"La Plume des Insoumis", fanzine de la fête libre
La Plume des Insoumis est un projet de fanzine dont le but est de créer un espace d’expression dans le contexte de la fête libre.
Le numéro 00 a été distribué à la multison du 31 décembre 2010, le numéro 1 est désormais disponible en libre téléchargement.
Rave-o-lution permanente, ici et maintenant !
Putain de grisaille de décembre ! Ce soir, on célèbre une nouvelle année, une nouvelle année dans un monde qui meurt, qui meurt un peu plus tous les jours. Une raison de plus de faire la fête !
Comment ne pas voir ? Combien de ceux qui liront ce texte ne subissent pas au quotidien la violence, non pas d'un gouvernement, mais d'un monde, d'un système de pensée, archaïque et agonisant. Du taf ? Précaire, temporaire, instable ! Chômage ? Inévitable et écrasant. Les jongleurs de la finance mondiale utilisent nos mains et nos têtes comme des machines : interchangeables, jetables. On vit une époque formidable, disait Reiser, mais attendez, ce n'est pas fini ! Bouffe sous plastique, médicaments de moins en moins remboursés, logement de moins en moins accessible, justice à double vitesse, police autoritaire et violente, solidarité en berne.
Consommons… et oublions de vivre
Nos écrans plats, comme la voix de leurs maîtres, nous bassinent avec l'insécurité, pour mieux séduire les fachos. On nous vend l'intégration pour mieux assimiler, on nous vend la patrie comme si nous devions à tout prix choisir un étendard. On nous vend… et beaucoup ont déjà cédé.
En attendant mieux, on rêve de grands soirs et de barricades dans un pays où on se souvient avoir décapité les rois, leur pouvoir de droit divin. Nos élites nous ont appris à attendre sagement, à être docile, attendre que la crise passe. Ils nous ont appris à nous désintéresser de la vie de la cité, la politique, c'est mal, ennuyeux, inintéressant. «Ils sont tous corrompue ? Mais c'est vous qui les avez élus.»
Demain sera mieux… STOP !
Nous n'attendrons pas demain pour vivre ! Le grand soir, c'est ce soir, demain matin et demain soir. Ce soir, nous sortons les enceintes, et nous faisons la fête. Pas la fête conditionnée, standardisée, tarifée. Refusons la merde en boîte, et n'attendons pas qu'on nous prenne par la main pour enfin jouir de nos vies. Laissons leurs illusions à ceux qui pensent tout posséder, tout contrôler. Ne soyons plus complices de notre propre soumission à leur système et à leur mode de pensée. Nous avons déjà choisi.
La free party n'est pas politique, c'est un acte politique dès lors que chacun en devient acteur, où l'espace réquisitionné devient autogéré, lieu d'échange, de création, de tolérance. Dans cette zone d'action festive, nous sommes autonomes, nous ne dépendons que de nous-mêmes. La réussite de nos actions ne sera le résultat que de notre seul effort commun, nous ne devons attendre d'aide de personne.
La free party est gratuite, la gratuité c'est subversif. Et peu importe qui tu es et d'où tu viens, tu es le bienvenu, l'ami. Cette fête libre, que tu en sois l'instigateur, ou juste de passage, tu en es un participant. Ta participation à cet acte de désobéissance à l'ordre établi est salutaire, tu dois prendre soin de cette liberté si fragile qui t'es réappropriée. Nous sommes tous coupables de refuser leur modèle de société en carton-pâte.
Notre Ravolution ne doit pas être un mythe auquel on se raccroche pour tenir le coup, une soupape. C'est une révolution permanente. Le changement, c'est ici et maintenant !
La Plume des Insoumis no 0, 31 décembre 2010.
Tactiques et convergences
La ravolt aura eu comme première conséquence de faire parler, tous les protagonistes se sont opposés les uns aux autres avec comme débat de fond : «Les revendications sont-elles légitimes en teuf ?» De ce débat, aucune contradiction claire n'est sortie, mais le fait est qu'il existe une partie des organisateurs et du public intimement convaincue que la free party est un lieu d'échanges, tant de bons moments, que d'idées, aussi subversives soient-elles.
Depuis quelques mois, le débat sur les lois sécuritaires faisait rage autour de Loppsi 2, qui promettait d'améliorer les «performances» des moyens de sécurité. Ce «pack» entraîne plus qu'un changement sémantique. Au milieu de ces lois qui nous concernent tous, deux lois touchent plus particulièrement les teufeurs. L'article 32 ter menace tous ceux qui vivent en camion, et l'article ?? augmente le risque de saisie, et la longueur des démarches pour les organisateurs de free parties.
Toujours est-il que dans les rassemblements et manifestations, force est de reconnaître que des teufeurs étaient là. L'idée intéressante ici, est qu'il y a eu une convergence de la lutte, et des contestations contre un projet de lois liberticides.
Le combat contre Loppsi 2 a été perdu, d'autres ont été menés, et d'autres viendront. Si certains teufeurs vivent dans leurs camions, ils pourraient être aussi squatteurs, sans papiers, précaires, etc. Et sont globalement concernés par l'ensemble des dispositions d'un gouvernment qui a clairement choisi son camp (et dans une Europe où la droite et ses extrêmes sont en pleine montée). Les fêtards éperdus de liberté subissent de plein fouet les répressions.
Au-delà de la colère, voire de la haine que cette répression engendre, les teufeurs, pour la plupart, manquent cruellement d'expérience et de créativité en ce qui concerne la contestation. Et pourtant, ils disposent de compétences hors norme que beaucoup d'autres communautés en lutte leur jalousent. D'abord, il y a une vraie expérience de l'autonomie. La logistique est déjà à disposition : organiser une manifestive demande même moins de moyens que d'organiser une free party. Il suffit alors de déclarer la manifestation en préfecture, et le tour est joué.
L'idée plus intéressante, est de mutualiser les efforts et de rejoindre d'autres camarades en lutte. Ça permet déjà de bénéficier de leur expérience si besoin est, de diffuser plus largement les revendications, et aussi de tisser un lien qui sera assurément très utile dans l'avenir, dans d'autres combats.
Les années 2000 ont peut-être apporté leur lot de lois sécuritaires, mais également un accès simplifié à Internet, qui permet la diffusion d'idées, de vidéos, et différents médias dénonçant la répression, et ce, très rapidement. Il est nécessaire de diffuser tout le temps, tous les jours et à tout le monde toutes les informations disponibles. Le regard sur les médias a également beaucoup évolué, et il existe aujourd'hui une multitude de sites indépendants et libertaires qui publient les informations sans aucune censure. Les médias traditionnels ont, non pas comme tradition, mais pour raison d'être, de ne mettre en lumière que des échecs, des raves qui finissent mal, des décès. Les blâmer pour ça est perdre du temps et de l'énergie que nous pourrions consacrer à créer nos contre-informations. Nous ne demanderons pas de droit de réponse, nous le prendrons.
Quant aux pétitions, lettres aux députés, elles n'ont d'impact que sur les mouvements massifs, il faut préférer la stratégie du sabotage en bourrant les boîtes mails afin de les rendre inutilisables. Les coordonnées de vos «représentants» sont accessibles en trois clics sur n'importe quel moteur de recherche.
Il faut également s'inspirer des actions qui ont eu un impact par le passé : l'Agitation Propagande ou «agit-prop» permet, par le biais d'actions «coup de poing» qui ne nécessitent que très peu de moyens, de créer de l'image, et de diffuser des idées.
Enfin, l'idée de se coordonner, à l'image du réseau Fatbass, le temps d'un événement, permet de mutualiser les efforts sur l'organisation, la mise en commun des moyens techniques et de communication.
En définitive, le petit milieu de la free party doit s'ouvrir, non au monde de la techno, mais à celui des peuples en lutte. L'expérience dans l'organisation de «teufs» est un ensemble de compétences qui peut permettre de transformer une simple manifestation en un rassemblement festif et sonore. Au-delà de l'aspect technique, il est nécessaire aujourd'hui de tisser un lien encore plus fort, et ce, en trouvant des points de convergences, et en soutenant toutes les initiatives contre les lois liberticides, la misère et la précarité, le fascisme.
La Plume des Insoumis no 1, mars 2011.