Action contre la parade des pilotes aux 24 heures du Mans
Chaque année a lieu, au Mans, la course des 24 heures du Mans. Pendant une journée entière, un tas de bagnoles poussées à bout font des tours sur une piste. C’est l’occasion de fabriquer un consensus social sur l’air de «Tout le monde est content, même les grincheux, parce que ça fait de la maille». Pourtant, dans nos discussions, dans nos rencontres, inutile de vous dire que tout n’est pas si rose. C’est pour cela qu’on s’est dit qu’un bon coup de pied bien placé dans la fourmilière ne leur ferait pas de mal.
Voilà une vidéo, pas géniale sur le cadrage (on n’est pas des cinéastes), de la petite action bonne enfant mais militante qu’on a organisée :
L’un des participants a mis sur papier quelques arguments. Voici sa contribution.
Et comme dit l’autre, à l’année prochaine !
Auto-stoppons les 24 heures !
Voici quelques-unes des raisons qui nous ont poussé à descendre dans la rue pour exprimer notre mécontentement face au consensus social autour des 24 heures. Ce texte est écrit individuellement par l’un des participants à l’action d’hier soir, même s’il reprend des arguments élaborés collectivement.
Aux médias : Aucune illusion sur votre rôle de courroie de transmission du pouvoir, comme l’ont encore montré vos reportages parus hier soir et ce matin. La transmission de ce texte est simplement faite dans un souci de réelle information… En quelque sorte, c’est une occupation de la place sociale que vous avez depuis longtemps déserté (avec une mention spéciale pour Thierry Soufflard de Ouest-Torchon).
Une absurdité économique et sociale. Le syndicat mixte des 24 heures du Mans, propriétaire du circuit, est un établissement public entièrement financé par les deniers publics, de la région à la ville du Mans. Ce sont donc les sous de chacun.e d’entre nous qui financent les grands travaux effectués sur le circuit, à la demande de l’ACO. Nous refusons que notre argent serve à garantir à quelquesun.e.s un terrain de jeu conforme à leur idéal de gosses pourris-gatés pendant que d’autres n’ont pas de quoi remplir leur assiette. Si les fous de la voiture et de la compétition veulent faire vrombir leurs moteurs, qu’ils commencent déjà par ne pas utiliser les sous d’une population qui, pour la majorité, n’en a rien à taper.
Pour les spectateurs et les spectatrices du coin, ils paient deux fois leur place aux 24 heures : une fois par leurs impôts, une autre par l’achat des billets (au prix exorbitant, pour être sûr de ne pas se taper trop de pauvres, qui risqueraient de gacher la fête). Actuellement, la course ne profite pas aux Manceaux ni aux Mancelles, contrairement à ce que prétendent le maire et ses adjoints.
L’argent public renfloue aussi les caisses des marques automobiles françaises qui dépensent des fortunes pour les prototypes des 24 heures mais licencient et délocalisent à tour de bras.
L’ACO, pour organiser ses courses, loue le circuit 2 millions d’euros auprès du Syndicat Mixte, une misère comparé à la manne financière (publicité, billets…) qui se cache derrière.
Des 24 heures équitables ?
— Cassez les murs et les barbelés autour du circuit pour permettre à tous d’y accéder librement,
— Louez le circuit à sa valeur réelle à celles et ceux qui veulent en profiter,
— Faites-leur payer les multiples travaux (plan quadriennal de 16 millions d’euros par exemple), les équipes de nettoyage qui ramassent leurs cochonneries le lendemain pour donner aux Anglais.es et aux Danois.es l’impression d’une belle ville bien propre.
Et qu’on ne vienne pas nous ressortir le sempiternel couplet sur l’impact économique. Nous n’avons que faire de l’image de cette ville, particulièrement auprès de soulard.e.s assoiffé.e.s de vrombissements de moteurs débridés. L’argent qui arrive pour ce grand week-end des 24 heures ne profite pas à tout le monde mais aux patron.ne.s de marques de bière, de bars branchés, de fabricant.e.s d’accessoires tous plus inutiles les uns que les autres, etc. Pour nous, la seule aubaine économique que nous offre ces courses, ce sont les jobs précaires, surexploités et mal payés qui fleurissent pendant trois jours avant de nous laisser, à nouveau sur la paille.
Développez la ville dans un souci d’épanouissement mutuel et de prospérité économique durable suppose des choix culturels radicalement différents. Beaucoup de villes aux alentours, de taille comparable à celle du Mans, n’ont pas les 24 heures et … oh surprise, ce n’est pas pour autant le Tiers-Monde. Le Mans a la chance d’avoir un patrimoine architectural remarquable qui pourrait sans aucun doute être mis davantage en valeur. Ramener de l’animation culturelle de rue (autre que des belles carrosseries, de la musique, du théâtre, par exemple) dans cette ville aurait sans doute un impact culturel et économique moins spectaculaire mais autrement plus enrichissant.
Enfin, ces courses (24 heures auto-moto-camion-karting-tracteurs-et-toutes-les-conneries-à-moteur-qui-en-dérivent ; GP Moto ; Le Mans Classic etc.) sont des hérésies écologiques. Alors qu’on nous gave de développement durable, l’éco-tartuffe Boulard défile comme la reine d’Angleterre dans une vieille bagnole bien lustrée et passe à côté de «son» tram, preuve de la bonne volonté écologiste de la Ville. Mon cul ! Qu’il arrête ses blagues ! Ce tram est un joujou de mode, comme le montre les (re)constructions de trams dans à peu près toutes les villes de France. Pour être «in», il faut son tram. Il faut dire que l’écologie bon teint a fait du bon boulot. En revanche, peu de monde pour s’opposer à cet éloge de la compétition (ah la concurrence, quelle vertu !) et de la dépense inutile d’énergie (plusieurs centaines de milliers de litres d’essence et de diesel). [Au passage, un salut cordial à l’ami Yves Ollivier, seul élu sarthois ouvertement anti-24 heures, en espérant le voir quitter la mascarade écologiste de sa majorité et rejoindre les rangs des simples retraité.e.s, chômeurs et chômeuses manifestement heureu.x.ses, et des autres, qui n’ont que faire de ces vitrines électoralistes.] Au contraire même, on essaie même de nous vendre les 24 heures comme une course qui contribue à l’économie d’énergie ! Une bagnole, ça pollue. Quand elle pollue pour rien et qu’elle pollue beaucoup, on appelle ça de la merde, point barre. Sans compter toute la mise en place des infrastructures, le déplacement des 200'000 spectateurs et spectatrices etc.
Auto-stoppons les 24 heures, c’est une invitation à reprendre nos vies (et notre argent, tant qu’il y en a) en main et à perturber le consensus social fabriqué par les autorités et l’ACO, avec la complicité zélée des feuilles de chous et autres médias locaux et nationaux. Non, messieurs et mesdames, tout le Mans ne rythme pas au son de vos voitures moches et de votre machisme répugnant (cf. l’article de journal «Les bimbos font partie du folklore»). Au Mans, il y a des gens qui galèrent dans des stands à acceuillir des gens soûls comme des barriques pour se faire peloter en servant des petits fours, il y a des gens qui sont bloqués chez eux («pris.es en otage» comme vous dites) par vos conneries, il y a des gens qui se barricadent les fenêtres et les oreilles pour ne pas s’exploser les tympans avec le bruit des moteurs, il y a des gens qui font la fête, qui dansent, qui chantent et qui boivent, pendant et en dehors de vos rendez-vous officiels et qui s’en foutent de tout ce tin-touin. Et ces gens là, messieurs et mesdames, ils constituent de très loin la majorité et ils seraient peut-être contents de voir que quelques-uns vous font chier et perturbent votre grande «fête populaire». Auto-stoppons les 24 heures, c’est aussi une invitation à modifier nos comportements quotidiens, à profiter les dépenses abusives d’énergies pour vivre (l’auto-stop), à prendre les autostoppeurs, à oser ralentir pour rencontrer d’autres gens, d’autres modes de vies, parce qu’un coup de main vaut toujours mieux qu’un coup de pied.
Parce que, nous, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées !
A Wild Snail – Un escargot sauvage
Indymedia Nantes / Courriel, 12 juin 2010.