Grèves des travailleurs sans-papiers : retour sur une lutte qui paie !
Depuis le 12 octobre dernier, des milliers de sans-papiers occupent leur société et les fédérations patronales dont ils dépendent, soulevant de nouveau le couvercle après les premières vagues de grève de 2008. Restauration, nettoyage, BTP, gardiennage ils sont la force vive de la plupart des travaux non qualifiés qui ont été la cible première des grandes restructurations du monde du travail : temps partiels, sous-traitance, intérim. Étranglés par la peur quotidienne de la chasse et de l’arrestation, exploités par les propriétaires ou leurs hébergeurs, le lieu de travail se retrouve bien souvent un lieu de repli et d’isolement laissant place à un arbitraire patronal total. L’emploi de travailleurs sans-papiers c’est la garantie pour les patrons, de s’accaparer toujours plus de plus-value.
C’est toute l’économie qui repose sur le travail des sans papiers !
Employés pour beaucoup par des société de sous-traitance, ils se trouvent au cœur du marchandage organisé entre ces sociétés et d’autres plus grandes soucieuses de préserver leur réputation : entreprises publiques (SNCF, RATP…), grandes sociétés du bâtiment (Vinci, Bouygues). Les lois sanctionnant les donneurs d’ordre se révèlent bien souvent être des coquilles vides, renvoyant au constat qu’une grande partie de l’économie repose sur le travail des salariés sans titres.
Quatre fois plus nombreux que lors des grèves de 2008 (ils sont actuellement 4600), les grévistes partent du constat que seul le rapport de force — grèves et occupation — permettra de massives régularisations et des conditions de travail plus dignes. Dénonçant l’arbitraire préfectoral et les verrous sur les régularisations qui ont suivi les vagues de grève, le mouvement a pour objectif d’imposer une circulaire qui permette à toutes et tous la régularisation dès le moment où l’on travaille (déclaré ou non). Ce n’est plus seulement le patronat qui est visé comme lors des deux premières vagues en 2008, mais bien l’État, mettant à jour la proximité entre celui-ci et les intérêts patronaux.
Se réapproprier la loi pour imposer un rapport de force
Ce mouvement porté par un front syndical large est l’exemple d’un rapport de force où la stratégie consiste à réinvestir un cadre de loi (l’article 40 de la loi Hortefeux de novembre 2007) permettant la régularisation des travailleurs sous condition de la «bienveillance de l’employeur») pour le déborder et l’entraîner vers une plus grande émancipation des travailleurs. La clémence de l’employeur, demandée dès le départ pour la régularisation, est alors retournée par le rapport de force imposé face au patron, les contraignant à faire pression à leur tour sur l’État et ses pendants, les préfectures.
La décision du conseil d’État d’annuler la circulaire de janvier 2008 qui impose une liste de 30 métiers conditionnant la régularisation, fait état du rapport de force imposé par les luttes actuelles : jamais les luttes de sans-papiers ne sont allées aussi loin dans le rapport de force. L’enjeu de ce mouvement loin de susciter émotion, charité ou élan humanitaire est de s’affirmer en tant que travailleur, s’inscrivant dans de réelles perspectives de lutte des classes. La vague de politisation qui a suivi les premières grèves a permis de mettre en place les bases de la démocratie directe dans les piquets de grève : gestion collective des caisses de soutien, des plannings et des stratégies de visibilité, des piquets de grèves, gestions et décisions collectives des besoins de chacun et des modes d’occupation. Leur grève est un exemple pour tous les travailleurs, elle démontre les résistances et la combativité des plus exploités de la classe ouvrière.