La tension monte au Mali
Appel à la solidarité internationale avec les travailleurs en lutte du Mali
Après plus de quatre mois d’occupation ininterrompue, la Bourse du travail de Bamako est incontestablement devenue le centre d’attention de tous ceux qui se battent au Mali pour — ou contre — un changement social radical, comme en témoigne encore tout récemment la violente dispersion par la police, le 9 mars, d’une «marche des démunis» visant à réaliser la «convergence des luttes» sur le modèle de l’organisation autonome des (ex-)travailleurs de HUICOMA. La caste dirigeante a raison de s’inquiéter d’un tel processus, car elle n’a pas grand-chose d’autre à faire valoir, vis-à-vis de ses partenaires et soutiens, que la passivité et la résignation d’une population qu’on voudrait définitivement écrasée par la misère et le désespoir. Et chacun sait de quoi les bourgeois sont capables, pour conserver leur crédit : c’est pourquoi les (ex-)travailleurs du monde entier, et d’abord parmi eux les Maliens de la diaspora, déjà révoltés, en France et ailleurs, contre la surexploitation, contre le harcèlement administratif et policier, contre l’arbitraire judiciaire et carcéral, doivent faire preuve de la plus grande vigilance à propos des événements qui se déroulent en ce moment à Bamako, annonciateurs de troubles plus vastes et plus profonds.
Le film Appel à la solidarité internationale avec les travailleurs en lutte du Mali, réalisé fin janvier 2010 à Bamako par le Collectif des travailleurs licenciés et non licenciés de HUICOMA et son comité de soutien, est désormais visionnable en ligne sur Internet [TV Bruits, SI CNT, Rebellyon TV]. D’une durée de 20 minutes, il présente les buts et les moyens de la lutte des (ex-)travailleurs de l’Huilerie Cotonnière du Mali contre les conséquences tragiques de la «privatisation» (en réalité pillage organisé par la «bourgeoisie nationale» en intime complicité avec l’État, vendu au plus offrant) de l’une des plus importantes entreprises du Mali (qui, malgré ses précieuses ressources, est déjà l’un des pays les plus déshérités de la planète). Cet Appel à la solidarité internationale est lancé depuis la Bourse du travail de Bamako, occupée jour et nuit depuis le 10 novembre 2009 par plusieurs centaines de travailleurs licenciés ou grévistes, conscients de revendiquer leur droit à la survie contre la logique criminelle du système capitaliste mondialisé, conscients aussi de ne pouvoir compter que sur eux-mêmes, et sur la solidarité des révoltés du monde entier, pour parvenir à terme à «mettre l’homme au centre des préoccupations de l’homme».
Après plus de quatre mois d’occupation ininterrompue, la Bourse du travail de Bamako est incontestablement devenue le centre d’attention de tous ceux qui se battent au Mali pour — ou contre — un changement social radical, comme en témoigne encore tout récemment la violente dispersion par la police, le 9 mars, d’une «marche des démunis» visant à réaliser la «convergence des luttes» sur le modèle de l’organisation autonome des (ex-)travailleurs de HUICOMA. La caste dirigeante a raison de s’inquiéter d’un tel processus, car elle n’a pas grand-chose d’autre à faire valoir, vis-à-vis de ses partenaires et soutiens, que la passivité et la résignation d’une population qu’on voudrait définitivement écrasée par la misère et le désespoir. Et chacun sait de quoi les bourgeois sont capables, pour conserver leur crédit : c’est pourquoi les (ex-)travailleurs du monde entier, et d’abord parmi eux les Maliens de la diaspora, déjà révoltés, en France et ailleurs, contre la surexploitation, contre le harcèlement administratif et policier, contre l’arbitraire judiciaire et carcéral, doivent faire preuve de la plus grande vigilance à propos des événements qui se déroulent en ce moment à Bamako, annonciateurs de troubles plus vastes et plus profonds.
Prolétaires de tous les pays,
unissons-nous !
Daouda Camara - Indymedia Nantes, 21 mars 2010.
* *
*
Appel à la solidarité internationale avec les travailleurs en lutte du Mali
«Aujourd’hui, 10 novembre 2009, nous, travailleurs de HUICOMA, licenciés depuis 2005 et non licenciés avons décidé d’organiser un sit-in à la Bourse du travail pour une fois de plus nous faire entendre auprès des autorités de la République du Mali et expliquer à l’opinion nationale et internationale la situation qui prévaut au sein de HUICOMA et des villes (Koulikoro, Koutiala, Kita) qui abritent ses différentes unités industrielles.»
Cette déclaration est issue du collectif des travailleurs de l’Huilerie Cotonnière du Mali (HUICOMA), toujours mobilisés après plus de trois mois de lutte. Environ 500 ouvriers de cette entreprise emblématique du pays occupent donc la Bourse du travail, où siège la première centrale syndicale du Mali, l’Union nationale des travailleurs maliens (UNTM), jusqu’à satisfaction de leurs revendications.
Ils en appellent à la solidarité internationale, dans leur lutte digne et légitime, pour la satisfaction de leurs droits les plus élémentaires, contre le népotisme, l’enrichissement de la bourgeoisie nationale. Alou Tomota, qui détient le groupe depuis le 2 juin 2005, est un proche de la femme du président actuel, Amadou Toumani Touré dit ATT. Il passe pour être un prête-nom de la clique qui gouverne le pays.
L’affaire d’HUICOMA concerne le Mali tout entier. Dans les quatre usines de HUICOMA, on produisait l’huile de coton à partir des graines de coton (jusqu’à 40% d’huile dans une graine), le liquide de cuisson employé par une grande majorité de familles maliennes. En outre, le résidu de la transformation en huile est aussi utilisé : il sert d’alimentation pour le bétail, et parfois d’engrais. En bref, un élément essentiel du quotidien des 15 millions de Maliens.
Mais ce sit-in est l’ultime épisode d’une saga qui dure depuis de nombreuses années, car la plupart des salariés présents sur le site faisaient partie des quelques 411 licenciements en juin 2006 pour des motifs économiques injustifiés. Ces licenciements intervenaient dans le cadre de la privatisation de la HUICOMA. (En 2005, l’État malien vendait 84,13% des parts de HUICOMA à Tomota, dont la gestion s’est avérée calamiteuse, malgré de nombreux avantages accordés).
Le Groupe Tomota dont une partie des actions appartiennent à la première dame du pays, a constamment violé le cahier de charges et a arbitrairement licencié les travailleurs. Depuis lors les travailleurs se battent pour que justice leur soit rendue (cf. la déclaration en lien) et l’entreprise est en arrêt total d’activité. D’autres travailleurs en activité sont sans salaire depuis six mois et l’usine est complètement en arrêt total d’activité.
Face à cette gestion capitaliste désastreuse, les travailleurs de la HUICOMA ne sont pas restés les bras croisés, Le Mouvement des Sans-Voix du Mali est actif également dans le mouvement en l’ouvrant vers l’extérieur. Des manifestations pacifiques (marches, sit-in) ont été organisées dans plusieurs villes, à Koutiala, Koulikoro et à Bamako en 2008 et 2009. Une manifestation a eu lieu le 9 mars dernier à Bamako, violemment réprimée par la police. De nombreuses collectes ont été effectuées auprès d’autres travailleurs, des habitants des villages et du quartier.
Cependant, les temps sont durs, les camarades comptent sur vous, pour les aider à reconquérir leur dû et faire souffler un vent de changement pour les populations laborieuses du Mali. À l’heure où l’on ne montre la plupart du temps que des Africains, sans réaction, sans voix, leur vibrante prise de position nous indique bien que la réalité est tout autre. Oser lutter, oser vaincre. La CNT se porte évidemment à leur côté.
Voici le film réalisé par les salariés d’Huicoma et leur collectif de soutien, validé par les délégués de la sous-commission communication et mobilisation, fin janvier 2010.
Secrétariat international de la CNT, 16 mars.
* *
*
Ci-dessous pour info deux récents articles (l’un favorable, l’autre hostile) tirés de la presse malienne, qui donnent un aperçu finalement plus fiable que ce «réseau No Vox» qui fout indûment son label partout.
Complot ou incohérence au sommet de l’État :
Et si ATT avait perdu tout contrôle ?
Le 7 décembre 2009, le chef de l’État lui-même dénonçait les dérives liées à la spéculation foncière dans notre pays. Tout va bien. Mais quand le mardi 9 mars les victimes de ces tripotages ont tenté de se faire entendre par le premier ministre, elles ont été tout simplement gazées et matraquées. À se demander pourquoi ATT lui-même n’a pas été maté pour avoir manifesté son ras-le-bol par rapport à la spéculation foncière le 7 décembre dernier. Les victimes de la furie policière, tenez-vous bien, ne sont autres que des personnes du 3e âge pour lesquelles un mois de la solidarité est entièrement consacrée dans notre pays ; et aussi des femmes qui, elles aussi, venaient la veille, de célébrer une journée en leur honneur (8 mars). Et cerise sur le gâteau, le commissaire adjoint, le matador qui a conduit la horde de policiers sur les manifestants est le frère du premier ministre Modibo Sidibé, lui-même policier de son État. Comprenne qui pourra !
Rien, absolument rien ne justifiait la barbarie policière contre de pacifiques marcheurs. Il s’agit de l’Union des Associations pour le développement et la défense des droits des détenus (UACADDD) composée d’une quarantaine d’associations membres. Elles ont été dépossédées de leurs terres par l’État et ou des particuliers avec la complicité des élus et hauts cadres de l’État. C’est ATT qui le dit (lire l’extrait de son discours lors des États Généraux du foncier le 7 décembre 2009).
La marche avait initialement pour itinéraire la bourse de travail et la Primature située à environ 500 mètres du lieu de rassemblement. Les marcheurs, en général de vieilles personnes et des femmes voulaient juste se faire entendre par le premier ministre. Les policiers, en l’occurrence le frangin du premier ministre Modibo Sidibé en a décidé autrement. Sous prétexte que la marche n’a pas été autorisée, le frérot a donc ordonné la charge. Bilan : six blessés et au moins cinq personnes interpellées. Des femmes excédées par le comportement des policiers se mettront nues pour maudire le régime et le commanditaire de la barbarie. Un geste propre à une croyance malienne et puisant son origine très loin dans le passé. Il est inspiré du principe selon lequel on n’humilie pas une femme sous son pagne au risque d’avoir de gros ennuis de son vivant. Le résultat est le même quand la femme elle-même, par exaspération, décide de s’humilier publiquement. Cela n’arrive pas tous les jours et dénote par conséquent d’une démesure certaine.
Le prétexte selon lequel les marcheurs n’ont pas obtenu d’autorisation est évidemment sans objet. Les manifestants ont bel et bien adressé une correspondance aux autorités compétentes en date du 10 février 2010. En la matière, et selon la législation malienne, ils ne sont tenus par une autorisation expresse. Difficile de faire admettre que les policiers, en l’occurrence le «frérot gouvernemental», ignoraient ce détail. Il n’a absolument pas intérêt à mouiller le grand frère. S’il s’agit d’une méconnaissance pure et simple des textes de la république, alors, la situation est plus grave qu’on ne l’imagine.
En récapitulant, l’on se rend compte que l’État malien, par cet incident, a remis en cause, nombre de ce que les observateurs croyaient être des acquis de bonne gouvernance et de démocratie : un droit fondamental dénié (liberté de regroupement et de manifestation) ; des valeurs sociétales à l’origine de l’exception malienne foulées au pied étant entendu que les personnes du 3e âge et les femmes bénéficient habituellement d’une attention particulière dans nos sociétés et enfin, le sentiment chez les populations d’une incohérence voire d’un complot au sommet de l’État. Les manifestants n’ont rien dit et fait de ce que le chef de l’État n’a d’ores et déjà publiquement dénoncé. C’est comme si les spéculateurs fonciers ont véritablement pris le contrôle de la situation. «Cause toujours mon président ! Nous spéculons et faisons mater toute personne, excepté toi bien entendu, qui oserait se dresser contre nous.» C’est le message en tout cas, parvenu aux gouvernés suite à cet incident. Et comme pour donner raison à ces compatriotes, le fait ne suscite encore (comme toujours) la moindre réaction de l’homme.
Leur presse (N’Tji Diarra,
Aurore), 16 mars 2010.
*
Front social en ébullition : Le pouvoir sur le qui-vive
L’instabilité sociale engendrée par la montée du mercure social, risque d’apporter un coup dur sur la stabilité politique du pays. Dans ce climat social très tendu, seule la vigilance et le savoir-faire pourront désamorcer la bombe sociale.
L’histoire récente du pays démontre que, la fin du premier trimestre de la nouvelle année n’a jamais été facile. Le début de la canicule se caractérise généralement par la montée de la tension sociale. Une période dure de l’année, que le Mali, à l’instar d’autres pays traverse. Le mois de mars selon, des observateurs et chroniqueurs, est très agité.
Il se caractérise par des manifestations sociales, l’année 1991 est l’une des références dans l’histoire du pays. Et l’on se rappelle également de la manifestation du 27 mars 2005, où la victoire du Togo face au Mali aux éliminatoires de la CAN 2006 avait porté la tension sociale au zénith. Sans compter les manifestations par corporation de part et d’autres.
En effet, l’année 2010 que nous vivons ne fait pas exception à la règle. L’histoire se répète, mais de façon différente. Et les faits actuels sont révélateurs et interpellateurs. La situation actuelle nécessite une révision du système de gestion de certaines affaires courantes de la nation car, il ressort que les systèmes en vigueur ont montré leurs limites. Il s’agit de la gestion du réseau routier intra-urbain et le foncier.
De ce fait, il y a un certain temps, que le pays vibre au rythme de l’insécurité perpétrée par des sans foi ni loi. L’ampleur de ce phénomène, caractérisé par les crépitements des armes légères de part et d’autre, avec comme corollaire les braquages à mains armées et son cortège de mort et des vols. Pour remédier à ce phénomène à l’intérieur de la capitale, il a été instruit aux agents de sécurité de multiplier les patrouilles.
Malheureusement, cette mobilisation des forces de sécurité aura pris une autre proporttion plus inquiétante, mais indépendante de la volonté des uns et des autres.
La mort d’un chauffeur de Sotrama, tué par balle tôt le matin du 22 février dernier par un agent de sécurité, a incontestablement terni l’image de l’opération. Depuis lors, la tension sociale a pris de l’ascenseur. La vive altercation entre policiers et transporteurs, a mis le feu à la poudre, un feu qui reste vif car, depuis ce moment, rien ne va entre ces deux corps socioprofessionnels du pays.
Cet accrochage a été succédé par la marche pacifique de l’Union des Associations et Coopératives d’Associations pour le Développement et la Défense des Droits des Démunis (UACADDDD). Une marche pacifique, avortée le 9 mars en une fraction de seconde par les agents de sécurité pour non autorisation du pouvoir public.
On se rappelle qu’en voulant manifester leur mécontentement de la gestion foncière, bon gré, mal gré de nombreux manifestants ont dû encaisser des coups de matraque. Certaines vieilles femmes désabusées ont ôté leurs vêtements en manifestant toutes nues.
Depuis ces deux événements majeurs, la tension sociale reste vive. Des remue-ménages de part et d’autre attestent que la tension est loin d’être désamorcée. Brusque levée de bouclier de certains transporteurs le samedi dans l’après-midi, suite à une altercation entre un chauffeur et un policier en est une triste illustration.
Transporteurs, victimes des litiges et expropriations foncières et autres frustrés du régime, dans l’ombre, attendent un prétexte valable pour semer des émeutes. Alors doit-on laisser le pays à l’emprise de ces tensions ? En tout cas, l’atmosphère sociale est tourbillonnée, seule la vigilance et le savoir-faire de l’exécutif pourront circonscrire ce danger qui plane.
Pour ce faire, il y a lieu de revoir la gestion des affaires courantes entre policiers du CCR et usager pour la stabilité politique, la quiétude des uns et des autres. Ainsi la prohibition, du marchandage d’une infraction routière, l’interdiction totale de la poursuite des usagers par les agents policiers et la fixation publiquement des peines d’infraction pourront minimiser les risques de soulèvements et de contestations.
Leur presse (Ousmane Berthe,
Nouvel Horizon), 16 mars.