La France valide l'extradition de Christian et Sonja, deux ex- des RZ

Publié le par la Rédaction

Menacés d’extradition, les deux ex-terroristes s’étaient fait oublier à Lille

 

Le décret signé par François Fillon vient d’être validé par le Conseil d’État. À 77 et 69 ans, Sonja Suder et Christian Gauger sont menacés d’être extradés vers l’Allemagne. Ils y sont suspectés d’actes terroristes commis il y a … trente-cinq ans avec les Cellules révolutionnaires et le célèbre Carlos. Commencée en 1978, la cavale du couple s’est arrêtée à Lille durant vingt-deux ans. À Wazemmes,à deux pas du marché, il était connu pour y faire des brocantes. Enquête.

 

C’est une petite rue du populaire quartier de Wazemmes. Rue de l’Hôpital-Saint-Roch. C’est ici que les deux anciens membres des RZ, les redoutables Cellules révolutionnaires, responsables de plusieurs attentats sanglants commis au milieu des années 70 dans l’ex-RFA, ont vécu paisiblement dans la clandestinité jusqu’en janvier 2000. «C’est là», montre Jeanine Tison, 76 ans, en désignant l’étroit immeuble de briques qui jouxte sa maison.

 

Discrète Lina

 

Dans le quartier, alors, on croise souvent la haute silhouette d’un certain Werner on ne manque pas de remarquer ses cheveux retenus par un catogan. Son épouse, Lina, est plus discrète, moins bavarde. Un couple sans histoires. Enfin presque.

 

Tout le monde tombe des nues quand la nouvelle tombe. La planète vient de basculer dans le IIIe millénaire quand Sonja Suder et Christian Gauger sont, en effet, arrêtés par les policiers de la direction centrale des renseignements généraux et leurs collègues du Bundes Kriminal Amt (BKA), le FBI allemand. Des terroristes allemands ! Impossible. À Lille, on les croit suisses. C’est du moins ce qu’ont toujours affirmé ceux qui disaient alors s’appeler Werner Rapaport et Lina Lange.

 

Le couple, qui disposait de faux passeports helvétiques, vivait modestement de petites brocantes et de la vente de bijoux artisanaux que fabriquait la discrète Lina. Sonja Suder, dans la réalité, est soupçonnée — ce qu’elle nie — d’avoir participé à la préparation de la sanglante prise d’otages des ministres de l’OPEP à Vienne, en décembre 1975 avec Carlos. Elle aurait recruté le commando qui fit quatre morts. Lors de leur arrestation, dans un hôtel du XIe arrondissement de Paris, Suder et Gauger sont trouvés en possession de 40'000 euros en liquide. Étrange. Très étrange… En Allemagne, le parquet de Francfort les accuse de trois attentats à l’explosif et incendies criminels, en 1977 et 1978. L’un d’eux a ravagé le château de Heildelberg, les deux autres des sièges d’entreprises. La justice allemande a déclaré ces crimes imprescriptibles. Voilà pourquoi Sonja Suder et Christian Gauger sont en passe d’être remis à tout moment aux autorités allemandes. La conclusion d’une procédure à rebondissements.

 

En mars 2001, la cour d’appel de Paris avait rejeté l’extradition, jugeant l’action publique prescrite en droit français. Saisie à nouveau en 2009, elle a cette fois donné un avis favorable. Selon le Conseil d’État, les règles allemandes s’appliquent. Pendant ce temps, la polémique enfle. Beaucoup dénoncent un acharnement contre des personnes âgées. Victime de séquelles provoquées par plusieurs accidents cérébraux, Christian Gauger est aujourd’hui sévèrement handicapé. «C’est une machine judiciaire qui n’arrive pas à s’arrêter, cet acharnement n’a ni queue ni tête», a ainsi dénoncé Daniel Cohn-Bendit en apprenant la validation des deux décrets d’extradition.

 

Me Irène Terrel, l’avocate des deux anciens militants des Cellules révolutionnaires, indignée par ces mesures «incompréhensibles», a demandé au Premier ministre la suspension de leur exécution. À Wazemmes, le souvenir de Werner et Lina a pris du plomb dans l’aile. Rue de l’Hôpital-Saint-Roch, la nostalgie n’est plus ce qu’elle était. 

 

Leur presse (Frédérick Lecluyse, 
La Voix du Nord), 26 décembre 2010.

 

 

Deux retraités allemands menacés d’extradition pour des faits vieux de trente ans

 

Le Conseil d’État vient de rendre extradables deux Allemands pour des faits de terrorisme remontant à plus de trente ans. Pourtant en 2001, la France avait refusé leur extradition.

 

Christian Gauger et Sonja Suder ont 69 et 78 ans, et vivent en France depuis trente-deux ans. Elle, plus âgée mais plus en forme, est devenue l’infirmière de son compagnon, terrassé en 1997 par un accident cardiaque aux lourdes séquelles neuropsychiatriques. En 1978, le couple avait fui Francfort en catastrophe pour entamer une vie clandestine à Lille. On était au beau milieu des années de plomb.

 

Ce qu’on leur reproche ? D’avoir été membres des Cellules révolutionnaires, organisation proche de la Bande à Baader. Et d’avoir, à ce titre, commis deux attentats en 1977 contre des firmes allemandes, ainsi qu’un incendie à Heidelberg en 1978. Les faits n’ont causé que des dégâts matériels.

 

Une accusation qui repose sur un unique témoignage

 

Mais, plus grave, Sonja Suder est aussi suspectée d’avoir pris part à l’organisation logistique de la prise d’otage des membres de l’Opep à Vienne, en 1975. Cette accusation repose sur le seul témoignage de Hans-Joachim Klein, tireur de ce même commando, gracié en 2003 après cinq ans derrière les barreaux. Au total, même s’ils nient les faits, Christian Gauger risque entre vingt et trente ans de prison et Sonja Suder, la perpétuité.

 

Plus de trente ans après les faits, comment est-ce possible ? Pour comprendre, il faut revenir dix ans en arrière. En 2000, à la suite du témoignage de Klein, l’Allemagne fait arrêter le couple Gauger-Suder, qui fait son premier séjour en prison. Mais selon le droit français, il y a prescription, et leur avocate Irène Terrel empêche leur extradition. À leur sortie, ils sont aidés par un réseau d’anciens activistes italiens. Ils emménagent dans un deux pièces à Saint-Denis.

 

En 2005, l’affaire connaît un rebondissement : ignorée depuis sa signature en 1996, une convention définissant les critères européens en matière d’asile est réactivée. Au sein de cette convention, un accord bilatéral entre la France et l’Allemagne stipule qu’en cas d’extradition, la prescription s’applique non pas dans l’État requis (ici, la France), mais dans l’État requérant (ici, l’Allemagne, où le délai de prescription peut atteindre quarante ans).

 

Un détail qui change tout, et une aubaine pour le parquet de Francfort, qui s’empresse de faire valoir cette nouveauté. En 2007, le couple est à nouveau arrêté à son domicile parisien.

 

Le couple est jugé extradable en dépit du danger de mort encouru par Christian Gauger

 

«J’étais tellement effarée que j’ai d’abord cru à une erreur», confie leur avocate Me Irène Terrel. Sonja et Christian retournent en prison quelques semaines. En vertu de l’accord bilatéral de 2005, l’Allemagne fait, en 2009, une nouvelle demande d’extradition. Et pour les mêmes faits, la cour d’appel juge cette fois-ci le couple extradable.

 

Suder et Gauger font alors une requête auprès du Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française. Mais en dépit du danger de mort encouru par Christian Gauger dans le cas d’une séparation d’avec Sonja Suder, le Conseil d’État vient d’écarter la requête, avançant entre autres «l’intérêt de l’ordre public» !

 

«C’est se moquer du sens même des mots», lâche Me Irène Terrel, qui a déjà saisi la Cour européenne des droits de l’homme.

 

Car dans cette affaire, «de nombreux fondamentaux sont bafoués», poursuit l’avocate. D’abord, «on ne juge pas deux fois un même fait» ; deuxièmement, «on ne s’appuie sur la rétroactivité d’une loi que si elle est favorable à l’accusé, et c’est le contraire qui se passe» ; troisièmement, «c’est la France elle-même qui a émis comme première réserve dans les nouvelles procédures d’extradition celle de l’âge ou de l’état de santé».

 

Enfin, Irène Terrel se souvient très bien des mots de Nicolas Sarkozy face à l’interminable traque de Roman Polanski : «Ce n’est pas une bonne administration de la justice que de se prononcer trente-deux ans après les faits, alors que l’intéressé est un homme de 76 ans.» Ah bon ?

 

Leur presse (Isabelle Foucrier,
Les Inrocks), 22 décembre.

 


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