Militantisme au quotidien : le collège Henri-Barbusse à Vaulx-en-Velin

Publié le par la Rédaction

Forts de plusieurs victoires syndicales, les membres de la section du collège de Vaulx-en-Velin nous dispensent ici leurs conseils avisés, de la simple distribution de tracts à la grève.

L’animation et le développement d’une section CNT (c’est-à-dire l’expression du ou des syndiqué-e-s CNT sur un lieu de travail) dans un collège ou un lycée est la base de notre «besogne syndicale quotidienne». C’est un enjeu important, voire indispensable pour le développement, l’ancrage et la reconnaissance de notre syndicalisme.
   
Cela passe, en dehors des moments de lutte, par une présence régulière qui tend à affirmer la visibilité de notre syndicat et la lisibilité de notre syndicalisme. L’usage d’outils et d’espaces comme le panneau syndical, la diffusion d’un bulletin ou de tracts réguliers ou encore l’heure d’information syndicale (HIS) en sont des étapes indispensables.
   
Même si toutes ces activités peuvent paraître rébarbatives et qu’on en voit rarement les résultats de façon immédiate, ce sont des étapes nécessaires pour obtenir le soutien, ou au moins la reconnaissance, des collègues et ainsi pouvoir les sensibiliser et les mobiliser lors des moments de lutte.
   
Les remarques et réflexions qui suivent sont le résultat de six ans de pratique et d’expérience de terrain au sein du collège Henri Barbusse (ex-collège de Zone sensible, aujourd’hui classé EP1 «Ambition réussite»), à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue lyonnaise. Créée à la rentrée 2000, la section CNT compte aujourd’hui six membres, et est montée jusqu’à treize membres entre 2001 et 2003.
   
Depuis sa création, elle est l’expression syndicale la plus importante au sein de l’établissement. La baisse d’effectif de la section s’explique non pas par un éloignement de la CNT, mais par les aléas des mutations (ce qui a permis, forts de cette expérience, la création de nouvelles sections dans d’autres établissements) ou par de nouvelles orientations professionnelles pour les adhérent-e-s issu-e-s de la vie scolaire.
   
Cette implantation est le résultat d’un contexte spécifique — celui d’un établissement de Zone sensible composé d’enfants issus d’un milieu populaire et majoritairement de l’immigration, souvent frappé par la précarité et le chômage, auquel sont confrontés des personnels plutôt jeunes — mais aussi d’une pratique syndicale concrète organisée autour des pistes suivantes.

Animer le panneau d’affichage syndical
C’est la preuve du dynamisme du syndicat ou de la section ! La qualité des textes affichés, leur pertinence par rapport à l’actualité et aux luttes principalement menées dans l’éducation sont des gages de sérieux et permettent de diffuser et de populariser nos grilles d’analyse auprès des collègues.
   
Parallèlement, on distribue régulièrement dans chaque casier des collègues le bulletin du syndicat et les tracts appelant à la grève, autour d’une mobilisation ou d’un sujet spécifique (précarité, initiatives interprofessionnelles…).

Organiser des heures d’information syndicale
L’heure d’information syndicale a pour nous deux vocations principales. D’une part, informer et mobiliser les personnels sur des grands thèmes de société en préparation à des journées de grève professionnelle ou interprofessionnelle, par exemple.
   
D’autre part, aborder les questions qui concernent la vie de l’établissement, comme le bilan de la rentrée, ou des problèmes particuliers qui apparaissent en cours d’année. Même lorsque l’HIS est à vocation «générale», on pense toujours à réserver du temps à l’expression des personnels sur leurs problèmes spécifiques. Dans tous les cas, nous prévoyons toujours de faire une petite introduction pour chaque thème afin de «donner le ton» et d’éviter les dérives du type «comptoir de café» ou «boîte à “ralages”». Dans le cas d’une HIS spécifique aux problèmes de l’établissement, nous avons l’habitude d’organiser les interventions en donnant la parole par secteur : vie scolaire, ATOS, enseignants.
   
Pour que l’heure d’info syndicale ait du sens et une éventuelle retombée réelle sur les conditions de travail, on prend du temps pour reformuler les questions ou les demandes dans le but d’élaborer notre intervention en tant que syndicat auprès du chef d’établissement, que nous demandons régulièrement à rencontrer après la tenue de l’HIS. Après avoir été reçus, on rédige systématiquement le compte-rendu des questions posées et des réponses de la direction afin de les distribuer dans tous les casiers des collègues.
    Enfin, l’heure d’information syndicale nous a également permis à de nombreuses reprises de montrer, à un niveau hiérarchique supérieur, que les personnels du collège se concertent et souhaitent agir sur leurs conditions de travail. Des communiqués élaborés et votés lors des HIS permettent de faire connaître l’activité qui règne sur l’établissement. Ils sont souvent doublés à la presse. Suite à ces communiqués, il nous est aussi arrivé de demander des audiences aux administrations citées lorsque nous avions des questions ou problèmes à régler (précarité, décentralisation...). Toutes les informations récoltées lors de ces audiences sont, là aussi, systématiquement diffusées le plus largement possible à l’ensemble des collègues.

Gérer les imprévus au quotidien
Enfin, dans la vie d’une section syndicale, il y a toujours des situations d’imprévus, d’incidents graves qu’il faut essayer d’envisager avec sang froid.
   
Au cours des dernières années, nous avons dû utiliser l’arme de la grève à deux reprises pour des problèmes spécifiques au collège, une fois en début d’année par rapport aux effectifs de certaines classes et une fois pour éviter l’expulsion d’une famille dont deux des enfants étaient scolarisés au collège. Dans de telles situations, il faut apporter beaucoup d’attention à la préparation du mouvement : on déclenche la grève pour gagner, et pour cela il est nécessaire d’être majoritaires.
   
L’échec d’une telle initiative peut avoir des retombées négatives sur la crédibilité de la section auprès des collègues. Pour réussir le mouvement, il faut également associer tous les collègues à sa préparation, faire des prises de parole en salle des profs lors des récréations pour expliquer et débattre des raisons d’une telle action, et surtout procéder à un vote, toujours en salle des profs afin de s’assurer une participation importante des collègues et donner un caractère légitime au mouvement. Dans les deux cas de grève que nous avons menées spécifiquement sur le collège, nous avons obtenu satisfaction dans la journée, la première ayant entraîné plus de 90% des enseignants (l’inspecteur d’académie proposant de nous recevoir dès la fin de matinée !) et la seconde plus de 70%.
   
Dans de telles situations, il faut aussi jouer sur les médias, en les avertissant du mouvement dès la veille et en organisant par exemple une conférence de presse devant le collège en fin de matinée. Bien évidemment, dans ce cas, les collègues grévistes sont mobilisés et présents au collège. Suite à ces réussites, l’arme de la grève a été utilisée plusieurs fois comme menace pour réclamer par exemple la contractualisation de vacataires. Mais attention, quand on menace, il faut s’assurer qu’on a les moyens d’assurer derrière ! Là encore, une bonne solution est de faire voter le principe en HIS ou en salle des profs. Une échéance qui arrive à terme et pour laquelle un «ultimatum» avait été fixé collectivement sera d’autant mieux gérée qu’elle aura été réfléchie et débattue.
   
Par ailleurs, des personnes ont individuellement demandé l’appui du syndicat. Il faut alors bien s’informer de la situation réelle de la personne. La première chose à savoir dans ce cas est qu’elle peut se protéger d’excès d’autorité de la part du supérieur hiérarchique en refusant d’avoir un entretien seul et en l’assistant comme représentant syndical.
   
Toutes ces remarques ne sont que le fruit de notre expérience dans le contexte qui est le nôtre. D’autres existent certainement aussi, correspondant à d’autres réalités. D’autres sont aussi à trouver ou à inventer. L’essentiel reste d’ancrer notre discours et notre projet dans des pratiques syndicales concrètes. C’est peut-être à cette condition que la CNT arrivera à donner de l’ampleur au syndicalisme de lutte et de rupture qui est le sien.

V.F. et D.R., section CNT du collège Henri-Barbusse (Vaulx-en-Velin),
CNT Éducation du Rhône


Article extrait du dernier numéro de la revue N’Autre école,
consacrée aux luttes dans l’éducation

Publié dans Colère ouvrière

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