À propos de l'appel du 13 novembre à Nancy
CR d'une journée antifa merdique
On le sentait. La Lorraine, ça flanque le cafard d'entrée. En plus, il faisait moche, les trams de Nancy sont merdiques, on est arrivés en retard et on s'est fait fouiller par les flics en arrivant… Tout ça comme autant de signes pour nous dire «méfiez-vous».
Ben ça n'a pas loupé, on aurait dû se méfier.
On débarque au rassemblement, et on voit une moitié de soc-dems, ça soigne pas le cafard. Mais bon, au moins, on retrouve dans l'autre moitié quelques copines-copains qui affectionnent plutôt le noir. Vu le nombre, on se dit qu'il y a moyen de faire une manif mais, après 30 minutes à glander là comme des couillons pour les médias (et les passants — les «gens », pardon), le NPA demande qu'on se disperse parce qu'il n'y aura finalement pas de manif des fachos, en ajoutant, «pour ceux qui vont vers la gare» (qui est à peine à 10 minutes de la place Stan), de «faire attention», parce que semblerait-il qu'y'aurait des «affrontements entre jeunes-de-banlieue et FAF».
Bon. Autant dire, que ça met en rage : on est environ 300, même si c’est une rumeur, c’est se foutre de la gueule du monde. Comme quoi, la bonne conscience, ça va vraiment pas loin, et la solidarité oui oui, mais alors pas avec n’importe qui. Finalement, après que toute la frange des socio-pitres se soit éparpillée, la banderole antifa de Nancy commence à se positionner pour partir à la gare. Sauf qu'ils partent pas du tout. Ils attendent. 5 minutes, 10 minutes, 20 minutes, et rien. Je vais demander ce qu'on attend mais le mec qui tient la banderole n'a aucune explication… Bon.
Je rejoins les copines-copains et on gueule «On y va !» plusieurs fois. Et là, miracle, la banderole bouge… de l'autre côté de la place. Nouvelle rumeur : y'a un car de fafs allemands qui vient d'arriver. C'est pour ça qu'on se positionne là. Bon.
Allez, on attend 5 minutes, et là, ça bouge enfin. On quitte la place Stan, et on déboule, bien rangé-e-s, sur… le trottoir. Du coup, je crois qu'on a tous un peu la honte de gueuler «A-A-Antifascista !», «Antifasciste, anticapitaliste !» en rangs serrés sur le trottoir. Bon.
Après avoir fait 500 mètres, on croise quelques cars de CRS (qui auraient pu nous charger bien tranquillou), et on s'engouffre tous sur… le parking d'une MJC. Impasse. Là je vais demander ce qu'il se passe et ce qu'on fout ici, et on me répond qu'en fait on accompagnait les mecs qui sont venus en voiture (ok, on a fait 500 mètres, ils sont plusieurs, la route était toute droite, bref, je sais pas si c'était bien utile d'y aller à 100 en mode «cagoulé» m'enfin). Bon.
Les mecs repartent en voiture, bien devant les flics, qui ont dû s'amuser à relever les plaques d'immatriculation (nous on s'en fout, on n'était pas garés là).
Sur le parking, un anti-fa bien viril gueule «chasseur de fafs !», du coup, on se regroupe vers lui, parce qu'on croit encore que la journée ne sera pas trop pourrie. Le groupe se débrouille pour s'organiser (ah je vois un-e lecteur-ice qui rigole, au fond, là), puis finit par partir (un petit remerciement aux flics qui ne nous ont ni contrôlé ni chargé pendant qu'on taillait le bout de gras dans l'impasse [sic]), toujours en rangs d'oignons sur le trottoir.
Là, les CRS commencent à descendre de leur camion, et nous on a un peu les boules, du coup on se prend au coude à coude, mais comme personne ne suit, on prie pour que les flics soient sympas. Ils le sont : ils nous encadrent devant, derrière et sur les côtés (à gauche, parce qu'à droite, il y a les murs, vu qu'on est toujours sur le trottoir), et on remonte comme ça jusqu'à la place Stan. Bon.
Et là, on croise la nana de l'UNEF en fauteuil roulant, celle qui s'est faite tabassée par de courageux fafs, poussée par un ami à elle, et qui a la peur au ventre parce qu'elle est toute seule et qu'elle ose pas rentrer chez elle. Nous, on s'arrête près d'elle. On est les seul-e-s d'ailleurs.
Là elle nous explique qu'on lui avait demandé de venir ici pour «le symbole», pour qu'elle «cause aux journalistes», ce genre de conneries quoi, mais surtout elle nous explique que les antifas de Nancy auraient dû la «sécuriser» ensuite. Sauf qu'ils sont pas là… Ah si, y'a un pauvre mec du SO (oui, oui, y'avait un SO, comme à la CGT) qui s'arrête un moment pour bafouiller que c'est pas son problème parce qu'il est du SO et qu'il doit rejoindre la manif qui nous a dépassé de 300 mètres (c'est moins guerrier de ramener une nana chez elle). Sur ce, il se casse.
Bon, nous on est un peu emmerdé-e-s, on connaît pas Nancy ni rien, mais on propose de la raccompagner en voiture. On se dirige donc vers là où on était garé, à 6, seul-e-s (la manif «chasse le faf» — pas grand'chose se passera, comme on s'en doute), et on la raccompagne. Et on rentre là d'où on est venu (faut pas déconner quand même).
Merveilleux, non ?
L’Alsace Libertaire, 25 novembre 2010.