Foutre en l'air le Dîner du Siècle
À écouter et à télécharger sur le site Sons en luttes, les propos de Pierre Carles quelques jours après la soirée du 24 novembre à Paris, recueillis le 29 novembre à Périgueux lors de la présentation de son prochain film Guérilla française, puis diffusés dans l’émission «Faure et Reclus à l’Élysée» sur Radio 103.
ATTENTION : Nous venons d'apprendre que le dîner du 22 décembre est annulé (vacances aux Seychelles ?).
Nous vous donnons donc rendez-vous le mercredi 26 janvier 2011. Nous célèbrerons à cette occasion la consécration d'une grande ex-syndicaliste, Nicole Notat, qui sera intrônisée présidente du Siècle. Nul doute qu'elle saura faire honneur à cette haute fonction, précédemment occupée par Denis Kessler, ex-numéro deux du Medef !
Merci pour votre soutien et à très bientôt !
En attendant, on aura quand même réussi à faire sortir Le Siècle du bois en obligeant Kessler à publier dans Le Monde une tribune de défense pathétique de ce club de rencontre entre élites.
Vous pouvez vous amuser à la lire ici [et là, une réponse de Fabrice Epelboin] :
Le Siècle face à ses injustes critiques
Chaque mois se réunissent à Paris des personnalités venues de tous les horizons politiques, économiques, culturels, religieux pour débattre ensemble de sujets librement choisis portant sur les thèmes les plus divers. Ces réunions ont été l'objet de manifestations suscitées par un collectif, et d'accusations malveillantes relayées par le Net. Dans la tradition suivie par tous les agitateurs, on évoque «complot» et «conspiration», ces mots ayant toujours fait partie du magasin des oripeaux populistes. On présente Le Siècle comme une société secrète, ce qui fait bien rire ses membres, mais ce qui permet d'alimenter tous les phantasmes.
Qu'est ce que Le Siècle ? Il est né en septembre 1944 à l'initiative d'un groupe de jeunes qui s'étaient connus durant l'Occupation et qui avaient été profondément marqués par la faillite des institutions et des élites qui avait abouti à la défaite et à l'occupation du pays. La paix revenue, ils voulaient poursuivre leurs réflexions sur la rénovation des institutions et la reconstruction du pays.
Dans l'effervescence intellectuelle de l'après-guerre, qui a vu la création de nombreux clubs de réflexion, celui-ci a affirmé d'emblée deux originalités qui perdurent encore aujourd'hui et qui peuvent expliquer certaines incompréhensions.
D'une part, il ne veut pas être parasité par des querelles idéologiques et alors que la plupart des clubs se rattachent de manière tout aussi légitime à une famille de pensée politique (Club Jean Moulin, Club des Jacobins, etc.), Le Siècle veut s'ouvrir à tous les courants de pensée. D'autre part, il s'interdit de s'afficher à l'extérieur en n'ayant aucune publication contrairement à la plupart d'entre eux. Et il n'y a aucune doctrine, déclaration, prise de position, pétition… On n'a jamais fait de discours au Siècle depuis sa création !
Il se donne un seul objectif, qui figure dans le Manifeste de sa création et qui reste le nôtre : «Réunir des responsables venant des milieux les plus divers (politique, économique, social, fonction publique, militaires, avocats, médecins, scientifiques, universitaires, ecclésiastiques, musiciens, artistes, journalistes…), quelles que soient leurs opinions pourvu qu'ils attachent leur attention aux problèmes politiques au sens le plus large du terme, c'est-à-dire aux problèmes généraux qui concernent l'évolution de la société.»
Et de refuser qu'«entre les uns et les autres, des barrières s'interposent : celle de l'âge (l'un des soucis du Siècle est de rapprocher les générations), celle de l'éloignement (faciliter le contact entre ceux qui exercent leur activité à Paris, en province et à l'étranger), celle qui résulte de la diversité même des professions. Le Siècle propose à ses membres et invités de discuter de leurs problèmes communs et d'apprendre à se mieux connaître.»
Depuis plus de soixante-six ans, Le Siècle est resté fidèle à ces principes. Il reste un lieu de dialogue unique, où les uns échangent avec les autres, découvrent des univers qu'ils ne fréquentent pas, où des femmes et hommes politiques et des responsables économiques sont confrontés à des gens de terrain.
Comme l'a dit Olivier Duhamel, membre de son conseil d'administration : «Nous vivons dans des couloirs ou derrière des cloisons, Le Siècle ouvre des fenêtres et construit des ponts.»
Les ragots que l'on trouve sur la Toile sont édifiants. «Une société secrète, fomentant des complots» ? La belle histoire. Le Siècle n'est pas particulièrement opaque mais il n'a pas à s'exhiber. Son président et son conseil d'administration sont publics. Des dizaines d'articles sont publiés tous les ans sur l'association. Ne publiant rien ni à l'extérieur ni à l'intérieur, ne prenant aucune position sur aucun sujet, il n'a pas à justifier de la qualité de ses membres.
Il serait au demeurant impossible de rendre compte de quelque 40 conversations libres qui se déroulent simultanément sur les 40 tables, composées différemment chaque mois. Et tel n'est pas son objet qui reste nettement plus modeste. Ses participants sont choisis par un conseil d'administration en fonction de leurs qualités professionnelles et humaines, mais c'est en tant que citoyens qu'ils participent à nos débats où ils n'engagent qu'eux.
D'autres accusations sur Internet laissent pantois. Des «bâfreurs», «avec l'argent de nos impôts» ? L'association n'a jamais bénéficié d'aucune subvention. Elle fonctionne uniquement avec les cotisations de ses membres (160 euros, réduite de moitié pour certaines catégories de membres). Chaque participant paie son repas, un repas qui n'a rien de gastronomique… Avec le surplus, Le Siècle subventionne chaque année des associations qui agissent en faveur de publics en difficulté.
Ce serait «un lieu où les puissants s'entendent» : Le Siècle n'est pas un lieu de prise de décision. Jamais rien ne s'y est décidé. C'est un lieu d'échange et de débat. Ce n'est qu'en arrivant à sa table qu'un convive sait quels seront ses voisins, et la règle du brassage veut qu'un homme politique ou un responsable économique soit entouré de personnes venant d'horizons différents (intellectuels, scientifiques, artistes, etc.).
Les accusations complaisamment véhiculées seraient profondément risibles si elles n'étaient le symptôme d'une grave dérive qui caractérise notre époque : l'obsession du complot, la recherche du bouc émissaire, bref, le populisme sous toutes ses formes. Et la perversité veut qu'aujourd'hui le populisme s'habille d'une soi-disant recherche de «transparence».
La liberté d'association est fondamentale à toute démocratie vivante, celle-là même qui permit la naissance des syndicats et des partis politiques. Il a fallu beaucoup de temps pour que la liberté d'association soit reconnue comme un droit constitutionnel : ne laissons pas quelques irresponsables poursuivre des manœuvres d'intimidation !
Enfin, dernière accusation, Le Siècle «accueillerait des journalistes». On passera sur le paradoxe que les mêmes qui dénoncent Le Siècle comme une société secrète condamnent la présence de journalistes venant tant de la presse écrite que de la radio ou de la télévision ! Les journalistes sont des citoyens comme les autres et on ne voit pas au nom de quoi ils devraient être exclus de ces réflexions.
Il n'appartient pas à notre association de s'immiscer dans un débat éthique sur la profession qui ne concerne qu'elle mais il nous semble que ce n'est pas parce qu'on échange qu'on est dans la connivence ; qu'il appartient à chacun de savoir garder ses distances ; que fort heureusement ils sont sollicités dans de nombreux lieux de réflexion où ils apportent leurs compétences sans perdre leur indépendance ; et qu'un journaliste a au moins autant qu'un entrepreneur, un fonctionnaire ou un universitaire, le droit sinon le devoir de rencontrer des personnes qu'il ne connaît pas et des univers autres que le sien.
Quant à nous, nous nous félicitons de leur présence et de leur contribution à une réflexion libre, ouverte et féconde sur notre société.
Libre à qui veut de critiquer notre association, voire en la caricaturant. Pas de vouloir, pour se faire de la publicité, l'empêcher de fonctionner par l'invective ou la violence — ce, au mépris d'un des principes fondamentaux de la démocratie, à savoir le respect de l'autre.
Puisse Le Siècle perdurer et poursuivre sa mission dans la sérénité : c'est un enjeu démocratique… celui-là même qui a justifié sa création historique.
Denis Kessler, président du Siècle, président-directeur général du groupe SCOR
Le Monde, 16 décembre 2010.
Collectif Fini les concessions -
Branche armée … de patience, 17 décembre.