No Border Bruxelles : Quand l'injustice se fait droit, la résistance est un devoir
Une perspective sur le camp No Border autour des questions de légalité et d’illégalité
Intro
Cet article est un texte collectif, rassemblant les expériences et les opinions de divers militants actifs dans les réseaux No Border. Ainsi, nous tenterons de présenter l’histoire des camps No Border tout en expliquant comment les réseaux No Border sont confrontés aux questions de légalité et d’illégalité. Sur base de ces expériences partagées, nous proposons, simplement, de renoncer au questionnement quant à la légalité ou à l’illégalité, afin d’offrir une autre lecture du monde qui nous entoure. Nous revendiquons la légitimité de nos actions, qui seule, à nos yeux, peut les conditionner.
À propos des réseaux et des camps No Border
La genèse du réseau No Border remonte à un appel lancé à l’occasion du sommet européen de Tampere (15 & 16 octobre 1999). Cet appel s’adressait aux activistes, groupes ou associations militant autour des droits des réfugiés, des migrations clandestines, du contrôle social ainsi que des politiques anti-migratoires et des effets des ces dernières sur la vie des migrants comme sur celle des habitants des pays dits «d’accueil». Il visait à échanger des informations et des compétences et à développer un réseau capable de poursuivre la lutte contre les politiques européennes anti-migratoires. Un réseau informel, assez large tant géographiquement qu’en termes de diversité d’actions, s’est ainsi développé par la connexion de réseaux locaux préexistants [S’identifiant parfois comme réseaux No Border locaux]. Un réseau dont la revendication de base, commune mais déclinée sous diverses formes et stratégies locales, est la liberté de circulation et d’installation, le caractère «collectif» de notre planète. Un réseau dont la dynamique était initialement fondée sur quatre thèmes : un appel pour une campagne européenne contre les expulsions, un appel à organiser des journées d’action internationales, un appel pour une campagne contre les centres fermés, et l’organisation de camps No Border.
Au fil du temps les thématiques se sont élargies et le réseau a évolué, mais il reste un réseau d’activistes, refusant de se muer en organisation formelle, en parti ou mouvement politique, et donc conservant une diversité dans les tactiques, les approches et les thèmes. Ni chef ni hiérarchie au sein du vaste réseau No Border, mais un partage des responsabilités et des tâches en perpétuelle évolution, selon les compétences et les affinités de chacun.
Un exemple du cheminement suivi par le réseau au cours des années est l’évolution des thèmes des camps No Border. À l’origine, ces camps étaient conçus comme des occasions de soutenir physiquement les migrants à passer les frontières, comme cela a été fait à Bialystok, au Mexique… Plus tard, des camps No Border ont été organisés pour contester le contrôle social, l’oppression des migrants entrés en Europe et le refus de leur assurer des soins médicaux, la possibilité de se loger, de travailler… Ainsi le camp No Border de Strasbourg (2002) était axé sur l’opposition au «Schengen Information System» (SIS), un système mis en œuvre pour échanger les empreintes digitales et les données biométriques des réfugiés, facilitant ainsi grandement le contrôle, voire la traque, des réfugiés déjà entrés en Europe
«La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.» - A. Einstein.
Un camp No Border vise à créer un espace autonome, libre, autogéré et égalitaire pour que des activistes y partagent compétences et informations et agissent contre les politiques anti-migratoires, luttant contre le système qui exploite et opprime tant les migrants que bien d’autres personnes. Il s’agit, d’une certaine manière, de la matérialisation temporaire des fondements du réseau : dans un lieu donné, pour une période donnée, se rejoindre physiquement et lutter ensemble, aussi différents que nous soyons dans nos parcours, nos idées et nos tactiques, contre ce système [Les politiques anti-migratoires comme l’exploitation — des sans papiers et de nombreux autres individus — étant le fruit d’un fonctionnement «social» basé avant toute chose sur la recherche du profit et l’enrichissement de quelques-uns au détriment du plus grand nombre, c’est ce «système» ploutocratique, de plus en plus oligarchique, et donc bien peu démocratique que nous rejetons.] que tous nous rejetons.
Cette année, c’est à Bruxelles que le camp No Border a choisi de s’installer [Cela peut sembler curieux puisqu’aucune frontière n’y est physiquement présente. Mais la ville est un symbole des politiques européennes anti-migratoires. Elle accueille de nombreux sommets et institutions européennes définissant ces politiques et organisant leur mise en œuvre. Elle héberge en outre plusieurs institutions appliquant les politiques belges anti-migratoires. La Belgique exerce la présidence du Conseil européen pour le second semestre de cette année 2010, ce qui la rend responsable à nos yeux des politiques européennes. Enfin, Bruxelles a été le lieu de nombreuses luttes de migrants et de leurs soutiens, prenant des formes diverses, de l’occupation de bâtiments par des sans-papiers à la lutte contre le nouveau centre fermé construit en périphérie de la ville.].
Sur la question de la légalité et de l’illégalité
Les réseaux No Border ont toujours été confrontés à des questions quant à la légalité et à l’illégalité, et ce sous deux aspects. Le premier, fondamental et intrinsèquement lié à notre combat, concerne l’exclusion d’individus par les autorités, qui n’hésitent pas à les réduire à un «non-statut», celui «d’illégal», sur base de leurs origines et de leur situation. Le second aspect, assez général, est rencontré par bien des groupes et associations s’opposant aux pouvoirs [Autorités publiques, entreprises, institutions…] en place, et est lié aux modes d’actions choisis pour atteindre leurs objectifs ainsi qu’à la perception qu’a la force publique de ces contestataires.
Parce qu’il n’y a pas d’humains illégaux mais seulement des lois inhumaines
Le premier aspect est donc centré sur la personne, déclarée légale ou illégale, selon son pays d’origine et la manière dont elle est entrée sur le territoire de l’Union européenne. Il est aisé à analyser de notre point de vue : la différence faite entre la légalité ou l’illégalité de personnes franchissant des frontières est une distinction sans importance pour les participants à un réseau No Border. Nous considérons que les frontières ne sont ni naturelles ni légitimes, qu’elles divisent les individus et dispersent ainsi la résistance contre les États qui les mettent en œuvre. Elles sont en outre source de nombreuses injustices. Pour les activistes No Border, il est impensable et inadmissible, car illégitime, que quelqu’un (ou même sa migration) puisse être déclaré légal ou illégal. En premier lieu, seul un acte devrait pouvoir être considéré comme légal ou illégal, et certainement pas un être humain, ce qui serait aussi réducteur… qu’inhumain. Il ne s’agit donc à nos yeux que d’un odieux marquage administratif, foncièrement inepte, mais aux conséquences lourdes. Ensuite vient la légitimité de la migration. En tout premier lieu, comme précisé précédemment, nous sommes favorables à la liberté de circulation (et d’installation) de tous. Nous ne comprenons pas comment sa limitation pourrait être défendable éthiquement, sur quelle base morale une grande part de la population mondiale pourrait être privée de cette liberté de base. Nous arguons que les sociétés peuvent et doivent être adaptées aux migrations, et non le contraire. Enfin, les gens qui émigrent ont une raison de le faire. Tenter d’améliorer ses conditions de vies ou celles des siens est légitime. La différence faite entre réfugié politique et réfugié économique est une distinction qui n’a aucun sens. Si par exemple un pêcheur sénégalais émigre car il ne peut plus subvenir aux besoins de sa famille, il est également réfugié politique puisqu’une décision politique est à la base de l’abandon des côtes sénégalaises à des entreprises chinoises, décision politique émanant d’une vision capitaliste des ressources. Le même principe reste valable pour les réfugiés de guerre comme pour les réfugiés climatiques.
La politique migratoire européenne tente de faire la différence entre de «bons» et de «mauvais» réfugiés [Ou encore de «vrais» ou de «faux» réfugiés], limitant de fait les raisons pour lesquelles des personnes pourraient migrer «légitimement». L’unique intérêt à faire une telle distinction, artificielle et purement subjective, est de continuer à diviser et à exploiter une grande partie de la population. Pour les raisons énoncées ci-dessus, nous renonçons à cette distinction, considérant qu’«il n’y a pas d’humains illégaux mais seulement des lois inhumaines».
Parce que nous ne nous laisserons ni enfermer, ni utiliser. Parce que dormir ne ferait que prolonger le cauchemar dans lequel ils aimeraient nous faire jouer.
La seconde manière dont les réseaux No Border sont confrontés aux questions de légalité et d’illégalité est plus complexe, quoique assez générale dans le militantisme, et concerne la manière et les conditions dans lesquelles des actions sont menées. Selon certains critères [Notamment, mais pas uniquement, les lois, arrêtés, décrets, dispositions et règlements], le contexte [Ainsi des manifestations seront autorisées ou non en fonction de la concomitance de sommets européens, célébrations, matchs de foot, visite d’un chef d’État, autres manifestations programmées…] mais aussi une bonne dose d’arbitraire [Tels que l’image que se font les autorités d’un groupe ou d’une association, leurs difficultés à appréhender une organisation dépourvue de hiérarchie ou de leaders, les opinions personnelles de l’un ou l’autre haut fonctionnaire ou politique…], les autorités catégoriseront certaines actions comme légales et d’autres comme illégales et poursuivront ou non les participants à des actions illégales. Le questionnement sur nos modes d’action et leur positionnement quant à «la légalité» aboutit souvent à de longues discussions durant les assemblées des camps No Border, par exemple lors de collaborations avec des organisations humanitaires importantes. Il est important d’analyser les raisons qui sous-tendent à ces questionnements afin d’y apporter des réponses.
En réprimant certaines actions autour des camps No Border, et en poursuivant des activistes, les autorités envisagent surtout la question de la légalité ou de l’illégalité comme une distinction entre les manifestations autorisées et les manifestations non autorisées. Nous ne pouvons bien sûr conditionner nos actions à l’obtention du label «autorisé/légal» décerné par l’État lui-même, selon ses intérêts et ceux qu’il défend, alors qu’il est lui-même la cible de notre contestation et notre opposant principal dans la lutte pour la liberté de circulation ! Nous revendiquons une légitimité supérieure, comme dans toute action de désobéissance, nous permettant de sortir des espaces — à la fois de plus en plus limités et contrôlés, pour ne pas dire neutralisés [Voir les trajets imposés pour les manifestations autorisées de Strasbourg en avril 2009 (anti-NATO) ou lors du camp No Border de Calais (2009), dans des zones industrielles dépeuplées, ou «l’espace d’expression libre», carré cerné de barbelés ou les bombspotters furent invités à crier leurs slogans… dans le calme lors du «NATO Game over». Des «espaces de libre expression» furent également imposés lors de manifestations face à l’ambassade américaine de Bruxelles. On pourrait également citer le «fichage ou fouille préliminaires» rendus obligatoires avant la participation à certaines manifestations telles que le Festival des Résistances à Steenokerzeel (02/2003).] — de la contestation légale. Nier cette légitimité revient par ailleurs à renier toute forme de désobéissance civile et à abandonner la majorité des modes d’actions [Affichage massif, occupations, blocages, sabotages etc. qui représentent d’ailleurs l’écrasante majorité des actions réalisées par de «grands acteurs de la scène contestataire» comme Greenpeace, Vredesactie (Bomspotting), les faucheurs volontaires etc.].
«On critique souvent la violence du fleuve, mais jamais celle des berges qui l’enserrent.» - B. Brecht.
On peut également arguer le manque de réciprocité, le manque «d’universalité» dans l’application de la loi. Si les autorités utilisent systématiquement des législations de plus en plus répressives contre leurs opposants, il en est rarement de même quand il s’agit des infractions commises par ses agents dans la répression de cette opposition. L’égalité devant la loi est donc un leurre [Sans aborder ici l’influence de l’origine socio-culturelle sur la fréquence et la durée des condamnations]. Ainsi, lors de nombreuses manifestations ou actions [Le cas est pour ainsi dire général à toutes les manifestations subissant une répression policière : il y a d’ailleurs toujours bien plus de blessés du côté des manifestants que des forces de l’ordre, qui disposent maintenant d’un véritable arsenal «non-létal» (en réalité «à létalité réduite» : Taser, flashballs, matraques de types divers, gaz CS, gaz au poivre, grenades au gaz, assourdissante ou aveuglantes, autopompes, cavalerie etc.) et de tenues «robocop» protégeant de la majorité des projectiles.], les services de police font preuve d’une violence totalement disproportionnée face aux manifestants. On se souviendra de la répression liée aux sommets de Seattle (1999), de Gênes (2001), de Vichy (2008) ou encore de Strasbourg (anti-NATO, 2009) : de nombreux manifestants blessés, plusieurs traduits devant les tribunaux pour jet de pierre, rébellion etc., mais peu ou pas de policiers poursuivis malgré les très nombreux manifestants blessés [Et la mort de Carlo Giuliani à Gênes] et les nombreuses images de provocations et de violences policières «gratuites» [Notamment à Strasbourg, les vidéos de policiers jetant des pierres sur des manifestants pacifiques : dailymotion.virgilio.it/… ; dailymotion.virgilio.it/…].
À plusieurs reprises, l’État belge lui-même, via ses administrations, a délibérément contourné ou carrément piétiné la loi ou les conventions internationales pour privilégier l’application de ses politiques anti-migratoires. Les exemples ne manquent pas : violations régulières des droits humains lors des arrestations, détentions et expulsions de migrants [Si la mort de Semira Adamu a défrayé la chronique, les cas de menaces, mise au cachot, humiliations, coups voire torture ne sont pas rares, consulter le blog de la CRER, les rapports du Comité de Prévention de la Torture (CPT) , le rapport de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (1999, titré «Les centres fermés : l’arrière-cour de la démocratie» et qui décrit avec précision l’arbitraire administratif et la «torture psychologique» qui y règnent, ainsi que les sévices physiques qui y sont parfois commis), les rapports d’Amnesty International ou encore le site de la Ligue des Droits de l’Homme.], utilisation de subterfuges fallacieux [Par exemple une convocation à l’Office des étrangers sous un prétexte mensonger, comme compléter un dossier de demande d’asile, ou encore l’arrestation d’enfants à l’école afin d’attirer leurs parents] pour l’arrestation de migrants, expulsions ou tentatives d’expulsions réalisées en urgence le week-end alors qu’une audience dans un tribunal est prévue pour le lundi, détention d’enfants et «accueil» des mineurs non accompagnés [www.amnestyinternational.be/…], condamnation de l’État belge par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir violé le droit humanitaire en expulsant par un vol collectif 70 Roms Tsiganes de Gand (arrêt Conka) etc.
À Calais, la police française attaque un lieu considéré comme sûr pour les migrants, les battant, aspergeant de gaz au poivre, détruisant ou jetant leurs quelques biens, sans pour autant disposer du moindre mandat de perquisition (hangar de Kronsadt). Les politiques anti-migratoires grecques enfreignent clairement les politiques européennes en matière de migration et la police grecque est extrêmement violente avec les migrants [www.hlhr.gr/… ].
Parce qu’isoler du contexte, c’est déjà mentir
Les États eux-mêmes méprisent donc la loi quand cela leur semble utile. Dans la pratique, à de rares exceptions près, la loi ne s’applique qu’aux activistes et individus luttant contre le système et non aux États eux-mêmes, au système capitaliste ou aux entreprises. Dès lors, pourquoi devrions-nous nous sentir moralement obligés de la respecter ? Les autorités postulent souvent que les actions «illégales» sont par essence «antidémocratiques». Ces mêmes autorités ne se jugent pourtant pas antidémocratiques et ne sont pas jugées comme telles par leurs pairs. Les autorités françaises ne considèrent leurs actions ni comme illégales, ni comme antidémocratiques. Les Grecs et les Belges non plus.
A fortiori, «légal» ne signifie pas forcément «démocratique». Nous pourrions citer en exemple le régime nazi, qui s’est développé de manière parfaitement légale, ou se référer aux partis racistes récoltant des victoires électorales pour démontrer que légal ne signifie pas démocratique. Comme Jan Blommaert le faisait remarquer dans un essai, le concept de démocratie a été réduit à un nombre de règles (légalité), oubliant le contenu même de la démocratie. Cela permet que des actes non démocratiques soient considérés comme démocratiques par leur respect de certaines règles. De même, des actes illégaux mais démocratiques peuvent alors être taxés d’antidémocratiques.
Pour les raisons développées précédemment, nous ne conditionnons donc pas nos actions à leur caractère légal ou illégal. Nous tenons à préciser que ce questionnement est différent de celui concernant le caractère violent ou non d’une action, puisque même des actions strictement non violentes peuvent être déclarées illégales par l’État et que la définition morale de la violence est extrêmement subjective [Ainsi de nombreux journalistes verront plus de violence dans le bris d’une vitrine que dans un tabassage de manifestants au sol par des policiers en nombre ou dans un enfermement de plusieurs jours.]. À Copenhague, des organisateurs d’actions non violentes ont été arrêtés pour avoir été soupçonnés d’organiser des actions illégales. Une politique stricte de non-violence n’assurera jamais que nos actions ne soient déclarées illégales. En outre, nous considérons que prendre en compte le caractère légal ou non d’une action est jouer le jeu de l’État. L’État définit ce qui est légal ou illégal pour une certaine raison : le fait qu’une approche plus ferme de la gestion de la contestation soit simultanée à une crise mondiale du capitalisme et de l’impérialisme n’est pas une coïncidence. Depuis le 11 septembre, même le fait d’être musulman et opposé à l’impérialisme américain peut être prétexte d’incarcération, parfois de déportation dans un pays tiers où la torture est «légale» [Ce qui est bien le comble de ce que décrit Jan Blommaert]. Depuis la crise grecque, les polices surveillent de près les activistes masqués lors des actions, craignant des actions similaires à celles qui se sont produites sur place, actions remettant l’État en cause et tentant de le faire chuter. Nous refusons de jouer le rôle qui nous serait imposé dans ce théâtre politique si nous accordions trop d’importance dans nos choix à la légalité. Nous refusons ces polémiques parce que les maintenir au centre de nos discussions amène à affaiblir la résistance contre les politiques et les lois inhumaines, créant des divisions entre activistes ayant les mêmes buts mais des voies différentes pour les atteindre. Le caractère légal ou non d’une action n’est qu’un paramètre de l’évaluation des risques, même s’il implique une prise de conscience des risques et des précautions à prendre.
«Là où il n'y a le choix qu’entre lâcheté et violence, je conseillerai la violence.» - Gandhi.
Un des principes des camps No Border est la diversité des tactiques mais la solidarité de tous contre la répression. La diversité de tactiques réfère à un concept dans lequel des activistes de différentes origines et expériences travaillent ensemble pour atteindre un but commun, mais laissant aux uns et aux autres le choix de leurs modes d’action pour y parvenir. L’appel à la diversité des tactiques est souvent lancé par des groupes désirant concentrer leur énergie sur l’attaque de symboles du capitalisme, tels que des banques, des agences d’intérim, des McDonalds… revendiquant leur espace dans le champ d’action. Ils opposent cette diversité de tactiques à la politique du «pas de dégâts - pas de résistance active» prônée par certains acteurs de la contestation [Notamment, à quelques exceptions près, les acteurs institutionnels tels que les syndicats]. Le principe de la «diversité des tactiques» s’est fait connaître au plus grand nombre des activistes quand il a été communément utilisé pour décrire la convergence des actions lors de «la bataille de Seattle». La diversité des tactiques a obtenu le plus de résultats quand elle était soutenue par un haut degré de solidarité et de compréhension entre les différents groupes participant. Comprendre que, bien qu’en développant des modes d’action différents, il est possible de travailler ensemble dans le même but, génère une dynamique dans de nombreuses campagnes et permet de couvrir l’entièreté du champ d’action, une action renforçant l’autre.
Mais la diversité des tactiques engendre également une grande responsabilité chez les activistes la partageant. Les activistes doivent toujours avoir conscience des risques qu’ils courent ou non ou pourraient faire courir à d’autres, et comprendre les diverses implications des actions proposées afin de choisir auxquelles participer. Se montrer solidaires face à la répression contre des actions auxquelles ils décident de ne pas participer pour des raisons qui leur sont propres. Respecter l’ensemble des militants : l’«utilisation» d’une grande manifestation annoncée et légale par un groupe d’activistes «jeteurs de pierres» peut manquer de respect voire même être traumatisante pour des participants s’attendant à une manifestation autorisée et calme.
Lors du No Border Camp, nous soutiendrons toutes les actions menées en respect des principes du No Border Camp si ces actions sont menées contre les politiques antimigratoires européennes ou belges, au sens le plus large. En contrepartie, nous attendons de tous les participants qu’ils utilisent leur mode d’action préféré avec respect pour les autres et leurs tactiques propres et qu’ils prennent la responsabilité de faire de ce camp un succès.
Ce qui conditionne nos actions est leur légitimité, une fois considérées dans leur contexte. C’est cette légitimité qui nous soude, elle qui associée au respect de chacun génère cette solidarité qui nous renforce. Nos actions ne seront jamais antidémocratiques au sens réel du terme, tout au contraire. Nos actions, notre «désobéissance» collective, qu’elle soit anonyme ou non, sont guidées par la volonté d’avancer vers un monde plus juste et plus solidaire. Et sans vouloir faire de (très) mauvais jeux de mots, au camp No Border, «chacun y apporte sa pierre»…
Des No Border, 7 septembre 2010.