais il nous faut dabord réapprendre à jouer ces jeux, et développer nos tactiques. Il nous faut trouver de nouveaux jeux, de nouveaux territoires. Il nous faut continuer à rencontrer dautres fous qui se croient seul afin de pouvoir rire à ces jeux avec nous. (Parce que quand on aime on ne compte pas.)

Alors nous nous diffusons. Encore et toujours. Sur un graffiti, sur un papier, sur une voiture brûlée ou sous la couette.

Nous étions là partout. Et plus jamais seul-es. Et plus jamais au boulot qui faisait crever nos parents.

Et plus jamais à compter, à gérer, à commander qui que ce soit.

Et plus jamais à suivre, et plus jamais cette précarité perpétuelle du Demain t
es rien.

Alors on résiste quand un squat se fait expulser afin de pouvoir continuer nos jeux.

Alors on s
organise pour la récup, pour le vol, pour pas passer par la case payante.

Car à partir de maintenant, nous allons faire danser nos vies au point de faire trembler ce monde en ruine…

C
est juste quelques enfants fuyards, tinquiètes gros… ça ira pas bien loin.

Courriel, 26 décembre 2009.


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