Nuit de révolte dans le centre de rétention (CIE) de Ponte Galeria à Rome
Le lendemain de la révolte
Le texte ci-dessous est la traduction du compte-rendu de Macerie, le site d’un collectif d’anti-racistes italiens qui ont des contacts téléphoniques quotidiens avec les retenus dans les différents centres, et animent régulièrement des actions de solidarité. J’ai ajouté des précisions en ce qui concerne les dates qui sont ici en italique.
Le lendemain de la grande révolte au Cie de Ponte Galeria à Rome, les 18 retenus arrêtés passent en comparution immédiate. L’audience sera longue : la police a commencé par présenter les preuves qu’elle a rassemblé contre eux, et à l’heure qu’il est le juge les interroge un par un. Depuis ce matin nous participons à un rassemblement devant la tibunal, et cet après-midi une assemblée générale des soutiens doit se tenir pour décider des prochaines initiatives.
Pour écouter le reportage sur le rassemblement, enregistré ce matin par Radio Blackout (en italien), suivez ce lien vers l’article original.
Entretemps, la direction du centre continue de nier les très nombreux transferts qui ont déplacé un grand nombre de retenus vers d’autres centres de rétention. Nous vous tiendrons informés sur ce sujet dès que nos informations seront plus précises, mais très probablement Joy fait partie des retenu(e)s tranféré(e)s, elle devrait retourner au Cie de Modène.
(Joy est une des retenues qui ont pris part à une des grandes révoltes dans les centres de rétention italiens qui ont éclaté l’été dernier, en l’occurence celle du 13 août 2009 au CIE de la rue (via) Corelli à Milan. Son témoignage lors du procès de cette révolte l’a rendue tristement célèbre : comme plusieurs autres retenues, elle a été victime de violences sexuelles répétées, infligées par l’inspecteur-chef du centre milanais, Vittorio Addesso. Ses efforts, et ceux des autres retenues conçernées, Helen, Debby, Florence et d’autres, pour le repousser leur ont d’ailleurs valu toutes sortes de vexations, dont des matraquages alors qu’elles étaient menottées. Pour plus de détails en français : sur les inculpés de via Corelli, sur les révoltes d’août et de novembre dans le centre.)
Ce transfert veut dire qu’elle ne sera pas expulsée, pour l’instant (le Cie de Rome, Ponte Galeria, est généralement la dernière étape avant l’expulsion). Nous ne savons pas si ce transfert est dû à des questions juridiques ou au vaste mouvement de soutien dont elle a bénéficié, peut-être les deux à la fois. Il pourrait s’agir, plus simplement, d’une mesure visant à éloigner Joy, qui est désormais connue des soutiens de l’extérieur, du centre de Ponte Galeria au moment où à l’intérieur on est occupé à réprimer la révolte de lundi dernier.
Mise à jour de 15h30 : L’audience est désormais terminée mais pas le procès. Sur 18 arrestations, il n’y a que 3 retenus — les seuls à avoir des antécédents de résistance — qui resteront en prison (les 18 retenus ont passé la nuit à la prison de Regina Coeli suite à leur arrestation). Les autres sont «libérés», c’est-à-dire ramenés au centre de Ponte Galeria. Au cours de l’audience un des flics en service à Ponte Galeria a admis avoir tiré 3 coups de feu en l’air ; il se serait retrouvé sur le toit en plein milieu de la révolte, abandonné par ses collègues et seul parmi les émeutiers…
Macerie / Au fond près du radiateur, 31 mars 2010.
Traduction des mises à jour sur le site Macerie
Mise à jour de 20h00 : Le bilan de la révolte de cette nuit au Cie de Ponte Galeria s’élève à 200'000 euros de dommages pour ce qui est des dégâts matériels infligés au centre, 4 évasions, un nombre de transferts de retenus vers d’autres centres qui reste à confirmer (on parle d’une 60aine de retenus transférés), et 17 ou 18 arrestations. Les retenus arrêtés passeront en comparution immédiate demain matin.
Un rendez-vous a été fixé pour demain matin (mercredi 31) à 8h30, devant le tribunal de la ville de Rome, Piazzale (place) Clodio, pour assister aux comparutions immédiates des révoltés du centre de Ponte Galeria.
D’autres mises à jour suivront.
Macerie, 30 mars / Au fond près du radiateur, 31 mars 2010.
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Cette nuit au centre d’identification et d’expulsion de Ponte Galeria à Rome
Dans la nuit du lundi au mardi 30 mars, les sans-papiers enfermés au centre d’identification et d’expulsion de Ponte Galeria à Rome se sont révoltés, dénonçant entre autres la façon dont ils sont traités, «comme des chiens». Départs de feu, destructions, occupation des toits, affrontements avec les forces de l’ordre présentes en masse et en tenue anti-émeute, la révolte a duré toute une partie de la nuit. Les journaux parlent de milliers d’euros de dégâts, la prison serait aujourd’hui sans eau ni électricité. Plusieurs détonations, notamment des tirs, ont été entendus mais le directeur du CIE, lui, nie toute intervention des forces de l’ordre et parle de tentative d’évasion…
Ce matin les prisonniers ont été divisés en deux groupes, les «méchants» et les «gentils». Parmi les méchants, une quinzaine d’hommes ont été choisis, qui auraient été filmés par les caméras de surveillance. Ils ont apparemment été conduits dans une autre prison que celle pour les étrangers dits clandestins, c’est-à-dire dans l’une des nombreuses autres catégories de prisons qui existent en Italie, celle pour tous les exploités dira-t-on pour simplifier. Leur jugement pourrait avoir lieu très rapidement.
Pendant ce temps, cet après-midi, dans le secteur des femmes où il semble que les prisonnières soient complètement assomées par les somnifères et autres camisoles chimiques qu’on mélange à leur nourriture et où, de fait, la situation la nuit dernière est restée calme, la énième déportation par charter pour le Nigéria a commencé et plusieurs retenues nigériannes ont été emmenées.
Pour en savoir plus, à lire et à écouter (témoignages de retenus) en italien.
Solidarité sans frontières et liberté pour toutes et tous avec ou sans papiers !
Liste Rétention, 30 mars.
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Dernières nouvelles des centres de rétention italiens
Version traduite en français :
Le texte ci-dessous est la traduction du compte-rendu de Macerie, le site d’un collectif d’anti-racistes italiens (c’est ainsi que l’on désigne en Italie les mouvements qui travaillent en général sur les questions liées à l’immigration, discriminations, rafles, rétention, expulsions…), qui ont des contacts téléphoniques quotidiens avec les retenus dans les différents centres, et animent régulièrement des actions de solidarité. J’ai ajouté des précisions en ce qui concerne les dates et les expressions italiennes qui sont ici en italique.
La journée d’hier (le lundi 29 mars) semblait être une journée ordinaire dans le CIE de Ponte Galeria (le Centre d’Identification et d’Expulsion de Rome, l’équivalent italien de nos CRA), avec la majorité des retenus maintenus sous sédatifs, qui dorment jusqu’à midi et passent leur journée au lit. Dans le centre il y en a «de toutes les couleurs», des immigrés qui travaillent en Italie depuis 20 ans aux toxicomanes, en passant par les acooliques, les diabétiques, les asthmatiques, et les malades d’hépatite.
«Ici on nous traite comme des chiens»
Le quotidien à l’intérieur des centres ne change pas, nous entendons toujours les mêmes histoires. Il y a quelques jours, de désespoir, un retenu se frappait violemment la tête contre le mur, et un autre qui protestait a été frappé si fort (par les gardes d’Auxilium, qui gèrent le centre depuis début mars) qu’ils lui ont cassé les dents. Tabassé come ces garçons qui avaient tenté de s’échapper en montant sur les toits du centre (il s’agit probablement de la trentaine de retenus qui ont gagné les toits de Ponte Galeria le samedi 13 mars dernier, à l’occasion de la manifestation de soutien en face du centre ; ils ont été sévèrement réprimés). À tout ça s’ajoutent les cas d’automutilation quotidiens : presque tous les soirs il y a un retenu qui avale une lame de rasoir (par protestation, et/ou pour ralentir voire empêcher leur expulsion). Si tu te plains, ils menacent d’appeler la police, l’armée et les gendarmes. Si tu demandes des soins, ou d’être emmené à l’hôpital, ils te disent que tu fais semblant parce que tu cherches à t’enfuir. Ils confisquent tous les shampoings, savons et après-rasage, parce qu’on n’a le droit d’utiliser que les produits fournis par les gestionnaires du centre, la Cooperativa Auxilium. Ils confisquent tout, surtout les briquets : les gardes ne veulent pas d’incendies, comme celui qui est parti le 13 mars dernier, lors de la révolte qui a secoué le centre. Mais il y a une épicerie dans le centre, et ils vendent des allumettes ; peut-être qu’ils n’ont pas réalisé que l’on peut aussi allumer un feu avec des allumettes…
«Un bordel monstre !»
Mais hier à minuit (toujours le lundi 29 mars) nous recevons un sms d’un des retenus du CIE de Ponte Galeria. Une révolte a éclaté autour de 23 heures : les retenus ont mis feu à leurs matelas, et il y a deux gros départs de feu distincts dans le centre, qui grandissent jusqu’à toucher l’infirmerie. Certains retenus sont montés sur le toit, et d’autres ont fracassé trois ou quatre portes blindées et ont presque atteint le mur d’enceinte. Le centre est désormais envahi par les flics : ils sont partout, en tenue anti-émeutes, avec matraques, casques et boucliers. Autour d’1h20 du matin on entend même des coups de feu.
Les derniers contacts téléphoniques que nous avons pu avoir avec les retenus à l’intérieur du centre ont eu lieu à 3 heures du matin. À ce moment-là, il y avait encore des retenus sur les toits, et les flammes n’avaient pas encore été éteintes.
Depuis ce matin (mardi 30 mars) il nous est impossible d’entrer en contact avec les retenus, personne ne répond plus au téléphone, et nous ne pouvons donc pas avoir d’informations de première main. Pourtant, il y a quelques heures, la conseillère regionale Anna Pizzo a cherché d’entrer dans le centre de Ponte Galeria pour évaluer la situation. Comme il fallait s’y attendre, étant donné qu’elle n’avait pas fourni de préavis écrit, on ne l’a pas laissée entrer. Le directeur du centre a tout de même admis qu’il y avait eu une tentative d’évasion dans la nuit, suivie d’une révolte, mais il a nié une quelconque intervention de la police. À l’écouter, il s’agirait d’un événement mineur, alors qu’il a lui-même déclaré que pendant la révolte l’installation électrique et la plomberie du centre ont subi des dommages graves, à tel point qu’aujourd’hui l’électricité et l’eau courante ne sont pas encore rétablies à Ponte Galeria.
Mise à jour de 13h00 : Les retenus du secteur réservé aux hommes ont été enfermés dans la cantine, et divisés en deux groupes : d’un coté les «gentils» et de l’autre les «méchants». Cette distinction serait faite au regard des enregistrements vidéos des caméras de surveillance, qui auraient filmé toute la révolte. Il va sans dire que les retenus classés dans le groupe des «méchants» — une quinzaine apparemment — sont mis de coté en vue de leur arrestation. Dans la partie du centre réservée aux femmes, au contraire, personne ne s’est aperçu de rien ; au cours des derniers jours, en effet, les médicaments administrés aux retenues, ouvertement ou dissimulés dans la nourriture par exemple, sont particulièrement lourds. Selon différentes sources, les retenues passent leur temps à dormir, ou à pleurer. Plusieurs retenues nigerianes ont été emmenées ce matin, ce qui veut dire qu’il pourrait y avoir une nouvelle expulsion en préparation.
Mise à jour de 13h45 : Il y a bien eu 15 arrestations parmi les retenus masculins, qui ont été transférés probablement à Regina Coeli (la principale prison de Rome). Ils pourraient passer en comparution immédiate dès demain.
D’autres mises à jour suivront.
macerie, 30 mars.
Traduction en français par Au fond près du radiateur, émission d’actualité sociale tous les mardi de 19h à 20h30 sur FPP (106.3 FM en région parisienne).
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Version originale (en italien) :
Quella di ieri sembrava una giornata come tutte le altre nel Cie di Ponte Galeria, con la maggior parte dei reclusi sedati che dormono fino a mezzogiorno e passano la giornata a letto. Nel centro c’è gente “di tutti i colori”: chi lavora in Italia da vent’anni, tossicodipendenti, alcoolizzati, diabetici, asmatici e malati di epatite.
“Qui ci trattano come cani”
Da dentro sempre gli stessi racconti. Qualche giorno fa un recluso ha sbattuto la testa contro il muro per la disperazione e un altro che protestava è stato picchiato tanto forte che gli hanno rotto i denti. Riempito di botte come quei ragazzi che avevano provato a scappare salendo sui tetti. Poi ci sono i casi di autolesionismo: ogni sera qualcuno ingoia una lametta. Se ti lamenti, minacciano di chiamare la polizia, l’esercito e i carabinieri. Se chiedi di essere curato o portato in ospedale, ti dicono che stai fingendo perchè vuoi scappare. Sequestrano shampoo, sapone e dopobarba, perchè bisogna usare solo quello che forniscono i gestori del centro, la Cooperativa Auxilium. Sequestrano tutto, soprattutto gli accendini: le guardie non vogliono incendi, come quelli della sommossa del 13 marzo scorso. Ma nello spaccio vendono i cerini, e forse non hanno capito che anche con quelli si può accendere un fuoco…
“Un casino della madonna!”
A mezzanotte di ieri arriva questo sms da uno dei reclusi del Centro. Da un’ora è scoppiata una rivolta: i materassi bruciano e ci sono due grossi fuochi che si alzano arrivando fino all’infermeria. Alcuni reclusi sono saliti sul tetto e altri hanno spaccato tre o quattro porte di ferro e hanno quasi raggiunto il muro di cinta. Tutto il centro è pieno di polizia: sono dappertutto in tenuta antisommossa, con manganelli, scudi e caschi. Intorno all’una e venti si sentono anche degli spari.
Le ultime telefonate coi reclusi risalgono alle tre di notte, e raccontano di alcuni reclusi sono ancora sui tetti e di fiamme non ancora spente.
Da questa mattina nessun recluso risponde più al telefono, quindi non possiamo avere informazioni di prima mano. Ma qualche ora fa, la consigliera regionale Anna Pizzo ha cercato di entrare nel Cie, per verificare la situazione. Ovviamente, mancando il preavviso scritto, non l’hanno fatta entrare. Il direttore ha però ammesso che nella notte c’è stata una tentata evasione, seguita da una protesta, ma ha negato l’intervento della polizia. Secondo il direttore è stata una cosa da poco. Talmente da poco, che per sua stessa ammissione oggi nel centro mancano luce e acqua perchè durante la rivolta sono stati danneggiati gravemente l’impianto elettrico e quello idrico.
Aggiornamento ore 13.00. I prigionieri del settore maschile sono stati rinchiusi nella sala mensa e divisi in due gruppi: da una parte i “buoni” e dall’altra i “cattivi”. Le telecamere di sicurezza avrebbero ripreso tutta la rivolta ed è l’ora degli arresti. Da quel che si capisce, per ora i fermati — i “cattivi”, appunto — sono una quindicina. Nel settore femminile, invece, nessuna si è accorta di nulla: negli ultimi giorni, infatti, le medicine somministrate apertamente o con l’inganno dalla direzione sono particolarmente pesanti e, secondo alcuni racconti, le recluse passano il proprio tempo a dormire o a piangere. Alcune nigeriane questa mattina sono state portate via, e questo vuol dire che si potrebbe essere in preparazione un’altra deportazione.
Aggiornamento ore 13.45. In effetti gli arrestati sono 15, e sono stati portati probabilmente a Regina Coeli. Potrebbero essere processati per direttissima già domani.
Seguiranno aggiornamenti.
macerie, 30 marzo.
Tradotto in francese da Au fond près du radiateur, trasmissione di contro-informazione ogni martedì dalle 7 di sera alle 8 e mezza sur FPP (106.3 FM a Parigi).