Kakarnageval / La fin du Carnaval ? - Montpellier, 8 mars
Montpellier : Le carnaval alternatif dégénère
Ils étaient plus de 400 personnes à fêter carnaval dans les rues de Montpellier, hier soir. Vers 20 heures, une cinquantaine de «gueux», comme c'est de tradition, s'est joint à la fête. Ces «alternatifs» aux tenues décalées s'est offert une place à la fin du cortège. «Le carnaval des gueux» est un événement non officiel qui réunit chaque année, depuis 15 ans, une poignée d'alternatifs venue fêter carnaval à Montpellier.
Mais le carnaval alternatif a dégénéré et forces de l'ordre et jeunes libertaires se sont affrontés en plein Écusson. Pendant plus de deux heures, aux jets de canettes en verre et aux feux de poubelles, les policiers ont répondu par des charges et l'envoi de grenades de dispersion, dans une ambiance surréaliste… Au final, 8 personnes ont été interpellées et 9 policiers légèrement blessés.
Leur presse (Midi Libre), 9 mars 2011.
Du coup demain rendez-vous à partir de 9 heures au tribunal de grande instance pour soutien face aux possibles comparutions immédiates…
Vu qu’on connaît pas forcément les gens arrêtés envoyer témoignage, et mail pour et de soutien.
LIBERTÉ MON CUL, GUERRE SOCIALE
La fin du carnaval ?
Le Carnaval des gueux est un évènement traditionnel à Montpellier, un rassemblement non officiel pour célébrer ensemble l'une des plus importantes fêtes populaires. Tous les ans, le milieu libertaire s'y retrouve dans une ambiance joyeuse, avec des dizaines d'autres gens pour rire, danser et chanter, égayer légèrement ce sombre monde.
Hier, pour la quatrième année consécutive, ce sont les troupes d'intervention de la police qui ont sonné la fin des réjouissances. Bien sû r, tout le monde s'y attendait, tout le monde y était plus ou moins préparé. Mais nous avons encore franchi un cap dans le domaine du contrôle social.
Il est à noter tout d'abord un fait important, dans le 20 minutes local, le jour même, un article est paru disant ceci :
Montpellier : Un carnaval sous haute surveillance
Le rendez-vous circule sur les sites des collectifs anarchistes des grandes villes de France. Ce soir, Montpellier accueillera un carnaval alternatif : le Karnaval des gueux. Il s'agit d'un contre carnaval qui réunira anarchistes, antiautoritaires, anticapitalistes, résistants, et tous les mouvements alternatifs. Le point de départ est le Jardin du Peyrou à 19h30. Chaque année, près d'un millier de personnes sont au départ. La crainte des policiers est la fin de la manifestation «lors de laquelle des heurts éclatent très souvent. Il reste toujours à la fin un noyau de 200 personnes décidées à s'affronter avec nous», indiquent des policiers. Il vaudra mieux donc éviter le centre-ville vers 22 heures.
Leur presse (20 Minutes), 8 mars.
Outre le côté stigmatisant, volontairement effrayant, bourré d'amalgames, de mots dont les journalistes ignorent encore et toujours le sens, il faut remarquer la dernière phrase, simplement celle-là : Un avertissement pour l'individu lambda de ce qui se prépare et dont la direction du journal semblait être au courant.
Tous les ans, la charge est sonnée plus tôt. 3h, 2h, 2h, 1h… Mais cette année, tout le monde a été surpris par la soudaineté, l'heure et la violence des charges. Nous sommes partis du jardin du Peyrou vers 19h30, un groupement de cinq ou six cent personnes marchant au rythme des sons antillais que nous offrait une batoukada locale. Descente sur la place de la Comédie, lourd flicage, arrêté municipal interdisant la vente de bouteilles en verre, ambiance… La vitrine de la Société Générale est explosée, le feu est mis à quelques chars, la musique bat son plein. Le cortège se scinde en deux, un qui reste sur la Comédie, l'autre qui part sur le Carré St Anne, place où se terminent habituellement toutes les fêtes de rue. Plus tard, ceux qui étaient restés remonteront devant la préfecture.
«Jamais répression ne tuera Carnaval»
À 22h30, les flics investissent la place de la Préfecture, ils frappent, bousculent, insultent aussi, ils arrêtent, contrôlent et musiciens, chanteurs, danseurs et fêtards sont rapidement évacués. Sur St Anne, ça bouge, musique, cris, rires, farandole autour du cadavre en flamme de Monsieur Carnaval, une banderole «Jamais répression ne tuera Carnaval» est suspendue à la grille principale de l'église. Sans aucune sommation, sans même qu'on ait eu le temps de les voir arriver, à 23h les brigades d'intervention débarquent, la surprise est de taille, nous ne les attendions vraiment pas si tôt, certains restent cloués sur place, ahuris, il y a des familles, des enfants, beaucoup de gens qui ne comprennent pas ce qu'il se passe. Nous sommes repoussés dans une rue adjacente et on est déjà des dizaines à suffoquer sous le gaz lacrymogène, certains reviennent blessés à la matraque ou au bouclier. L'ambiance devient vite chaude, très chaude. Des projectiles fusent de tous côtés, des barricades enflammées prennent forme. Les flics n'hésitent pas : bonbonnes lacrymos dans les yeux à vingt centimètres, flashball dans les pattes à un mètre, tonfas portés au visage… Pendant peut-être une demi-heure, c'est le jeu du chat et de la souris, les flics avancent, on recule, ils reculent, on avance… Des gens sortent nous engueuler, il paraît qu'on fait «trop de bruit»… La BAC entre en jeu, sur le flanc droit, une quinzaine d'agents, sans doute plus, commencent à prendre position. Nous sommes repoussés jusqu'au boulevard du Jeu de Paume où les flics stationnent, sécurisant le centre-ville. Il y a quelques arrestations, un mec a été piétiné lors d'une charge, un autre a la tempe en sang, beaucoup suffoquent sur les trottoirs, on s'organise avec les moyens du bord et on divinise ceux qui ont pensé à amener du sérum physiologique. Nous chantons et dansons en riant pendant une dizaine de minutes avant de repartir sur la préfecture où, paraît-il «ça chauffe !» En effet, le secteur est quadrillé, des flics PARTOUT, la moindre ruelle est fermée. On veut passer, on nous dit de «dégager», paraît-il qu'on «casse les couilles». On cherche les petits groupes éparpillés, on essaie d'éviter de laisser des proies trop faciles, puis, on ne peut pas laisser la soirée se terminer comme ça. Des affrontements éclatent un peu partout, des feux, des barricades, des sons de vitres brisées. La BAC charge, matraques téléscopiques en main, on entend des grenades explosives péter dans toutes les directions. On atterrit sur St Roch, une autre place où une cinquantaine de personnes a décidé de finir la fête, assez calmement. Vingt minutes plus tard, les poulets nous rejoignent à nouveau, à croire qu'on leur manque. Finalement, vers une heure du matin, la situation est «stable», comme ils disent, les schtroumpfs rentrent à la maison se palucher en comptant le nombre de coups de tonfas, vider une autre bouteille et rire sur ces «foutus anars de merde».
«Arrêtons de laisser mourir
chaque jour un peu plus nos libertés»
Il n'est pas étonnant de voir les flics agir ainsi. Le meurtre de la vie festive à Montpellier est bien installé dans les consciences depuis une dizaine d'années maintenant, les lieux de rassemblement tombent les uns après les autres. Il n'est pas étonnant de voir des flics violents, dangereux, il ne faut pas se dire «Ils ont chargé sans raisons !» car rien ne justifie ça. L'État oppresse, l'État réprime, l'État frappe et pour beaucoup, ce fut une découverte d'une grande ampleur, une confrontation à une réalité qu'ils n'auraient jamais imaginé ici, en France. Ce qui est inquiétant n'est pas ce qu'ils ont fait, c'est l'escalade qu'ils mènent. Plus soudain, plus violent, plus agressif, sans sommations, si tôt, ils prouvent chaque année, chaque jour, à tous ceux qui en doutent encore, que le contrôle social est de plus en plus fort, privatif, intrusif. Mais qu'ils y reviennent. La flamme grandit, doucement, lentement, mais elle grandit, et leur frayeur quand la situation se renversera sera d'une absolue jouissance. «Nous danserons, chanterons et rirons sur vos ruines» comme on dit.
À toutes celles et ceux qui luttent inlassablement, je vous adresse mon amour et mes vœux de courage. Ne vous arrêtez jamais.