Au secours, Luc Chatel veut nous protéger !
Notre ministre de l’Éducation nationale vient de signer un accord avec Brice Hortefeux, premier flic de France… Tout un programme.
Après l’intrusion d’une bande de jeunes armés dans un lycée de banlieue parisienne l’année passée, l’ex-ministre de l’EN, Darcos avait répondu du tac au tac, à la mode sarkozyenne, par un arsenal de propositions sécuritaires. On se souvient encore du fameux portillon détecteur d’armes à l’entrée des lycées ou encore de la fouille généralisée des cartables. Notre actuel ministre laisse tomber ces méthodes moyenâgeuses. Il traite directement avec les flics (voir Le Progrès du 23/09/09). Il faut «sanctuariser» l’école. Dehors, c’est la jungle. Et on ne va surtout rien faire pour améliorer la situation des jeunes et vieux chômeurs en galère, ça rend plus flexible le marché du travail. Dedans, c’est un havre de paix, sacré. Où la violence de l’extérieur ne rentrerait jamais. Où au moindre incident, on verrait débarquer des brigades mobiles — «équipes mobiles» sous la forme euphémistique officielle. Gérées par les recteurs, elles seraient composées de personnels de l’Éducation nationale (on aimerait bien savoir lesquels) et d’«adjoints de sécurité». Des matons, en langage courant.
Quand on pense que l’année dernière, dans un bahut de banlieue lyonnaise, les profs ont dû faire grève pour avoir leur quota de surveillants — enfin, de personnels aux contrats ultra précaires et sous-payés — pour assurer le fonctionnement normal de la vie scolaire. Et re-belote cette année. Ce coup-ci, ce sont tous les dispositifs de remédiation et d’approfondissement du niveau 6e qui sont menacés. Et encore, on a de la chance, l’année prochaine, on va voir ce qu’on va voir, dixit l’inspectrice d’Académie du Rhône : le temps des vaches maigres n’est pas encore arrivé. Vous voulez faire des groupes en langues ? Faites-les sur les accompagnements éducatifs, dixit les IPR d’anglais. On a supprimé les RASED, il faut être cohérent, on ne va pas continuer à vouloir aider les élèves en difficultés au collège.
Et ça, ce sont des exemples parmi tant d’autres : on a tous une histoire révoltante en tête de suppression de moyen injustifiée, arbitraire et catastrophique à long terme. C’est sûr qu’à ce train là, et vue la pelletée de réduction de postes de cette année, ça ne va pas s’arranger. La réponse à ce «malaise enseignant», comme diraient les médias dominants, c’est la création de bandes de flics labellisés Éducation nationale.
Mais qu’est-ce qu’on attend pour tout faire péter ? Un mot d’ordre du syndicat majoritaire ? Tiens, mais il est où, celui-là ? Comment c’était son nom déjà ?
Allez, c’est pas grave : le ministre a quand même ouvert deux perspectives pour remonter le moral des troupes. Primo : à défaut de former les futurs profs à apprendre leur métier dans les IUFM, on pourra bénéficier (anciens, nouveaux, chefs d’établissement) de formations pour gérer les situations de crise. C’est sûr qu’une fois qu’on n’aura plus de moyens du tout pour prendre en charge les élèves dans les établissements difficiles, on fera quoi de nos mômes ? Et ils comptent nous apprendre quoi dans ces formations ? Le karaté ? Deuxio : du travail pour nos futurs banlieusards. En effet, les diagnostics de sécurité dans les établissements les plus touchés (184 établissements désignés mi-mai dernier) seront généralisés : 1500 établissements en tout y passeront. Les collectivités locales, suivant le diagnostic, pourront décider d’investir et de mettre en place, par exemple, une vidéo-surveillance ou des grillages et autres portails automatiques. Porteurs, les marchés de la vidéo-surveillance, du grillage et du portail. Créateur d’emplois, en plus. Pas comme l’Éducation nationale, c’est sûr. À l’heure où ces lignes sont écrites (le 30 septembre) une dépêche AFP vient de tomber : ce sont 16.000 postes qui seront supprimés dans l’Éducation nationale en 2010. Pour mémoire : 8700 postes supprimés en 2007 ; 11.200 en 2008 et 13.500 en 2009…
Et on va laisser faire (tout) cela sans broncher ?
Tartagueule à la récré no 75, octobre 2009
Bulletin de la CNT Éducation du Rhône.
Équipes mobiles de sécurité : prof, deviens un vrai flic
On avait les flics qui font de la «prévention drogues» (fouille d’élèves avec des chiens), ceux qui font de la «prévention routière» (ceux-là, ils sont très gentils, bien qu’armés jusqu’aux dents), ceux qui viennent chercher les parents ou les enfants à l’école pour les envoyer dans un sympathique voyage en charter. Tous ont bien contribué à montrer aux enfants qu’ils vivent dans un pays bleu marine.
Maintenant, on a les «équipes mobiles de sécurité». Ce sont des profs, éducateurs sportifs, psychologues, anciens flics ou militaires, avec un beau blouson vert (kaki ?) et un beau brassard (rouge et blanc avec une croix noire ?). Non armés, mais rompus aux sports de combat, ils sont chargés de «rassurer les équipes pédagogiques»… à coups de rangers.
Bonne nouvelle pour tous les enseignants lassés des punitions à l’ancienne, ils peuvent postuler pour l’un des 500 postes créés.
Question : 500 flics en blouson vert feront-ils le travail des milliers de surveillants manquants, des RASED supprimés, des co-psys éliminés, des dizaines de milliers de profs non remplacés, des infirmières introuvables, des travailleurs précarisés ? Deuxième question : et s’ils comptent faire ce travail, avec quelles méthodes comptent-ils y parvenir ?
Zéro de conduite no 59, octobre 2009
Bulletin de la CNT Éducation de Paris.
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