Mesnil-Amelot, mardi 22 juin
Après les protestations d’hier soir, aujourd’hui, les gens semblent découragés et déprimés : de nombreuses personnes ont un vol vers l’Algérie aujourd’hui. Casser toute volonté de lutte et toute tentative d’organisation en expulsant : une pratique classique des autorités rétentionnaires.
Premier retenu :
«Je me suis ouvert avec du verre hier. Ils m’ont amené à l’hôpital. Je suis resté 30 minutes sur place, il y a juste une infirmière qui a désinfecté mes plaies et c’est tout. Je voulais voir un psychologue, mais ils ont dit non. Je suis revenu au centre à 3 heures du matin. Quand j’avais le verre dans les mains, les gendarmes ont appuyé dessus. Je leur ai dit qu’ils me faisaient mal. Après, ils m’ont dit que c’était pour me calmer. Quand on était tous malades [à cause de la nourriture périmée], ils nous ont couché par terre avec des couvertures, devant la réception. Il y a un docteur de l’aéroport qui est venu. Même pas un médecin de l’hôpital, Il faut pas que ça sorte… Il a donné un cachet à tout le monde contre les vomissements. Mais ça a rien fait. Ensuite, les gendarmes sont arrivés.»
Deuxième retenu :
«Il y a toujours des gens malades. Il n’y a pas de loi ici. Ils ont accéléré les procédures d’expulsion. Il y a des vols pour l’Algérie. Hier, j’ai pris le cachet contre le vomissement et ce matin, j’ai dormi jusqu’à 10 heures, alors que d’habitude je me réveille à 6 heures ! On a parlé au chef du centre, il a dit “on a fait une erreur” et puis c’est tout. Hier, il y a quelqu’un qui voulait essayer d’organiser les choses, les gendarmes sont arrivés, ils l’ont mis à terre et ils l’ont amené jusque dans sa chambre. Ensuite, ils ont fermé la cour. Le journaliste n’a pas rappelé. Tout le monde est triste. Aujourd’hui, personne ne parle avec personne.»
Liste rétention, 22 juin 2010.
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Le Mesnil-Amelot ce soir [lundi]
Première personne : «S’ il vous plaît on va mourir ici tout le monde. Y’ a 20 personnes, ou plus, qui ont mangé quelque chose de pas bon.» Mais à ce numéro sa femme va l’ appeler, il faut raccrocher.
À l’ autre cabine, ils sont plusieurs à se relayer : «On nous a donné des trucs qui sont périmés après on est tombés tous malades ici, mais attends je te passe mon collègue lui aussi il va te dire.»
«Ils m’ ont donné de la bouffe vraiment périmée. Il y a plus d’ une dizaine de personnes qui ont commencé à vomir, on est restés plus de deux heures sur le sol. Après, un médecin est venu. Et demain, on a parlé avec les gens, peut-être on va faire une grève de la faim.»
«Aujourd’ hui on a mangé une chose qui était périmée depuis le 17. Aujourd’ hui on est le 21.»
«On a vu que c’ était périmé et les gendarmes qui étaient là ils n’ ont rien voulu savoir, ils étaient indifférents. On a montré à la dame qui nous donnait à manger. Elle s’ en foutait. Alors on a quand même mangé. Après on est sortis du réfectoire on a commencé à vomir. On a attendu deux heures de temps. Le médecin a donné des cachets mais jusqu’ à présent ça ne va pas.»
«Même à côté, il y a plusieurs gars qui ont voulu se suicider. Hier matin il y a quelqu’ un qui a bu une bouteille de schampooing. Et tout à l’ heure il y en a un qui a déchiré son ventre. Mais c’est dans l’autre bâtiment, on ne peut pas voir.»
«On a peur pour nous ici. On a déjà peur pour l’expulsion, maintenant on a peur pour notre vie. Les gens ont peur, Madame.»
Listes de diffusion RESF, 21 juin.