Burkina Faso : Les élèves sur les sentiers de la liberté
Manifestations d’élèves : Pillages et incendies tous azimuts à Ouahigouya
La ville de Ouahigouya a ressemblé hier mercredi 9 mars 2011 à une ville fantôme. Des élèves, aidés par quelques citoyens en colère suite au décès de l’élève Justin Zongo à Koudougou, ont cassé et brûlé des services publics. Le siège du CDP (parti au pouvoir), la résidence du gouverneur, tous les démembrements de la police, le Conseil régional, la mairie, la douane et une partie du Palais de justice sont partis en fumée. Conséquences : grand marché, banques, stations d’essence, commerce de rue et services administratifs ont gardé portes closes pour échapper aux scènes de violences et de pillage visiblement très bien organisées.
La furie a débuté peu avant 8 heures avec l’incendie du Commissariat central de police de Ouahigouya. Des vélos et des motos sont entassés sur la voie avant d’être brûlés. Le bureau du Directeur provincial de la Police est visité, vidé de ses documents administratifs avant que tout le commissariat ne s’embrase. La Direction régionale de la Police du Nord est à son tour entièrement consumée. Le Conseil régional qui a un mur mitoyen avec la Direction régionale de la Police n’est pas épargné. De là-bas, les manifestants déterminés se sont rendus à la résidence de madame le gouverneur de la région du Nord où ils ont d’abord pris le temps pour piller les biens.
Le matériel électroménager a été vandalisé. Les ordinateurs, les réfrigérateurs, les fauteuils rembourrés, etc., ont été emportés ou brûlés. Avant de mettre le feu à la maison, les visiteurs, les élèves, se sont servis en boissons sucrées comme alcoolisées. À l’intérieur, les flammes ont été particulièrement violentes à cause des bouteilles de gaz qui s’y trouvaient. À la résidence même du gouverneur, un des gendarmes qui assurait la garde a échappé de peu à la vindicte populaire. Après avoir échoué à expliquer qu’il n’est pas policier, il finit par prendre ses jambes à son cou. Une fois la maison du gouverneur incendiée, la foule s’ébranle vers la Police municipale. Ce service a été aussi incendié. À une centaine de mètres de là, se dresse l’imposant bâtiment qui sert de siège au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).
ll sera, lui aussi, incendié. La foule, désormais incontrôlée, occupe toutes les grandes artères de la ville. Panneaux, feux de stop, tout est détruit au passage. Le mouvement de foule arrive aux environs de 10 heures à la Maison d’arrêt et de correction de Ouahigouya (MACO). Mission : libérer tous les prisonniers. Le régisseur de la MACO entame des négociations rudes avec une partie des manifestants pendant que l’autre partie menaçait de passer à l’action. Au finish, les modérés ont pu s’imposer et la MACO a été épargnée. La prochaine cible des manifestants a été la Direction régionale de la Douane. Les dégâts matériels y sont considérables.
Des armes et des munitions ont même été emportées à ce niveau. Dès leur arrivée, les manifestants, après avoir forcé le portail, s’introduisent à l’intérieur et prennent le plaisir de tout saccager. Partout, le scénario est le même : piller, casser et brûler. Des citoyens dont des marchandises avaient été saisies par la Douane en ont profité pour les récupérer. La mission accomplie, les manifestants on rebroussé chemin, non sans avoir posé un acte de citoyenneté en allant remettre la caisse à munitions à la gendarmerie. Le patron du coin a réceptionné la caisse et une partie de son contenu, puis les a remerciés pour leur acte.
Sympathisant avec les éléments de la gendarmerie, les mécontents ont pris la route du Palais de justice. Mais avant d’y arriver, ils ont fait un détour au bâtiment flambant neuf censé être la propriété du gouvernorat. L’immeuble verra ses vitres brisées, ses meubles emportés mais sans être incendié. Au Palais de justice, c’est le hangar du parking situé à l’entrée qui a fait les frais des premières flammes. Le poste d’accueil, les bancs, les chaises servis lors des audiences sont aspergés d’essence et brûlés allègrement. «Mettez le feu au palais d’injustice», a crié un manifestant derrière un élève qui portait une robe de magistrat sous les ovations de ses camarades.
Des documents et quelques bureaux sont gagnés par les flammes. En ce moment, le commandant de la compagnie de gendarmerie, le sous-lieutenant Julien Zongo, s’approche avec ses hommes et demande humblement aux enfants de venir l’écouter. Ces derniers obtempèrent. Avec une voix qui en dit long sur la gravité de la situation, le patron des pandores leur dit à peu près ceci : «Nous sommes plus que marqués par ce qui est arrivé à votre camarade de Koudougou. C’est votre droit le plus absolu de revendiquer la vérité sur cette affaire. Regardez très bien, mes cheveux (NDLR : il enlève son béret). Ils sont bien blancs, n’est ce pas ? Donc, j’ai parmi vous mes enfants. Je vous demande pardon, ne brûlez pas le palais. Vous êtes appelés à être des policiers, des gendarmes et même des présidents de ce pays. Vous devez passer des concours et cela vous nécessite des papiers.» À ces mots, les élèves acceptent de se disperser mais ne cessent pas pour autant leur mouvement. Le soleil est déjà au zénith mais la liste des services à visiter n’est pas close. Ils repartent à la mairie qu’ils ont brûlée en partie. Dans leur parcours, les jeunes arrivent au Centre hospitalier régional de Ouahigouya. Après d’âpres discussions avec quelques sages personnes, les manifestants se retirent.
Du CHR, ils se rendent au restaurant Cadiami. Ils voulaient se désaltérer sans payer. La patronne s’y oppose et ce qui devait arriver arriva. Frigos vidés de leur contenu, menu emporté, matériel saccagé ou dévalisé. À partir de là, la contestation prend une autre tournure avec pour cibles privilégiées des propriétés privées. Dans cet ordre d’idées, le maquis Montania géré par un douanier a fait les frais de ce mouvement généralisé. Le maître mot : pillage.
Il était 12h50. Tout Ouahigouya était pris en otage par les élèves qui ont décidé à partir de cet instant de finir avec la résidence du maire de Ouahigouya dont le service, en pleine réfection, venait à être brûlé. Informés, des jeunes pour la plupart des militants du CDP, déjà dépassés par l’incendie du siège de leur parti, décident de s’interposer. «Trop c’est trop. Nous ne pouvons plus laisser les enfants dans leur sale besogne. Il faut qu’on leur dise qu’ils doivent arrêter maintenant», tempête Illa Ouédraogo, un des farouches militants du parti au pouvoir. Armés de gourdins, de machettes et de barres de fer, les résidents du secteur numéro 1 attendaient de pied ferme les manifestants.
Et c’est ce qui a permis d’éviter le saccage chez le bourgmestre. Entre-temps, ce dernier est exfiltré de sa résidence puis amené en un lieu sûr. Beaucoup de pontes du parti au pouvoir étaient obligés de «se chercher». Dans la soirée, Ouahigouya présentait le visage d’une ville sinistrée, méconnaissable. Les manifestants ont-ils agi de leur propre chef ou étaient-ils téléguidés ? À cette question, un élève répond : «C’est vrai que lors de notre réunion le 8 mars, nous n’avions pas prévu de tout casser. Mais au fur et à mesure qu’on brûlait les édifices, nous étions excités. Et puis, certains petits commerçants nous ont rejoint et nous indiquaient les lieux à saccager.» Vous regrettez ces actes ? «Pas du tout», répond notre interlocuteur qui semble avoir pris une dose de plus d’alcool lors de la casse au restaurant. Des autorités régionales que nous avons tenté de joindre au téléphone sont restées injoignables ou se sont refusées à tout commentaire.
Leur presse (Hamed Nabalma,
Le Pays / LeFaso.net), 10 mars 2011.
Burkina Faso : Qui arrêtera la folie incendiaire ?
Depuis l’affaire dite de la mort suspecte d’un élève à Koudougou, dans le Centre-ouest, les commissariats de police sont dans le collimateur des jeunes qui exigent justice et vérité pour le jeune homme. Convaincus que celui-ci serait mort à la suite de «mauvais traitements» dont il a été victime dans un commissariat de la ville précitée, et non de «la méningite» comme l’a annoncé un communiqué officiel, les manifestants s’en prennent principalement aux policiers de toutes les villes du pays.
Ainsi, après les commissariats de police de Koudougou, Réo et Léo il y a une semaine, la furia incendiaire s’est abattue sur celui de Koupèla ce lundi 7 mars. Les auteurs de cet acte ont non seulement réduit le poste de police en cendre, mais ils ont laissé échapper les délinquants qui y séjournaient. Au nom de la «justice» pour le défunt élève Justin Zongo, ces protestataires d’un autre genre ont préféré mettre leur propre localité en insécurité. Faudra-t-il brûler tous les commissariats du Burkina pour venger la mort de ce pauvre jeune homme ? Telle est la question qui mérite d’être posée aux auteurs de la folie incendiaire.
Malheureusement, face à la montée de cet extrémisme ravageur de biens publics, le gouvernement se contente seulement de communiqués de mise en garde qui arrivent curieusement après les dégâts. Pendant ce temps, certains syndicats d’élèves et d’étudiants font monter les enchères, à l’instar de l’Association nationale des étudiants burkinabè (Aneb) qui promet de marcher ce mercredi sur la Direction générale de la police nationale pour la même cause. La même colère entrainera-t-elle la même folie incendiaire à Ouagadougou ? Les prochaines heures nous situeront.
Leur presse (Bark Biiga,
FasoZine), 8 mars.
Burkina Faso : la colère des élèves et étudiants ne retombe pas
Au Burkina Faso, alors que le gouvernement avait ordonné la reprise des cours, le 7 mars, suspendus depuis une dizaine de jours après des violences, les jeunes sont descendus dans les rues pour réclamer justice. Dans certains endroits, il y a eu des barricades et des commissariats incendiés.
La journée du 7 mars a été plus que mouvementée partout dans le pays. Une dizaine de localités ont en effet enregistré des manifestations plus ou moins violentes. Selon un communiqué du gouvernement lu à la télévision nationale, des commissariats ont été incendiés, des édifices publics vandalisés, des barricades érigées, des grèves et marches organisées.
Des actes qualifiés de dérives inacceptables, par le gouvernement qui hausse le ton : «Le gouvernement rappelle que nous sommes dans un État de droit. Les manifestations sont autorisées si elles respectent les dispositions de la loi. Par conséquent, le gouvernement prendra ses responsabilités pour que cessent ces agissements contraires aux règles qu’impose l’État de droit à chaque citoyen. Le gouvernement encourage les élèves et les étudiants à rester sereins, à poursuivre les cours, à privilégier le dialogue et la concertation dans notre commune recherche de la vérité et de la justice.»
Alors que l’ANEB, le puissant syndicat d’élèves et étudiants du pays envisage une marche pacifique dès le 9 mars, le gouvernement, lui, assure qu’il poursuivra ses efforts pour que la lumière soit faite sur ce qui a déclenché cette affaire. Il s’agit de la mort suspecte fin février d’un élève dans un commissariat de la région de Koudougou.
Tension à Koudougou
Dans cette ville, la colère des jeunes burkinabés n'est visiblement toujours pas retombée depuis les manifestations qui les avaient opposés, il y a deux semaines, aux forces de l'ordre. Il y avait eu 6 morts dans cette localité et ses environs. Des manifestations causées par le décès d'un collégien qui s'était plaint, par le passé, d'avoir subi des sévices corporels de la part de la police au cours d'une interpellation. Alors que les cours, suspendus depuis par les autorités pour ramener le calme, devaient reprendre hier, des manifestations ont à nouveau été signalées dans plusieurs localités. Manifestations pacifiques, sauf à Yako et à Koupéla, où des commissariats ont été incendiés. «Les enfants ont commencé leur marche vers 8 heures et se sont dirigés vers le commissariat de Koupéla dans lequel il n'y avait apparemment pas de policiers, raconte Seydou Kaboré, le représentant à Koupéla du Mouvement burkinabé de défense des droits de l'Homme et des peuples. Ils sont entré et ont libéré les prisonniers, puis ils ont brûlé le commissariat. Peu de temps après, les élèves de Poutenga ont aussi brûlé le commissariat de la ville. C'est du jamais vu», dit-il. Finalement, précise-t-il, le chef traditionnel de Koupéla est intervenu et les élèves sont repartis.
Leur presse (RFI), 8 mars.
Burkina Faso – La rue menace le pouvoir de Blaise Compaoré : le syndrome égyptien traverse le Sahara
Il souffle sur le Burkina Faso, un vent de révolution anti Compaoré. Les élèves n’arrêtent plus de narguer l'autorité du «beau Blaise», au pouvoir depuis 1986. Vingt cinq ans après la mort de Thomas Sankara, c’est peut-être l’heure de la seconde révolution du Faso, que sonne cette rue qui n’a certainement connu le révolutionnaire et panafricaniste, que dans les livres d’histoire.
Cela n’arrive pas qu’aux autres ! Blaise Compaoré est aussi à l’épreuve de vives contestations sociales dont on parle peu dans les médias internationaux. Pourtant elles s’intensifient malgré le caractère disproportionné de la répression policière. La révolte monte en puissance et fait tâche d’huile à travers le pays : Bobo Dioulasso, Koudougou, Gaoua, Fada Gourma, Tengodogo, Pô et Léo…
La révolution «en culottes kaki», celle que mènent les collégiens burkinabè depuis des semaines contre Compaoré, a déjà fait 6 morts dont : quatre élèves tués par balles lors des marches de fin février dans le Centre-ouest, un policier lynché par les «jeunes révolutionnaires» et un garagiste qui au hasard des tirs a perdu la vie. Plus rien ne peut émousser, la détermination de ces jeunes «frondeurs», résolus à braver les mains nues, toutes les menaces en affrontant de face le pouvoir de celui qui tient depuis 1986, «le pays des Hommes intègres» d’une main de fer.
En réponse à l’ordre de reprise les cours intimé par le Gouvernement burkinabé, les élèves indifférents, sont plutôt descendus dans les rues pour réclamer justice. Et ils sont allés encore plus loin dans la défiance du pouvoir. Brûlant quatre commissariats à Yako (100 km au nord de Ouaga), à Koupéla (140 km à l’Est), à Gourcy (au nord) et à Dori (Nord Est). À chaque fois, ils faisaient le bonheur des détenus, heureux de retrouver leur liberté. Un autre casse-tête pour l’administration burkinabé. Impuissant, le pouvoir, n’a pu constater que les dégâts. Il a «condamné fermement ces dérives inacceptables et ces comportements dont il est difficile de faire le lien avec le désir de manifestation de la vérité» suite à la mort de leurs camarades.
Des «actes de vandalisme» condamnables, certes. Mais ils ne sont peut-être que l’expression violente, d’une irrésistible aspiration, à plus de liberté et à plus de démocratie. Comme quoi, les enfants savent aussi montrer aux anciens, «les sentiers de la liberté». Pour l’instant, ils ne demandent pas à Blaise de «dégager». Mais il y a des signes qui ne surprennent personne, encore moins, Monsieur Compaoré !
Leur presse (Ange Hermann Gnanih,
Afreekelection), 8 mars.
Manifestations d’élèves : Le gouvernorat de l’Est et le commissariat de Diapaga incendiés
La lame de fond enclenchée depuis le décès de l’élève Justin Zongo à Koudougou semble avoir gagné toutes les localités du Burkina. La métastase selon toute évidence est maintenant effective dans la mesure où elle a retenti jusqu’aux confins du pays. En effet, le mercredi 9 mars 2011 aura été une journée chaude dans la région de l’Est, qui a pour chef-lieu Fada N’Gourma. Les élèves de ladite région, à l’instar de leurs camarades des autres contrées du pays, ont battu le pavé pour exiger vérité et justice pour Justin Zongo qui serait mort de sévices corporels.
Selon nos sources d’information, c’est à Bogandé, chef-lieu de la province de la Gnagna, que de violents heurts ont opposé, tôt le matin, les forces de sécurité et les élèves qui, sortis nombreux, n’avaient qu’un seul objectif : brûler le commissariat de police et «manger» du policier. Au moment où nous tracions ces lignes, des témoins occulaires font cas d’un hangar et d’un véhicule incendiés dans l’enceinte du commissariat de police de ladite localité. Plus tard, un peu vers la mi-journée, il nous a été rapporté, de sources concordantes, que les élèves de Fada N’Gourma ont bravé les forces de sécurité pour mettre le feu au gouvernorat de la région.
Et il s’en serait suivi un véritable accrochage entre les éléments de la compagnie républicaine de sécurité (CRS), et les scolaires qui ne cachaient visiblement pas leur furie, et voulaient également en découdre avec les policiers. C’est dans ce méli-mélo indescriptible empreint de passions et d’émotions, que nous apprenions que les scolaires de Diapaga, chef-lieu de la Tapoa, province située à l’extrême Est de la région, à environ 440 km de la capitale, ayant été dans un premier temps tenus à l’écart par les forces de l’ordre, ont aussi incendié les locaux de la direction provinciale de la police nationale.
Leur presse (Le Pays / LeFaso.net), 10 mars.
Manifestations des scolaires : Attention, il y a un danger réel pour tous
Quel que soit l’alibi des manifestations actuelles des scolaires, tout adulte en général et les parents en particulier ont le devoir de calmer les ardeurs parfois non fondées et inavouées avec des propos responsables. Avec les proportions que prennent la vague de révolte, l’on est en droit de craindre le pire pour l’avenir de ces élèves et la quiétude des populations.
À Dori
Toutes les bonnes volontés et les activismes des droits humains qui ont, au départ cru à la sincérité du soulèvement de Koudougou sont à même de se poser des questions sur les mobiles réels de cette vague de protestation qui envahit le pays tout entier. Au fur et à mesure que les jours passent, les tournures des évènements amènent à douter de la sincérité de certains de ces manifestants. Protestent-ils réellement pour réclamer «Justice pour Justin Zongo» ou sont-ils guidés par des desseins inavoués ? La violence qui entoure chaque sortie et la hargne avec laquelle les scolaires s’en prennent aux édifices publics laissent croire que le débat a bien changé de contenu.
Les slogans prononcés par les mécontents ainsi que leur choix systématiques de mettre le feu aux symboles locaux (commissariats, haut commissariats, gouvernorats) de leurs localités respectives sont des signes inquiétants. Les enfants ou ceux que l’on considère, à tort ou à raison, comme tel semblent tenir le pari de défier l’administration et les forces de sécurité. Les incendies et le comportement affichés de ceux-ci pendant les descentes contre les édifices publics en disent long. Ils n’hésitent pas à brandir des armes et des casques arrachés aux policiers et gendarmes sont brandis comme des trophées de guerre. Et oui !
Que tous les Burkinabé qui hésitent à croire cela se ravisent à admettre maintenant que ce triste et désolant spectacle qui a été donné malheureusement à voir par des soi-disant scolaires dans les villes qui ont connues jusque-là des troubles. Ces manifestations de scolaires revêtent une gravité extrême. Rien ne prouve aujourd’hui que tous les manifestants soient réellement des élèves. Il est à craindre un retour de manivelle contre eux-mêmes si le calme revenait. Les assauts démesurés auront l’inconvénient d’envenimer l’environnement sociétal dans lequel les scolaires pourraient payer le prix fort sur la route de l’école, du collège et du lycée. À l’instar de la mort qui a mis fin aux ambitions de Justin Zongo, de multiples dangers planent sur l’avenir et la sécurité de tout citoyen.
Si les évènements spontanés de Koudougou ont été compréhensibles aux premières heures de la disparition de Justin Zongo, ceux qui ont eu lieu notamment à Dori, Fada N’Gourma et Ouahigouya dépassent l’entendement de tout digne citoyen. Après que Koudougou, Léo, Réo, Boussé, Ziniaré, Yako … aient donné de la voie. Au saccage et à l’incendie des infrastructures, se sont ajouté des pillages. «Élèves Zorro» ou «Scolaires justicier», voilà ce qui couve sous les manifestations. Phénomènes hautement déplorables, des archives sont perdus à jamais.
Tout porte à croire que «l’affaire Justin Zongo» n’a servi qu’un alibi pour mettre à exécution un plan médité et planifié. Mais à l’évidence, une population voire un pays peut-il s’estimer en paix sans une police ou des forces de sécurité ? La nation peut-elle fonctionnement normalement si son administration a été détruite ? Ces interrogations invitent tout le monde à réfléchir. Autant il est intolérable qu’un crime avéré soit impuni, autant il est irresponsable de rester impuissant face à des actes qui inhibent des années de sacrifices pour doter des localités d’un minimum vital en matière d’administration et de sécurité. Partant du fait que «l’État, c’est nous tous», il va de soi que les manifestants sont en train de s’autodétruire.
Parce que la vague des casses et des incendies a plongé de nombreuses contrées du pays dans l’insécurité. Sans nourrir l’animosité de mettre des installations matérielles au-dessus d’une vie humaine, le recul enregistré en si peu de temps est frappant. Pourtant, sans une administration et des forces de l’ordre, il serait difficile de rendre la justice réclamée unanimement. Bien que le mécontentement général traduise un ras-le-bol latent après plusieurs manquements tolérés des forces de l’ordre et des dossiers classés sans suite, nul ne peut aujourd’hui connaître l’usage des armes qui disparaissent des commissariats en ces moments d’incertitudes.
Les efforts inlassables consentis pour garantir la quiétude des citoyens des villes et campagnes tombent à l’eau au grand bonheur du banditisme et de ses pratiquants. Toute infiltration du mouvement serait fatale à tout le monde. Quoiqu’il est indispensable de veiller au traitement diligent et transparent du dossier «Justin Zongo», il ne faut pas perdre de vue l’essentiel qu’il convient de sauver pour le salut de la Nation. Chacun a une part de responsabilité dans la rectification du tir afin que l’avenir des enfants que tout parent chérit tant ne s’assombrisse à cause de la passivité ou du mutisme des adultes. Des scolaires si habilement manipulés d’aujourd’hui pourraient surgir des délinquants de demain.
Tout acte de vandalisme incontrôlé pourrait avoir des conséquences très regrettables à l’image de la disparition tragique de celui pour qui toute âme sensible se croit raisonnablement fait et cause pour que justice lui soit rendue parce qu’un avenir a été fauché. En s’attaquant aux biens publics, les élèves remettent en cause leur éducation et courent le risque de sombrer dans la délinquance. Après la tempête actuelle, le pays et ses habitants seraient alors là à panser des plaies profondes de dysfonctionnements administratifs et de la montée de l’insécurité.
Après la sortie diffusée du gouvernement, il faut se résoudre d’être maintenant entendu et en toute sagesse, maintenir l’état de veille autour de cette affaire et le prendre aux mots. L’effet de boomerang est ce qu’il y a de pire dans un Burkina Faso sans foi ni loi parce qu’une partie de ses habitants auraient inconsciemment creusé eux-mêmes le terreau de toutes les insécurités où la vie sera continuellement mis en péril par des malfrats.
Leur presse (Martin Bonsdawende,
LeFaso.net), 10 mars.
Godé : le cortège de l’ambassadeur du Japon au Burkina arrêté par des élèves en colère
Alors qu’ils se rendaient à Banfora, chef lieu de la région des Cascades, pour visiter des projets financés par le gouvernement japonais, l’ambassadeur du Japon au Burkina, Tsutmo Sugiura, et l’équipe qui l’accompagnait ont été arrêtés à Godé, localité située sur l’axe Ouagadougou-Bobo-Dioulasso, par des élèves qui manifestaient pour réclamer vérité et justice sur la mort de Justin L. Zongo, à Koudougou.
Les élèves, qui avaient occupé la voie cailloux aux poings, ont sommé le chauffeur du minibus qui transportait les journalistes de s’arrêter. Le chef de mission, Siaka Gobé est alors allé négocier avec les responsables du mouvement pour faire passer l’équipe. «Il y a des élèves qui indexaient un journaliste comme étant un policier. Mais je leur ai expliqué que c’était l’ambassadeur du Japon au Burkina qui se rendait en mission à Bobo-Dioulasso et à Banfora. Et qu’il était donc accompagné de journalistes. C’est ainsi qu’ils m’ont dit que les véhicules pouvaient passer mais pas en vitesse», a rapporté M. Gobé qui a passé une bonne dizaine de minutes avec les manifestants. Obéissant à la règle à leur prescription, le cortège a repris la route lentement, mais suivi par des élèves, dont bon nombre étaient visiblement des écoliers, déterminés à envoyer les projectiles qu’ils avaient dans les mains sur les véhicules. Les dix minutes ont ressemblé à une éternité tant la menace était réelle. La peur des passagers du véhicule a été exacerbée par le fait qu’ils ont assisté à une scène où les élèves lapidaient une voiture, brisant ainsi la vitre arrière.
En rappel, différentes localités du Burkina vivent des journées de manifestations depuis l’annonce de la mort, fin février à Koudougou, de l’élève, Justin L Zongo. Selon les sources officielles, l’élève est décédé des suites de méningite. Mais pour ses camarades, il est mort des «mauvais traitements» que la police lui aurait infligés.
Leur presse (Jacques Théodore Balima,
FasoZine), 9 mars.
Événements de Koudougou : nouvelle fermeture des classes
Selon ce communiqué des ministres en charge de l’éducation, les établissements d’enseignement du pré-scolaire, du primaire, du post-primaire, du secondaire sont de nouveau formés jusqu’à nouvel ordre.
Le 07 mars 2011, le Gouvernement a décidé de la réouverture des établissements d’enseignement sur l’ensemble du territoire national à la demande pressante des parents d’élèves.
Le gouvernement en accédant à cette requête invitait par ailleurs l’ensemble des acteurs du système éducatif au calme et à la sérénité dans la conduite des activités académiques et pédagogiques.
Malheureusement, depuis cette réouverture des établissements, au lieu d’un déroulement normal des activités académiques et pédagogiques, les élèves sont utilisés comme des boucliers humains par les organisateurs des manifestations mettant ainsi leur vie en danger.
En attendant l’issue des investigations en cours qui permettront de situer les responsabilités des uns et des autres dans les actes de vandalisme, le gouvernement décide de la fermeture desétablissements d’enseignement du pré-scolaire, du primaire, du post-primaire, du secondaire sur l’ensemble du territoire national pour compter de ce jour, mercredi 09 mars 2011 jusqu’à nouvel ordre.
Leur presse (LeFaso.net), 10 mars.