Insurrection égyptienne - 29 janvier
Égypte : L'armée intervient, couvre feu et dissolution du gouvernement
Le président Moubarak a décrété le couvre feu au Caire, à Alexandrie et à Suez, de 18h à 07h. Dans la soirée, le chef de l'État égyptien a dissous le gouvernement ce qui ne semble pas satisfaire la rue qui exige un changement de système et le départ du rais. Ce samedi les rassemblements ont repris dans plusieurs villes du pays et des affrontements ont lieu à Ismailya.
Le ministre des renseignements, Omar Souleimane, nommé vice-président
Le puissant ministre des renseignements, Omar Souleimane a prêté serment en qualité de vice-président de l'État égyptien. Cela est un prélude au départ de Hosni Moubarak. Cette nomination de dernière minute, permet au nouveau vice-président d'assurer l'intérim, en cas de vacance de pouvoir, plutôt que le président du parlement. Un tour de passe passe pour placer un homme qui est approuvé par les USA.
La famille de Moubarak, dont ses deux fils, à Londres
La famille du président égyptien, dons ses deux fils, Alla et Gamal accompagnés de leurs épouses, vient d'atterir à Londres selon des ressortissants égyptiens installés dans la capitale britannique.
Radio Kalima Algérie, 29 janvier 2011.
Égypte : la révolte continue, le pouvoir ne cède pas
Les promesses de Hosni Moubarak n'ont pas convaincu les Égyptiens, qui sont encore descendus dans la rue par dizaines de milliers, samedi 29 janvier, défiant le couvre-feu imposé par le pouvoir. Lors de cette journée de manifestations moins violentes que vendredi, le pouvoir égyptien a annoncé une réorganisation du pouvoir. Dans les grandes villes, les opposants à Moubarak ont maintenu la pression.
L'armée n'a pas pu faire respecter le couvre-feu. Malgré les appels de l'armée qui a exhorté la population à ne pas se rassembler et à respecter le couvre-feu — en vigueur de 15 heures à 8 heures, heures de Paris —, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté au Caire, à Suez, à Alexandrie ou à Ismaïlya. Selon des témoins, les militaires sont omniprésents au Caire, qui est devenu «méconnaissable» en raison des pillages et des incendies.
À Alexandrie, des heurts on éclaté entre policiers et manifestants. Selon des témoins, il y aurait eu des tirs à balle réelle. À Rafah, dans le nord du pays, le siège de la sûreté d'État a été attaqué. Il y aurait trois morts parmi les policiers. Suez est un «vaste champ de bataille». Une partie des manifestants s'est rassemblée devant la morgue où, selon des sources médicales, ont été amenées les dépouilles d'une douzaine de personnes. Des affrontements ont eu lieu avec la police, aux abords du ministère de l'Intérieur, où des manifestants ont essayé d'entrer. Trois manifestants auraient été tués, rapporte Al-Jazira.
CRITIQUE DE L’URBANISME
Le siège du parti au pouvoir en proie aux flammes
CONSTRUCTION D’AMBIANCE
Le Grand Soir
Omar Souleiman, nouveau vice-président. Le gouvernement égyptien a démissionné à la mi-journée, comme l'avait promis le président Moubarak vendredi soit au cours d'une allocution télévisée. Le président a d'ores et déjà nommé le chef du renseignement, Omar Souleiman, au poste de vice-président. La télévision d'État égyptienne a diffusé des images de M. Souleiman au moment où il prêtait serment. Le ministre de l'aviation, Ahmad Chafic, a été nommé premier ministre.
Vendredi, M. Moubarak avait promis des réformes démocratiques : «Il y aura de nouvelles mesures pour une justice indépendante, la démocratie, pour accorder plus de liberté aux citoyens, pour combattre le chômage, augmenter le niveau de vie, développer les services et soutenir les pauvres.» Mais il a également prévenu que «ce n'est pas en incendiant et en attaquant des biens publics et privés que nous répondrons aux aspirations de l'Égypte et de ses fils, mais par le dialogue, la conscience et l'effort».
Selon lui, «la frontière est mince entre la liberté et le chaos, et je penche pour la liberté des gens à exprimer leurs opinions autant que je tiens à la nécessité de maintenir la sécurité et la stabilité de l'Égypte». Samedi soir, la composition du gouvernement n'avait pas été annoncée.
Par ailleurs des informations d'Al-Jazira et de la BBC faisaient état de la présence à Londres du fils de Hosni Moubarak, Gamal, et d'autres membres de sa famille. Des affirmations contredites par les médias officiels.
Interrogations sur le rôle de l'armée, pillages dans les grandes villes. Alors que les militaires ont pris position dans les villes touchées par le soulèvement populaire, l'armée n'a pas tiré sur la foule. Les images d'Al-Jazira et de la BBC montrent des militaires qui encadrent les manifestations sans toutefois intervenir directement. La télévision d'État a assuré que toute personne qui ne respecterait pas le couvre-feu se mettrait en danger, mais l'armée n'a pas mis cette menace a exécution.
Plusieurs témoignages font état de pillages dans plusieurs villes du pays. Des témoignages cités par CNN évoquent une participation de policiers à ces pillages. Des comités de voisins ont été mis en place dans certains quartiers, explique l'envoyé spécial de Channel 4 sur Twitter. L'armée a demandé aux Égyptiens de rentrer chez eux pendant la nuit pour pouvoir faire face aux violences. (voir cette vidéo d'Al-Jazira, dans laquelle un militaire exhorte la foule à faire attention aux pilleurs). Le musée du Caire a également été victime de pillages.
La situation à l'aéroport international du Caire était également confuse samedi soir, rapporte la BBC, qui cite des témoignages de passagers bloqués à l'intérieur de l'aéroport et des annulations de vol.
Le bilan s'alourdit. Le bilan des manifestations de vendredi a été largement revu à la hausse. Les chiffres officiels du ministère de la santé font état de 38 morts. Mais selon un recoupement des sources médicales, il y aurait eu 74 morts pour les journées de vendredi et samedi,et plusieurs milliers blessés. Douze personnes ont également trouvé la mort, samedi, à Beni Soueif, dans des accrochages avec la police. La chaîne Al-Jazira assure pour sa part avoir dénombré une centaine de morts.
Les opposants haussent le ton. L'ancien directeur général de l'AIEA Mohamed ElBaradei, partisan de réformes politiques en Égypte, a réaffirmé que Hosni Moubarak «doit partir», dans une déclaration à France 24. «Hier soir, nous espérions qu'il allait décider de partir, mais à la dernière minute, il est apparu avec un discours vide de sens, qui a été une grosse déception pour les Égyptiens», a dit le prix Nobel de la paix 2005. «Il n'a clairement pas compris le message qui émanait du peuple égyptien», a ajouté M. ElBaradei, pour qui le fait que M. Moubarak se soit contenté d'annoncer un nouveau gouvernement constituait «presqu'une insulte à l'intelligence du peuple». «Il n'a proposé aucune réforme politique ou économique», a-t-il dénoncé.
Il s'est aussi dit déçu de la position des États-Unis : «Ce qui est aussi extrêmement décevant pour les Égyptiens, c'est le message provenant des États-Unis, qui ont déclaré vouloir travailler avec le peuple égyptien et le gouvernement, alors qu'il faut faire un choix.»
LA LIBERTÉ EST LE CRIME QUI CONTIENT TOUS LES CRIMES
«Des dizaines de commerces saccagés aux vitrines fracassées endeuillaient le quartier Mohandisseen, sur la rive occidentale du Nil. “Des jeunes hommes sont arrivés pendant la nuit, ils ont tout détruit. Ils avaient l'air ivres”, peste un habitant du quartier.
“Il n'y a plus de police, les voleurs se sont échappés des prisons de quartier. Je n'ai jamais vu ça de ma vie”, souffle le propriétaire d'une boutique de vêtements.
Un supermarché Carrefour a été pillé samedi à la sortie du quartier de Maadi, sorte de petite oasis où vit une importante communauté d'expatriés, à la périphérie du Caire, ont déclaré des témoins à l'AFP. Une autre antenne du géant français était fermée en banlieue.»
De leur côté, les Frères musulmans, principal mouvement d'opposition dans le pays, ont affirmé leur soutien au «soulèvement pacifique béni» et appelé à la mise en place d'«un gouvernement de transition sans le Parti national démocrate, qui organise des élections honnêtes et une passation pacifique du pouvoir».
Le plus influent prêcheur du monde arabe, cheikh Youssef Al-Qardaoui, a affirmé que seul le départ du président Hosni Moubarak pouvait régler la crise en Égypte. «Va-t-en Moubarak, aie pitié pour ce peuple et dégage avant que la destruction ne s'étende en Égypte», a dit ce théologien qatari d'origine égyptienne à la télévision du Qatar Al-Jazira.
Un haut responsable du parti au pouvoir, Ahmad Ezz, largement perçu comme un pilier d'un régime corrompu, a par ailleurs démissionné du Parti national démocrate, selon la télévision d'État. Ahmad Ezz, magnat de l'acier qui joue un rôle important dans le monde politique et des affaires en Egypte, était membre du secrétariat politique de PND et proche du fils du président Hosni Moubarak, Gamal.
Sur le plan diplomatique. Le président français, la chancelière allemande et le premier ministre britannique ont publié samedi une déclaration conjointe dans laquelle ils se disent «vivement préoccupés par les événements» en Égypte. «Nous appelons le président Moubarak à éviter à tout prix l'usage de la violence contre des civils sans armes et appelons les manifestants à exercer leur droit pacifiquement», dit la déclaration de Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et David Cameron. Ils jugent «essentielle» la mise en œuvre des «réformes politiques, économiques et sociales» promises par Moubarak. Les trois dirigeants soulignent que les «droits de l'homme et les libertés démocratiques doivent être pleinement respectés, y compris la liberté d'expression et de communication, notamment l'usage du téléphone et de l'Internet, ainsi que le droit de réunion et de manifestation pacifique». «Nous appelons le président Moubarak à engager un processus de changement qui se traduise à travers un gouvernement à représentation élargie et des élections libres et justes», conclut la déclaration.
Le président Obama a aussi demandé au président égyptien de respecter ses engagements. Il a insisté sur le fait que les États-Unis resteraient «toujours un partenaire de l'Égypte». L'Union européenne appelle pour sa part à «l'arrêt des violences pour stopper les effusions de sang».
Le roi Abdallah d'Arabie saoudite et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, se sont dit solidaires du président Moubarak. Dans plusieurs villes du monde, des manifestations de soutien au soulèvement égyptien ont eu lieu devant les ambassades d'Égypte.
Leur presse (Le Monde), 29 janvier.
Égypte : les Égyptiens bravent le couvre-feu, changements au pouvoir
Des dizaines de milliers d'Égyptiens ont bravé le couvre-feu samedi au cinquième jour de leur révolte sans précédent contre le régime du président Hosni Moubarak. Pour la première fois en 29 ans de règne, celui-ci a nommé un vice-président ainsi qu'un nouveau Premier ministre.
Pourtant, en milieu de soirée des milliers de personnes étaient toujours massées dans les rues du centre du Caire et dans d'autres villes du pays après une journée marquée par des heurts entre manifestants et forces de sécurité. Au moins 92 personnes, en majorité des civils, sont mortes depuis le début de la contestation mardi, selon des sources médicales et de sécurité.
Appelée en renfort, l'armée a elle exhorté la population à se protéger des pillages. Des comités de quartier, armés de gourdins et de barres de fer, se sont constitués pour protéger la population des bandes de pillards dévalisant les commerces, vandalisant les maisons et semant la terreur.
CE QU’EST LA DÉMOCRATIE DIRECTE
Un commissariat de police incendié
Proches des militaires aux postes-clés
M. Moubarak, 82 ans, dont l'avenir semble sombre, donne l'impression de vouloir s'accrocher au pouvoir en procédant à de nouvelles nominations après avoir promis la formation d'un nouveau gouvernement et des réformes.
Il a nommé le chef des Renseignements Omar Souleimane vice-président, premier poste du genre depuis son arrivée au pouvoir en 1981. Il a également chargé le ministre de l'Aviation, le général Ahmad Chafic, de former le prochain gouvernement.
Néanmoins les promesses de M. Moubarak, jugées en deçà des revendications de la population pour de meilleures conditions de vie — lutte contre le chômage et la pauvreté et la liberté d'expression —, n'ont pas entamé la détermination de la rue à le chasser.
Par ailleurs, l'opposant le plus en vue, l'ex-chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique et prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, jugeant insuffisante ces nominations, a de nouveau appelé M. Moubarak à partir sans délai pour le bien de l'Égypte, dans des déclarations à la chaîne Al-Jazira.
Leur presse (ats), 29 janvier.