Les mobiles travaillent - Les journalistes aussi

Publié le par la Rédaction

Trois jours en immersion avec les gendarmes mobiles en Dordogne

 

Pas une semaine sans qu'un quartier ou une terre ne s'embrase. Pour faire face à ces situations conflictuelles, voire insurrectionnelles, la gendarmerie mobile est envoyée. Plongée au cœur d'un métier haletant.

 

Si vous avez la larme facile, la petite commune de Saint-Astier, en Dordogne, n'est pas le lieu idéal pour vos prochaines vacances. Malgré son église et sa gastronomie.

 

Mais voilà, dans cette campagne humide et emmitouflée de brouillard dès octobre, siège, depuis 1969, le Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG). Et plus précisément, le camp retranché où tout gendarme mobile — celui d'Orléans et de Pithiviers comme les autres ! —, spécialisé donc dans le maintien de l'ordre, vient se remettre à niveau tous les deux ans, et se confronter aux situations insurrectionnelles les plus variées.

 

«D'une année à l'autre, 20% des scénarios sont revus afin de coller à la réalité», prévient le colonel Mézières, commandant la division rétablissement de l'ordre — et ancien commandant de la compagnie d'Orléans. Avec une constante néanmoins : la grenade lacrymogène, outil de base incontournable. De sorte qu'après un entraînement intense, difficile de distinguer, de loin, le vrai du faux brouillard. De près, les yeux, le nez et la gorge s'en chargent en revanche très bien. D'où le masque à gaz, équipement lacrymal bien utile.

 

Nous voici donc pour trois jours à Saint-Astier. Une quinzaine de journalistes, en presse nationale pour la majorité, sont là, sur invitation de la gendarmerie. L'objectif de cette immersion complète au sein des escadrons de gendarmerie mobile est simple : appréhender, pour mieux les comprendre, les difficultés et les subtilités du maintien de l'ordre, grande problématique sécuritaire, et par conséquent politique et sociale, de ces prochaines années. Des gouvernements sont tombés dès lors que l'ordre public n'était plus assuré. Les «événements», comme on les qualifie pudiquement, survenus quelques jours plus tôt à Lyon (Rhône) et à Grenoble (Isère), confirment la criante actualité du débat.

 

Le gendarme mobile, «dernier rempart de la République», synthétise le colonel Michel Pidoux, le patron du centre. Sans équivoque, l'expertise de la «mobile» est reconnue internationalement dans son domaine de compétence. En 2005, dans une France dont les quartiers brûlent pendant trois semaines, pas une victime à pleurer parmi les casseurs. Dans bon nombre de pays, en Europe y compris, la moindre manifestation se solde par plusieurs morts…

 

Blocs-notes, micros et caméras sont donc troqués d'emblée contre la tenue du gendarme mobile. Pour faire court, une épaisse carapace, un casque avec visière et un masque à gaz. Au premier jet de projectile, on se rend compte de l'utilité de chaque pièce.

 

Mais avant les hostilités, le colonel Mézières pose les bases théoriques du débat. «En juin 1907, à la suite de la crise viticole, on a créé une force spécialisée de maintien de l'ordre pour ne pas désorganiser le fonctionnement des brigades de gendarmerie.» Quelques diapos suffisent à constater le chemin parcouru sur la thématique du maintien de l'ordre en France depuis cinquante ans seulement : le policier en vareuse, un grillage maladroitement fixé à son casque pendant les événements de Mai 1968, n'a plus rien de commun avec le gendarme mobile super-équipé et spécifiquement entraîné à «rétablir l'ordre, même en situation insurrectionnelle». Autrement dit quand une partie du pays est à feu et à sang. Un contexte que la France métropolitaine contemporaine n'a jamais connu, même en 1968. La Nouvelle-Calédonie, Haïti, et dans un autre contexte, onusien celui-là, la Côte d'Ivoire et le Kosovo, si.

 

Retour dans le vif du sujet. Le terrain de jeu fait 27 hectares. Des rues, des façades de magasins et des voitures. Le tout est destiné à brûler. Le scénario du jour est limpide : nous sommes en terres africaines — souci du détail, des enceintes diffusent des rythmes africains — et les «adversaires» en veulent aux intérêts français. Plusieurs pelotons de gendarmes mobiles sont chargés de «sécuriser» l'ambassade et d'exfiltrer en toute sécurité un blessé. En face, «des plastrons» joués par des militaires en civil. Aux jets de projectiles en tous genres répondent des gaz lacrymogènes et des grenades à effet de souffle.

 

Pour un regard extérieur, pas toujours facile de bien comprendre le sens de ces longues phases d'attente, entrecoupées d'assauts incisifs et rapides. Il y en a pourtant un, révélé à la fin de la manœuvre. Demain, on y retourne pour un nouveau scénario. Plus «physique» encore, nous promet-on. Le port du masque à gaz est fortement recommandé…

 

 

 

 

 

Repères
Dans le Loiret
Pithiviers et Orléans possèdent un escadron de gendarmes mobiles. À Orléans se trouve également le groupement de la gendarmerie mobile, qui est le centre de commandement des escadrons d'Orléans et de Pithiviers, de Blois (Loir-et-Cher), de Lucé et de Dreux (Eure-et-Loir), de Châteauroux (Indre) et de Saint-Amand-Montrond (Cher).
Maintien de l'ordre
La gendarmerie mobile compte 17.000 militaires, divisés en 123 escadrons. Sa raison d'être : le rétablissement de l'ordre, y compris lors d'insurrections.
Les «adversaires»
Ils sont au nombre de cinq, plus ou moins pacifiques. Le mouvement altermondialiste ; le mouvement free ; les supporters de foot ; les professions (agriculteurs, marins pêcheurs, etc.) et les casseurs périurbains. Pour chaque groupe social, en fonction de chaque situation, le gendarme mobile ajuste son mode d'intervention.
Des gendarmes très mobiles
Les «mobiles» passent en moyenne 180 jours par an en mission, loin de leur caserne.

 

Leur presse (Anthony Gautier,
La République du Centre), 26 décembre 2010.

 

 

 À Saint-Astier (24), les gendarmes aquitains sont à l'école de Kaboul

 

Des policiers afghans participent à la formation des gendarmes français qui doivent partir dans six mois. Une première pour l'Otan.

 

Le renseignement était bon. Les policiers afghans ont mis la main sur un stock d'armes caché dans une maison. À genoux, mains menottées dans le dos, le trafiquant a été placé sous bonne garde, un peu à l'écart. Les habitants du hameau qui avancent en levant les bras sont interrogés les uns après les autres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Malgré leurs costumes traditionnels, les habitants sont des «faux». Ce sont en vérité des élèves gendarmes français. Les policiers afghans, en revanche sont «vrais».

 

Ils sont une vingtaine à participer à la formation de plusieurs équipes de gendarmes mobiles de Bouliac (33) et Marmande (47), qui doivent partir au printemps prochain en Kapisa et dans le district de Surobi à l'est de Kaboul. Comme en Afghanistan, ce sont eux qui conduisent directement l'opération. Les gendarmes français, officiellement, ne sont là que pour les accompagner et les former, en attendant le jour où les policiers locaux pourront assurer seuls toutes leurs missions.

 

Le plus réaliste possible

 

L'opération dite «Cordon and Search» est l'une des plus délicates à conduire sur le terrain. Il s'agit de boucler une zone et de fouiller une ou plusieurs maisons. Les hommes contournent les bâtiments. Ils sont persuadés que des engins explosifs ont été mis en place dans le secteur.

 

Le chef du groupe de policiers afghans dialogue avec le responsable des gendarmes français par l'intermédiaire d'un interprète, qui fait le va-et-vient entre le pachtoune et l'anglais. Pour des raisons de sécurité, l'homme, qui n'est pas policier, ne doit pas être photographié ni filmé. «Victor 3, Victor 3… Il y a trop longtemps que nous sommes là. Il faudrait dégager…» Pour les gendarmes français, le moment est venu de quitter le village en embarquant le prisonnier, alors que de gros flocons de neige commencent à tomber sur la campagne périgourdine.

 

Pendant leurs deux semaines de préparation, les gendarmes européens et les policiers afghans vont jouer ensemble trois autres exercices : un accident de la circulation, une escorte VIP et un check-point. «Nous cherchons le plus grand réalisme possible, pour que les gens soient bien préparés à ce qui les attend là-bas», souligne le colonel Michel Pidoux, qui commande le Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier.

 

Une première nationale

 

Les gendarmes qui s'apprêtent à partir en Afghanistan sont tous volontaires. Ils serviront dans ce que l'on appelle les POMLT (Police Operational Mentoring and Liaison Teams), ces équipes déployées sur le terrain pour former, conseiller et accompagner les policiers afghans au quotidien : patrouilles sur les marchés, contact avec la population, arrestations, etc.

 

Les deux semaines qu'ils passent au centre d'entraînement de Saint-Astier doivent leur servir à apprendre à travailler avec leurs futurs collègues, mais aussi de façon plus générale à se familiariser avec un mode de vie qu'ils ne connaissent pas. Des instructeurs français, polonais ou italiens, qui ont tous vécu dans le pays pendant plusieurs mois, sont là pour les y aider. «C'est une phase d'apprentissage très intéressante. On apprend comment rentrer dans une maison, comment s'asseoir et appréhender les us et coutumes, parce qu'il est absolument nécessaire de s'adapter à la façon de vivre de la population», constate un jeune lieutenant.

 

C'est en 2009 que la gendarmerie française a été engagée en Afghanistan à la demande de l'Otan. D'abord assurée par l'armée de terre, la formation des hommes sur le départ a été, par la suite, prise en charge par la gendarmerie nationale.

 

Le stage, qui se déroule à Saint-Astier, jusqu'à la fin de la semaine marque une rupture. C'est en effet la première fois que ce type de préparation se déroule dans un cadre otanien sur le territoire national. D'autres vont suivre. Il est d'ores et déjà prévu d'en organiser trois ou quatre par an, «en fonction des besoins».  

 

Leur presse (Pierre Tillinac,
 Sud-Ouest), 2 décembre.

 

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P
<br /> <br /> Le prochain rassemblement contre LOPPSI à Paris aura lieu :<br /> le mercredi 5 janvier 2011 de 17H à 23H au CIP (collectif intermittents et précaires)<br /> 14 quai de Charente 75019 PARIS - Métro Corentin Cariou (ligne 7)<br /> <br /> <br /> Pour que ce rassemblement ne soit pas vain, il peut être intéressant d'avoir lu ce texte auparavant : http://juralibertaire.over-blog.com/article-un-tract-sur-la-loi-lopssi-63732559.html<br /> <br /> <br /> Des Parisiens<br /> <br /> <br /> <br />
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