Lettre des retenus du CIE de Gradisca (Italie)
Tout au long de l’été les sans-papiers prisonniers dans le centre d’identification et d’expulsion (CIE) de Gradisca (Nord est de l’Italie) ont multiplié actes de révoltes et organisations d’évasions collectives. Ces évasions collectives ont permis à quelques dizaines d’entre eux de s’échapper et de retrouver un semblant de liberté. L’administration a évidemment répondu par la répression, lançant de véritables chasses à l’homme pour retrouver les évadés et punissant sévèrement les participants à ces plans d’évasions, que ce soit en les condamnant à des peines de prison, en les passant à tabac, en durcissant le régime carcéral ou en multipliant les perquisitions dans les cellules à toute heure du jour et de la nuit (dernière perquisition en date ce matin lundi 20 septembre à 4 heures du matin). Il y a quelques jours, plusieurs retenus de Gradisca ont écrit cette lettre collective pour faire connaître à l’extérieur ce que cela signifie d’être enfermé dans un centre de rétention :
Nous sommes en train de faire la grève de la faim car nos conditions de rétention sont carcérales, nous avons accès à l’air libre seulement 2 heures par jour, une le matin et une le soir, nous sommes tous enfermés là-dedans, nous ne pouvons pas sortir. Il y a 3 mineurs ici, ils sont tunisiens et ont 16 ans, nous nous demandons pourquoi ils les ont mis là alors qu’ils sont mineurs. La nourriture est dégueulasse, on ne peut pas manger, il y a des morceaux d’ongles, des cheveux, des insectes…
Nous sommes abandonnés, personne ne s’intéresse à nous, nous sommes dans des conditions inhumaines. Souvent, la police entre et tape. Il y a environ trois mois, ils ont fait sauter un œil à un jeune d’un coup de matraque, puis ils l’ont libéré parce qu’il était mal et qu’ils ne voulaient pas que ça fasse du bordel. Sans papiers, il ne pouvait rien faire contre ceux qui lui avaient fait perdre un œil.
Ils nous traitent comme des bêtes. Certains employés [de «Connecting People», l’organisation caritative qui gére le centre, NdT] nous méprisent ouvertement, ils nous traitent mal, nous provoquent, nous insultent pour attendre notre réaction et ils espèrent nous faire ainsi envoyer en prison pusiqu’on leur donne toujours raison.
Il y a en isolement un jeune qui a mangé ses excréments. Ils l’ont transporté à l’hôpital et amené ici. Et depuis ce matin que nous l’entendons hurler, personne n’est allé le voir, sauf un employé qui l’a mal traité.
Le directeur fait des promesses quand il y a des révoltes, puis les semaines passent et rien ne change. Nous sommes en grève de la faim depuis deux jours et le médecin n’est jamais entré pour nous peser ou pour faire les contrôles, il entre seulement le matin pour donner les traitements.
Nous continuerons la grève jusqu’à ce que les choses changent, parce que 6 mois, c’est trop et les conditions sont trop inhumaines. Ici, ce n’est pas un lieu, mais un cauchemar, parce que nous sommes dans la merde, il est absurde qu’on reste dans ces cages. Nous savons que beaucoup de gens connaissent l’existence de ces lieux et comment nous y vivons. Et on se demande : mais est-il possible que des personnes doivent rester enfermées pendant 6 mois de leur vie seulement parce qu’elles n’ont pas un morceau de papier ?
Des retenus du CIE de Gradisca
Traduit de l’italien (Macerie, 15 septembre 2010),
liste de diffusion Migreurop, 20 septembre.