Pour le préfet de l'Allier, les "gauchistes" sont "des minables"
Frédéric Le Marrec, syndicaliste chez SUD a déposé une plainte pour «arrestation abusive» après avoir été entendu cinq heures à la gendarmerie du Mayet-de-Montagne, dans l'Allier, lors d'une visite de Nicolas Sarkozy fin novembre. Selon lui, cette interpellation visait à ne pas entraver la visite du chef de l'État.
Le préfet de l'Allier, Pierre Monzani, connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, rétorque aujourd'hui au micro de France Info. Selon lui, le colonel de gendarmerie n'a fait qu'exécuter les ordres qu'il avait donné. «Il a bien agi et je le félicite. Et je dis aux gauchistes qui essaient d'utiliser cet événement, vous êtes des minables.»
Écouter Pierre Monzani
Et d'ajouter, que jeune gaulliste il lui arrivait aussi de coller des affiches et de finir au poste. «Mais j'ai jamais porté plainte. C'est la différence entre un Gaulliste et un gauchiste. Un Gaulliste est plus sportif.»
Leur presse (Ouest-France), 10 décembre 2010.
Un syndicaliste détenu «préventivement» lors d'une visite de Sarkozy dans l'Allier
Le 25 novembre, Nicolas Sarkozy est dans l'Allier, au chevet du monde agricole. Depuis la défaite de la majorité aux élections régionales, huit mois plus tôt, le chef de l'État multiplie les déplacements en milieu rural. La visite d'une exploitation agricole d'Isserpent, suivie d'une table-ronde organisée avec des agriculteurs au Mayet-de-Montagne, se déroule sans accroc. Le président passe en revue une troupe de charolaises impassibles, serre quelques mains et conclut en promettant de «protéger la ruralité».
Rien à voir avec l'ambiance hostile qui avait accompagné les déplacements présidentiels à Sandouville (Seine-Maritime), en octobre 2008, à Châtellerault (Vienne), en mars 2009, ou encore à Saint-Lô (Manche), le 12 janvier 2009. Cette dernière visite, émaillée de heurts entre policiers et manifestants, avait provoqué l'ire de M. Sarkozy et entraîné les mutations du préfet de la Manche et du directeur départemental de la sécurité publique.
Un précédent suffisamment marquant pour mettre les forces de l'ordre de l'Allier sur les dents : au Mayet-de-Montagne, une commune de moins de 2000 habitants, 300 à 400 représentants de la force publique sont mobilisés. Face à eux, un petit groupe d'une quinzaine de personnes a prévu de manifester son hostilité au chef de l'État et à la réforme des retraites. L'un d'eux n'en aura pas l'occasion : Frédéric Le Marrec, un militant du syndicat SUD de 42 ans, passera les cinq heures de la visite de Nicolas Sarkozy dans les locaux de la gendarmerie.
Son récit au Monde.fr est confirmé par des sources proches de la gendarmerie, qui ont souhaité rester anonymes mais entendent dénoncer «des méthodes d'un autre âge». Frédéric Le Marrec a par ailleurs porté plainte contre X… pour «arrestation arbitraire», le 6 décembre, auprès du commissariat de Vichy, qui dément avoir enregistré une telle plainte.
«LES GENDARMES N'AVAIENT PAS GRAND-CHOSE À ME DIRE»
Éducateur spécialisé dans un foyer pour adolescents du Mayet-de-Montagne, Frédéric Le Marrec prend son poste à 6h30, ce 25 novembre. À 9h30, il quitte le foyer en compagnie d'un autre militant pour rejoindre ses amis manifestants. Devant son lieu de travail, deux gendarmes l'attendent, qui le prient de les accompagner à la gendarmerie. Là, il est interrogé par deux fonctionnaires venus de Moulins au sujet d'un collage d'affiches en faveur du Nouveau Parti anticapitaliste, la nuit précédente. D'ordinaire, explique un policier consulté à ce sujet, «ce genre de dossiers, qui débouche au pire sur une contravention, est traité en moins d'une demi-heure».
Très vite, une fois réglée cette affaire de collage, «les gendarmes n'avaient plus grand-chose à me dire, raconte Frédéric Le Marrec. Et comme je n'étais pas officiellement en garde à vue, j'ai voulu m'en aller. Lorsque j'ai commencé à rassembler mes affaires, ils m'ont dit : “On vous déconseille de partir”.» Voulant «éviter tout incident», le militant prend son mal en patience. Au bout d'un moment, il reçoit cette mystérieuse confidence : «Le préfet vous en veut.» Peu après 14 heures, Frédéric Le Marrec quitte la gendarmerie. L'hélicoptère de Nicolas Sarkozy a décollé quelques minutes auparavant.
«SI À 9h30 IL VA PISSER, IL FAUT QUE JE LE SACHE»
D'après les témoignages des sources proches de la gendarmerie obtenues par Le Monde.fr, il semble bien que le préfet de l'Allier, Pierre Monzani, ait joué un rôle dans ce dossier. Le 24 novembre, lors de la réunion organisée avec les responsables de la sécurité pour préparer la venue du chef de l'État, le préfet cite nommément Frédéric Le Marrec : «Si à 9h30 il va pisser, il faut que je le sache», lance ce proche de Brice Hortefeux. Une consigne apparemment prise très au sérieux par les gendarmes.
Selon ces sources, le militant est connu localement : «Il est grand, il porte toujours un bonnet, c'est une figure du Mayet-de-Montagne. Il a activement participé au conflit sur les retraites, prenant part à des blocages et des tentatives de blocage de dépôts d'essence et à un tractage sur des rails.» Rien qui justifie ces longues heures d'une rétention «extrêmement limite au niveau de la légalité : Le Marrec n'est pas connu comme quelqu'un de violent, ses actions ont toujours été mesurées sur Le Mayet-de-Montagne. Apparemment, on a juste désigné cet homme comme un fauteur de troubles potentiel et on s'est occupé de lui de façon préventive.»
Le préfet dément avoir évoqué le cas de Frédéric Le Marrec lors de cette réunion préparatoire : «Je ne connais pas ce monsieur. De façon générale, ce serait contre-productif de désigner une cible particulière à mes troupes, puisque celles-ci doivent se concentrer sur tous les dangers potentiels.» Selon lui, le militant «veut se faire de la publicité dans le milieu syndicaliste» et a été particulièrement bien traité pendant sa rétention à la gendarmerie : «Le café que lui ont servi les gendarmes devait être bon pour qu'il s'attarde autant à la gendarmerie.» La plainte a été transmise au procureur de la République.
Leur presse (Benoît Vitkine,
Le Monde.fr), 8 décembre.
Un syndicaliste accuse les gendarmes
Un syndicaliste de SUD a affirmé avoir déposé une plainte pour «détention abusive» après avoir été entendu cinq heures à la gendarmerie du Mayet-de-Montagne dans l'Allier lors d'une visite de Nicolas Sarkozy fin novembre, ce que conteste le préfet de l'Allier. «Deux gendarmes sont venus me chercher à ma sortie du travail le 25 novembre alors que j'allais à une manifestation» organisée à l'occasion de la venue du chef de l'État, a dit Frédéric Le Marrec, éducateur spécialisé au Mayet-de-Montagne, syndiqué à Sud-Santé-Sociaux.
«Deux policiers venus de Moulins m'ont interrogé sur le collage d'affiches du NPA la veille au Mayet puis j'ai demandé si j'étais en garde à vue, on m'a répondu que non mais on m'a déconseillé de partir», a-t-il ajouté. Il a précisé avoir pu quitter la gendarmerie cinq heures plus tard, alors que la visite de Nicolas Sarkozy s'achevait. «On m'a dit que le préfet m'en voulait», a par ailleurs affirmé le syndicaliste qui dit avoir déposé une plainte contre X pour «arrestation abusive» lundi au commissariat de Vichy.
Contactés par l'AFP, les gendarmes du Mayet-de-Montagne et de la compagnie de Vichy dont ils dépendent n'ont pas voulu s'exprimer. Le préfet de l'Allier, Pierre Monzani, a démenti «tout ordre explicite visant cette personne» qu'il affirme ne pas connaître. «Les gendarmes l'ont emmenée alors qu'elle se trouvait sur un lieu où avaient été collées des affiches de façon illégale, c'est très banal», a-t-il dit. Selon lui, M. Le Marrec n'avait pas «été entendu plus de quatre heures car sinon, c'est de la garde à vue illégale». Il s'est aussi «étonné» que sa plainte ait été déposée «dix jours après les faits».
Leur presse (Agence Faut Payer), 9 décembre.