Égypte : Appel à la grève générale - 31 janvier
Après six jours de révolte, la mobilisation contre le régime de Moubarak franchit un nouveau palier aujourd'hui avec l'appel à la grève générale et à une marche «d'un milion de personnes» demain dans les rues du Caire. ElBaradei, désigné pour négocier avec le Président, a promis une «ère nouvelle» aux manifestants, toujours dans la rue malgré le couvre-feu.
ALLEZ PASSER VOS VACANCES EN ÉGYPTE
Gizeh, ce lundi
Cet appel à la grève a été lancé tard dans la nuit par des travailleurs de la ville de Suez, une des trois grandes villes, avec le Caire et Alexandrie ayant connu des manifestations et émeutes particulièrement violentes, et soumises à un couvre-feu.
Les nominations de samedi n'y ont donc rien fait : les Égyptiens ne veulent plus d'Hosni Moubarak. Après de violentes manifestations qui ont fait plus de 125 morts et des milliers de blessés depuis mardi, la mobilisation n'a pas faibli hier. Désigné par l'opposition pour négocier avec le régime de Moubarak, ElBaradei a affirmé hier soir que l'Égypte était «au début d'une ère nouvelle». Il s'adressait à des milliers de manifestants réunis place Tahrir, dans le centre du Caire, malgré le couvre-feu en vigueur dans la capitale, à Alexandrie et à Suez de 16h à 8h et prolongé d'une heure à partir d'aujourd'hui. «Je vous demande de patienter, le changement arrive», a-t-il déclaré aux manifestants qui scandaient : «Le peuple veut la chute du président». Cernée par les chars, la place Tahrir, la «place de la Libération», dans le centre de la capitale, vit depuis mardi au rythme d'une contestation jamais vue en 30 ans de pouvoir d'Hosni Moubarak.
La chaîne al-Jazira interdite
La chaîne satellitaire al-Jazira, qui fait trembler certains gouvernements arabes par sa couverture des protestations, a été interdite hier. Dans la matinée, le Président a visité le centre opérationnel de l'armée, au lendemain de la nomination d'un vice-président, le premier en 30 ans, Omar Souleimane, et d'un nouveau Premier ministre, Ahmad Chafic. Malgré cette annonce, la Coalition nationale pour le changement, qui regroupe plusieurs formations d'opposition, dont les Frères musulmans, a chargé ElBaradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), de «négocier avec le pouvoir». Le président de l'Assemblée, Fathi Sorour, a annoncé que les résultats des législatives fin 2010 seraient bientôt «corrigés» en fonction de prochaines décisions de justice. Le scrutin avait été boycotté par les principales forces d'opposition, qui avaient dénoncé des fraudes massives.
Place Tahrir au Caire, dimanche
Le retour de la police
L'Intérieur a ordonné hier le retour de la police dans les rues. Dans la soirée, des patrouilles avaient commencé à être déployées et coordonnaient leurs actions avec les forces armées. La police avait disparu des rues et des carrefours dès vendredi, provoquant des scènes de chaos, de pillage et des évasions de plusieurs prisons du pays. À la nuit tombée, des groupes d'Égyptiens armés de bâtons, de gourdins et d'armes de chasse avaient pris depuis deux jours l'habitude de contrôler les rues de leurs quartiers, pour dissuader les pillards.
En Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé que son pays voulait préserver la paix avec l'Égypte, seul pays arabe avec la Jordanie à avoir signé un traité de paix avec l'État hébreu. Le mouvement Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a annoncé la fermeture du terminal de Rafah, à la frontière avec l'Égypte, provoquant des craintes de pénuries dans le territoire palestinien. Au Soudan, des milliers d'étudiants ont bravé les forces de sécurité pour répondre à un appel à manifester sur le modèle de l'Égypte. Et des manifestations de soutien au mouvement ont eu lieu devant plusieurs ambassades d'Égypte. La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a, elle, plaidé pour «une transition en bon ordre» et estimé que le processus en était «à peine au début», tout en assurant qu'il n'était pas question de suspendre l'aide à l'Égypte, principal allié des États-Unis dans le monde arabe.
Leur presse (Le Télégramme), 31 janvier 2011.
CRITIQUE DE L’URBANISME
Commissariat de police au Caire, ce lundi
Le Caire, 30 janvier
BIEN CREUSÉ, VIEILLE TAUPE !
ALLEZ PASSER VOS VACANCES EN ÉGYPTE
Aéroport du Caire
La chaîne Al-Jazira interdite en Égypte
Après avoir annoncé ce dimanche matin la fermeture du bureau de la chaîne Al-Jazira au Caire, et la révocation des accréditations de tous ses journalistes dans le pays, les autorités égyptiennes ont directement bloqué la diffusion de la chaîne dans l'ensemble du pays, ont constaté de nombreux témoins sur place.
La chaîne qatarie, qui dispose d'un important bureau au Caire et de correspondants dans tout le pays, couvre depuis trois jours les manifestations en direct, malgré de nombreuses difficultés techniques, liées à la coupure des réseaux de communication, et politiques, alors que le gouvernement hésitait jusque-là sur l'attitude à adopter. Vendredi après-midi, la police avait tenté de pénétrer dans les locaux de la chaîne ; dans la soirée, des tanks avaient pris position devant les bureaux, empêchant les manifestants d'approcher.
Depuis dimanche midi, le signal de la chaîne a été coupé sur le satellite Nilesat. La réception d'Al-Jazeera en langue arabe est donc bloquée en Egypte et dans une partie du Maghreb, Nilesat couvrant notamment la Tunisie, la Turquie et l'Algérie. La chaîne reste accessible sur le réseau satellite Hotbird (Eutelsat, canal 12111/V/27500).
LE RETOUR DU NÉGATIF
Contrairement à Hotbird, Nilesat est sous le contrôle de l'État égyptien. La radiotélévision d'État détient 40% de son capital, et l'armée, par le biais d'un fonds d'investissement dans les technologies de défense, en détient 10%. La révocation de la licence de la chaîne a donc permis aux autorités de demander à l'opérateur de cesser sa diffusion sous un vernis de légalité. Comme pour la coupure de l'accès à Internet, les autorités n'ont pas eu besoin de recourir à des artifices techniques pour bloquer l'accès, mais ont vraisemblablement pu stopper la diffusion d'Al-Jazira d'un simple coup de téléphone.
La chaîne a dénoncé une attaque directe contre la liberté d'expression. «Il faut impérativement que les voix des Égyptiens de tous les bords puissent continuer à se faire entendre ; la fermeture de notre bureau en Égypte vise à établir une censure et à faire taire les voix du peuple égyptien», a réagi un porte-parole d'Al-Jazeera. La chaîne a annoncé qu'elle continuerait à couvrir les événements en direct.
Leur presse (LeMonde.fr), 31 janvier.
LE DIALOGUE DIPLOMATIQUE EN JANVIER 2011