No Border Bruxelles : En guise de retour critique

Publié le par la Rédaction

 

«Rapport Minoritaire» : Récit d’arrestation

 

Récit «darrestation administrative» massive et indistincte pour «trouble à la tranquilité» et retour critique
Bruxelles, le 2 octobre 2010, dans la nuit.

 

1.

Tout dabord, aucun détail ne sera donné sur ces évènements, de nature à compromettre la sécurité de camarades ou compagnon-e-s sur le récit des faits (de par leur nature, et leur caractère fantasmé ou réel), et dont la présentation reste dans ce texte purement pratique dans le but de mener un retour critique sur ce qui sest passé ce soir. Aucune manifestation na réellement eu lieu. Il ny a donc pas matière à débat sur ce sujet, mais sur ce qui sest finalement passé, et ce qui aurait pu se passer.

 

2.

Tout dabord, ici comme ailleurs, les arrestations préventives, comme à Copenhague, comme ailleurs, redeviennent, partout en Europe, la norme. Le délit d  intention, et les arrestations «en amont de toute violation de la loi» ne sont plus du ressort de la science-fiction mais du présent. Notre présent. Et si les condamnations juridiques tarderont peut-être à se généraliser, les détentions interminables existent déjà, et annoncent ce qui peut être à venir.

 

Avant la manifestation, plusieurs discussions ont eu lieu, de différentes façons, en se questionnant de savoir si la manifestation serait déclarée, si nous irions, pourquoi et comment ? Pointant dun moment à lautre, dune discussion à une autre, la dangerosité dune telle manifestation, et le risque de finir toutes et tous arrêtéEs, car non-déclarée et non-autorisée dans Bruxelles (certainEs ignorant même jusquau fait quelle ait été interdite) dans les circonstances particulières qui sont celles de cette semaine et dans un contexte particulier. Plusieurs dentre nous, loin de dénier lévidente nécesité que représente le besoin essentiel et même vital de nous affirmer politiquement sans aucune espèce dautorisation, ont rappeléEs que tout nest pas question que de «bonne volonté», mais aussi de circonstances. La situation belge nest pas la situation grecque, qui nest pas la situation italienne, qui nest pas la situation française ou espagnole. Et décembre 2008 ici nest pas le printemps 2006 là-bas, etc.

 

Nous devons, tout en préservant intacte notre éthique et nos désirs, savoir faire germer lanarchie dans des contextes et des configurations différentes. En clair : nous préoccuper au moins autant de nous-mêmes que le bassin dans lequel nous sommes plongéEs à tel ou tel moment, en tel ou tel lieu. Dépasser la simple révolte existentielle.

 

3.

En définitive, si il ne peut y avoir une mesure, et une prise en compte des paramètres environementaux, sociaux, physiques, matériels, culturels, ponctuels ou permanents, numériques, idéologiques, stratégiques, politiques et policiers qui définissent notre situation, à tel endroit, à tel instant : nous devons accepter lidée que nous [allons] aller droit dans le mur.

 

Si rien ne permet de faire en sorte quil doive pouvoir exister, dans les limites du bon sens, une position souhaitable entre opportunisme et rigidité abstraite, entre bonne volonté et rationalisme plat. En bref, si nous devons bannir tout pragmatisme en le sacrifiant sur lautel de lattachement entêté : alors nous devons nous résigner à penser que nous nous battons contre des moulins, que nous restons sagement là où on nous attend, que nous demeurons en fin de compte sinistrement prévisibles, et que tôt ou tard, nous le payerons cher. Avec une «monnaie» qui est la seule qui représente réellement quelque chose pour nous : notre liberté, celle de toutEs les autres, et notre capacité à létendre à linfini.

 

4.

Pour nombre de camarades et compagnon-e-s, il était évident quorganiser une manifestation en plein Bruxelles, dans un tel contexte, avec un tel dispositif policier était voué à connaître la fin malheureuse qui a été celle daujourdhui. Et nous osons affirmer que cela aurait pu être bien pire, et que nous avons de la chance, si le mot nest pas ridicule.

 

Mais que cela aurait pu être bien mieux. Ce pourquoi nous nous y sommes malgré tout rendu. Parce que nous étions déterminéEs, avec des intentions et des motivations variées, mais aussi et dabord parce que les mots dordre de cette manifestation étaient aussi les nôtres. Malgré tout. Mais nous avions imaginé aussi que dautres pourraient être capables de ne pas rester accrochéEs à une idée de départ avec trop daveuglement : comme à qui on dit «Il y a de lorage dehors, la sortie est compromise» qui réponde «Non, nous allons sortir». Malheureusement, ici ou ailleurs, aujourdhui ou demain : les tôles, les commissariats, les hôpitaux psychiatriques, les centres fermés pour mineurs, les centres de rétention et tout le reste seront toujours là demain, et peut-être même après-demain. Et peut-être quil sera toujours temps de faire quelque chose sans aller là où il y a le plus «dorage» : «au mauvais endroit, au mauvais moment».

 

5.

Certes, à plusieurs instants, dans plusieurs initiatives différentes, quelles proviennent de gens du No Border ou dailleurs, ont su répondre et se montrer courageux/ses et déterminéEs devant la police. Ne jamais plier. Mais celle-ci sest montrée, pour sa part, comme le précisait laffichette dans nos cellules, comme un personnel «spécialisé dans la gestion des personnes privées de liberté». Impassible, imperturbable, sadique, et froidement violente.

 

Entre autres spectacles navrants dautorité de pacotille, les prisonniers dune cellule ont pu par exemple assister à la pitoyable et pathétique démonstration de virilisme en uniforme du gradé Monsieur Van Der Smissen, qui, suivi de ses sous-flics, sest alors pris au jeu de provoquer chaque prisonnier avec sa matraque sous lépaule pour voir qui aurait laudace de lui tenir tête. Le spectacle aurait pu être risible si lindividu nétait pas connu de plusieurs dentre nous, notamment des manifestations contre les centres de rétention et pour la liberté de circulation totale en faveur des migrant-e-s, comme un harangueur de troupes, galvanisant la haine de sa meute, et notoirement connu pour ses petites phrases racistes et autres crachats de misérable chiens de garde.

 

Entre autres situations insupportables : plusieurs individuEs, et en particulier des femmes qui ont résisté à la manière dont on les traitait (si lon considère que des insultes sexistes et un traitement «de faveur», humiliant et même agressif constituent — sans tomber dans le paternalisme observé chez quelques-uns des hommes — des violences supplémentaires à celle que constitue, de par le fait même quelles existent, une arrestation et une garde à vue) ont reçu des coups, ont été plaquées au sol, baffées avec gants plombés lorsquelles louvraient trop, devant les regards médusés et enragés, et sous les huées et les cris de plusieurs dentre nous, alors en cellules. Sajoutent également les camarades et compagnonEs éclatéEs à coups de genoux, de poings, de clés-de-bras et de gel (sorte de pâte urticante et brûlante) dans le visage, et dans les bus nous menant à nos geôles, dans lesquels nous avons été sommairement jetéEs. Bien sûr, mélangéEs entre passantEs arrêtéEs, camarades criant quand dautres choisissaient de garder un silence de défiance devant toute cette mascarade.

 

6.

Nous vient alors une question : Tout ça pour quoi ?

 

Lultime majorité des arrestations na pas été si rondement menée pour seulement nous effrayer ou nous décourager de toute espèce daction (Monsieur le bourgmestre et toute sa flicaille ne sont pas bêtes au point de croire que cela suffira — sans non plus nier le fait que certaines personnes ont nécessairement vécu, à travers ces violences, une expérience traumatisante. Les sensibilités et ressentis variants dunE individuE à lautre. Si ce qui ne nous tue pas nous rend plus fortEs, ce qui nous tue à petit feu ne nous rend pas plus fortEs.) mais dans un but, lui, tout pragmatique justement ; celui de nous photographier et de nous ficher, suivi dun hypocrite et «courtois» au-revoir pour lessentiel dentre nous qui ont ensuite été relâchéEs (même si nous craignons toujours que certaines personnes — en plus dautres «suspectéEs» — naient toujours pas été relâchéEs).

 

Nous ne portons strictement aucun jugement de valeur, ni moral, ni même éthique sur le fait davoir voulu tenir cette manifestation. Nous disons seulement : camarades, amiEs, compagnonEs, noublions pas quoutre la solidarité et lattaque, il y a aussi la préservation (comme on dit «prévenir plutôt que guérir»), et le sens, si recherché pour nous de la ruse et de la finesse dans un monde aussi brutal et violent, et qui tend à se perfectionner dans son administration de la misère. Noublions pas que nos énergies ne sont pas infinies. Que nous ne sommes et ne seront jamais un État (et cela, dabord parce que nous ne le voulons pas). Que nos ressources, comme nos forces et nos vies sont toujours limitées. Nos relations et notre capacité à construire une propagande efficace aussi. Mais brisons le mythe selon lequel toute stratégie dadaptation est mauvaise, et reconnaissons que le rejet inamovible de réactivité et de souplesse dans nos initiatives (multiples, variées, créatives) est une stratégie qui, en plus de ne porter aucune puissance, nous conduira encore dans le mur, et peut-être plus rudement encore.

 

Noublions pas que, comme pour la religion, il ne suffit pas de détruire le clocher, parce que les murs sont surtout faits par des gens et pas seulement avec des briques.

 

Apprenons de nos erreurs, aguerrissons-nous des mauvaises expériences,

 

Et par-dessus tout, en préambule de toute lutte, et en particulier de celles contre tous les enfermements :

 

Élargissons-nous, multiplions-nous, ne nous laissons pas isoler, surtout ne nous laissons pas enfermer !

 

Les actions et manifestations contre la machine à expulser continueront !

 

DÉTRUISONS TOUS LES ENFERMEMENTS !

ABOLISSONS LES FRONTIÈRES !

LIBERTÉ DE CIRCULATION TOTALE !

ABANDON DE TOUTES LES POURSUITES !

 

Des Anarchistes dici et là 
Indymedia Bruxelles, 2 octobre 2010.

 


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M
<br /> <br /> Texte plein de bon sens où l'expression "stratégie d'adaptation" apparait comme un oxymoron.<br /> <br /> <br /> Ce nouveau scénario qui semble devenir la norme (arrestations massives et préventives à chaque événement qui rassemble des radicaux) interroge sur l'efficacité des tactiques et des stratégies<br /> héritées du (court) succés des Black Blocs. Ne serait-ce pas désormais se jeter systèmatiquement dans le gueule de l'ennemi que de s'afficher ouvertement à chacun de ces événements ? Ces<br /> arrestations se font "au facies" si l'on peut dire, c'est-à-dire les flics visent avant tout celles et ceux qui sont habillé-e-s en noir. C'est ce qui apparait clairement dans la vidéo<br /> "tous les uniformes ne sont pas bleus", ce cortège en noir, d'autant plus visible que les autres manifestant-e-s sont tous habillé-e-s en orange,<br /> est une cible on ne peut plus idéale pour les porcs. N'aurait-il pas été plus judicieux de se fondre dans la masse, en revétant des vétements discrêts ou même prendre les bureaucrates à leur<br /> propre jeu en s'habillant en orange ou violet par exemple ? Se rendre invisible, agir par surprise, puis se refondre dans la masse. Il est possible d'utiliser, de détourner l'usage de l'uniforme<br /> contre eux. Ceci dit je ne me trouve pas sur place et j'ai aucune idée des possibilités au NBC de réfléchir et d'agir en ce sens ; ce sont juste des idées "après coup", mais qui peuvent servir<br /> pour les prochaines fois.<br /> <br /> <br /> Courage compagnon-e-s !<br /> <br /> <br /> <br />
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