Gardé à vue pour avoir filmé une expulsion

Publié le par la Rédaction

Si les expulsions d'étrangers en situation irrégulière sont désormais «courantes» dans les aéroports, l'interpellation de passagers qui s'opposent, d'une façon ou d'une autre, à la procédure, l'est moins. C'est pourtant ce qui est arrivé, jeudi, à un homme originaire de Chauny.

 

Stéphane [Le principal protagoniste souhaitant garder l'anonymat, le prénom a été changé] avait pris place avec son père sur le vol 3096 d'Air France à destination de Bamako. À leur arrivée dans l'appareil, installé sur le tarmac de Roissy, un policier leur tend un tract indiquant qu'une personne expulsée fera partie du voyage et précisant que «le fait d'entraver de quelque manière que ce soit, la navigation et la circulation des aéronefs […] est un délit». Lors de la distribution, le policier a même précisé qu'il y aurait des cris, mais que tout se calmerait ensuite, «comme si c'était la routine», souligne le papa.

 

 

Juste avant le décollage, l'expulsé est arrivé en criant et c'est là que plusieurs personnes ont filmé et photographié la scène, dont Stéphane. «Le policier qui nous avait distribué le tract est venu nous dire que c'était interdit, ce à quoi mon fils a répondu que nous n'étions pas en vol et qu'il n'y avait donc aucune interdiction, d'ailleurs le policier filmait aussi.»

 

La tension monte

 

Les cris se poursuivant, de plus en plus de voyageurs se sont regroupés dans les allées. «La tension est montée, car le personnel de bord s'y est repris à plusieurs fois pour compter les passagers pendant que les policiers essayaient de convaincre, ici et là, qu'il ne fallait pas protéger un criminel, sans toutefois pouvoir nous dire ce qui lui était reproché», ajoute encore le père du gardé à vue. Un laps de temps durant lequel le commandant de bord a fait savoir qu'il était impossible de décoller dans ces conditions.

 

L'avion a alors quitté la passerelle d'embarquement pour stationner au bout du terminal E avant de se rendre dans un autre secteur de l'aéroport. C'est à ce moment que les choses se sont accélérées, une armada de policiers armés, casqués et bouclier à la main a pénétré dans la cabine afin d'arrêter quatorze personnes, «sur désignation du premier policier». Stéphane fait partie du lot, tout comme des ressortissants Allemands qui devaient se rendre au forum social de Dakar. «J'ai demandé à suivre mon fils, mais il m'a été précisé que cela était impossible, car il était placé en garde à vue. Ne connaissant pas les numéros de nos bagages et ayant des affaires communes, je ne me voyais pas rester dans l'avion et laisser mon fils.»

 

Une action humanitaire

 

Les deux Chaunois ne partaient pas en Afrique pour faire du tourisme. L'objet était une mission humanitaire pour l'association soissonnaise Madomé, qui soutient des projets de développement dans la région de Mandiakuy. 1400 couvercles pour des bocaux en verre et un épépineur se trouvaient dans les bagages, car au Mali, les tomates et les mangues sont en surproduction saisonnière et les femmes de cette région, pour ne pas perdre ces denrées, ont décidé d'en faire du coulis et de la confiture. Il y avait aussi du matériel électrique et informatique pour une association locale. Une action qui, ironie du sort, intervient afin d'éviter l'exil aux jeunes de cette région.

 

Stéphane est sorti de garde à vue, jeudi, vers 22 heures ; l'avion avait finalement décollé une heure avant. Les Allemands sont partis hier après-midi. Les deux Chaunois espèrent, quant à eux, trouver un vol prochainement pour mener à bien l'action de l'association.

 

Leur presse (Samuel Pargneaux,
L’Union), 22 janvier 2011.

 

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