Les valeureux du terminal Rubis
Bloqué, repris et rebloqué, le dépôt pétrolier de Grand-Quevilly, surnommé le terminal Rubis — car il appartient à la société Rubis Terminal —, a été, ces dernières semaines un des lieux clés de la résistance à la réforme des retraites concoctée par nos courageux dirigeants. Et plus que cela, le piquet de blocage a été un lieu de discussions et d'échanges, où se sont rencontrés des gens venant d'horizons très divers.
Pour en mesurer l'intensité, il aurait fallu y passer plus de cinq minutes, voir y passer la soirée, ou la nuit…
TF1 a diffusé, le 24 octobre, dans l'émission Sept à Huit, un «sujet» intitulé Retraites : le bras de fer, tourné sur place. Le site de la chaîne donne le sobre résumé suivant :
Devant les piquets de grève, dans les cortèges, face aux CRS mais aussi chez eux, en famille : pendant une semaine, les équipes de Sept à Huit ont partagé le quotidien des manifestants contre la réforme des retraites.
Le montage a, bien sûr, été ouvragé avec tout le professionnalisme nécessaire pour un reportage qui doit passer, à une heure de grande écoute, sur une grande chaîne aussi privée que TF1. Mais il n'a pu tout gommer de certaines images, qui sont des images justes, et de certains propos, qui sont des propos justes. C'est pour cette raison que je vous donne le lien, malgré l'inévitable supplément de pub.
Entrée du terminal Rubis
Le 27 octobre, au matin, on pouvait lire, dans le journal local, cette brève, que je copicolle sans corrections :
Ce mercredi, peu après 3 heures du matin, trois-cents manifestants environ (source police) ont tenté de (re)bloqué le terminal pétrolier Rubis à Grand-Quevilly. Une tentative qui s'est soldée par un échec. Une compagnie de CRS, soit 80 hommes, est intervenue en effet pour les empêcher de pénétrer dans l'enceinte du terminal. Des échanges musclés ont eu lieu entre les manifestants et les forces de l'ordre. Les CRS risposté à des jets de cailloux en faisant usage de gaz lacrymogène. Les manifestants ont finalement rebroussé chemin afin de se positionner au niveau du dernier rond-pont situé juste avant l'entrée du Terminal.
On ne peut que se désoler de l'état de sous-équipement de la presse régionale quand on constate que ses journalistes, probablement par manque de ligne téléphonique, ne peuvent recouper leurs informations. Le rédacteur de la note précédente n'a manifestement pu disposer que de renseignements donnés par la police, et n'a pu joindre de véritables témoins ou participants à cette action. Plus que la frappe et l'orthographe, il aurait été nécessaire de corriger le contenu de cette brève. Certains commentateurs, sur le site du journal, s'en sont chargés.
En vérité, plutôt qu'à des «jets de cailloux», les CRS présents ont eu à riposter à l'avancée résolue d'un groupe de personnes décidées à reprendre leur position devant le dépôt de carburant maintenu en état d'occupation par les forces de l'ordre. Et ces manifestants, armés de leur seule détermination, ont bel et bien fait reculer par deux fois nos valeureux robocops avant d'être noyés sous les gaz lacrymogènes.
Une équipe de France 3 était sur place et a filmé ces événements. Un tout petit sujet d'à peine 2 min en a été tiré pour le flash info de midi, le 27 octobre. C'est toujours ça.
On y voit une première charge, assez maladroite, d'une poignée de CRS qui se précipitent sur les manifestants. Ils se font très proprement envoyer valser. L'un des manifestants, particulièrement virtuose, réussit même à s'emparer, dans l'action, du tonfa d'un scarabée bleu-flic. Ce qui est plutôt rigolard.
(Désolé pour la maréchaussée, mais le thème du retour de bâton a gardé, pour mon âme simple, un grand potentiel comique…)
Les manifestants, après cet échange, continuent à avancer, en reformant leurs rangs, et les forces de l'ordre se remettent, elles aussi, en ordre. Malgré tout, les hommes en carapace devront encore reculer en perdant leur bel alignement.
Avant le second face à face
(Cliquer sur l'image pour voir la vidéo France 3)
Un des participants, rencontré hier non loin de la Préfecture, me disait s'être demandé, après l'action, depuis combien de temps il n'avait pas vu des CRS reculer devant les manifestants…
Malgré ses paupières encore un peu irritées, ça ne lui donnait pas envie de pleurer.
P.-S. : Je vous ai mis le lien trois fois, et si j'avais trouvé un player, je vous aurais mis le player. C'est pour votre bien. Si vous vous sentez un peu déprimé(e) d'entendre que les directions syndicales sont en train de se rapprocher de la «sortie de crise», regardez-la, sans modération, matin, midi et soir. C'est un bon euphorisant.
L'escalier qui bibliothèque, 29 octobre 2010.