Syndicalisme et anarchisme aujourd'hui
Rapport Hadas-Lebel, CES… Les États et le patronat cherchent à liquider l’indépendance syndicale
Aux origines du mouvement syndical en France, l’État et le patronat ont d’abord combattu ce qu’ils considéraient comme une menace majeure pour leurs intérêts : le syndicalisme, c’est-à-dire l’organisation des travailleurs et travailleuses pour la défense de leurs intérêts, sur le terrain économique, élargis au terrain sociétal sous l’impulsion des syndicalistes révolutionnaires issus en large part du mouvement anarchiste et allémaniste.
La loi Le Chapelier, promulguée en 1791, au lendemain de la révolution française, proscrit les associations ouvrières au nom de la «liberté d’entreprendre», interdit et réprime les syndicats et les mouvements de grève. Cette loi, qui révèle le caractère bourgeois de la révolution française, permet à l’État de réprimer toutes les tentatives ouvrières de lutter pour de meilleures conditions de travail.
Bien entendu la Restauration n’ayant pas abrogé une loi qui fournissait opportunément à la classe dirigeante le moyen de réprimer toute contestation ouvrière, il a fallut attendre jusqu’à 1864, sous le poids des luttes marquant la fin du second empire, pour voir les syndicats et les grèves tolérés dans une certaine mesure. Le développement du mouvement syndical est alors confronté à une vague de répression comprenant l’arrestation des militants syndicaux, l’envoi de la troupe sur les grévistes (à Fourmies, le 1er mai 1891, la manifestation des mineurs est mitraillée par l’armée, avec 9 morts à la clef).
C’est le rapport de force qui a permis au mouvement syndical de survivre malgré la répression de l’État et du patronat (outre la répression, la mise à l’index, la constitution par les patrons de syndicats jaunes, l’envoi de nervis sur les piquets de grève, les licenciements de militants, etc…).
Avec la prise de contrôle des courants réformistes sur la CGT en 1910, puis la montée en puissance de l’influence du Parti communiste dans la CGT, puis la CGT-U, l’État et le patronat trouvent enfin l’occasion d’attirer le mouvement syndical jusqu’alors fortement marqué par une culture de l’action directe, de l’autonomie ouvrière, sur la voie de l’institutionnalisation.
L’État et les patrons favorisent alors, par le biais des organismes paritaires, la formation et la cristallisation d’une bureaucratie syndicale sur laquelle ils peuvent s’appuyer pour encadrer les grèves de sorte à prévenir tout mouvement d’ampleur qui risquerait de déboucher sur une remise en cause du système politique et économique en place, ou plus directement sur une mise en danger des intérêts fondamentaux des classes dominantes.
Aux origines du mouvement syndical en France, l’État et le patronat ont d’abord combattu ce qu’ils considéraient comme une menace majeure pour leurs intérêts : le syndicalisme, c’est-à-dire l’organisation des travailleurs et travailleuses pour la défense de leurs intérêts, sur le terrain économique, élargis au terrain sociétal sous l’impulsion des syndicalistes révolutionnaires issus en large part du mouvement anarchiste et allémaniste.
La loi Le Chapelier, promulguée en 1791, au lendemain de la révolution française, proscrit les associations ouvrières au nom de la «liberté d’entreprendre», interdit et réprime les syndicats et les mouvements de grève. Cette loi, qui révèle le caractère bourgeois de la révolution française, permet à l’État de réprimer toutes les tentatives ouvrières de lutter pour de meilleures conditions de travail.
Bien entendu la Restauration n’ayant pas abrogé une loi qui fournissait opportunément à la classe dirigeante le moyen de réprimer toute contestation ouvrière, il a fallut attendre jusqu’à 1864, sous le poids des luttes marquant la fin du second empire, pour voir les syndicats et les grèves tolérés dans une certaine mesure. Le développement du mouvement syndical est alors confronté à une vague de répression comprenant l’arrestation des militants syndicaux, l’envoi de la troupe sur les grévistes (à Fourmies, le 1er mai 1891, la manifestation des mineurs est mitraillée par l’armée, avec 9 morts à la clef).
C’est le rapport de force qui a permis au mouvement syndical de survivre malgré la répression de l’État et du patronat (outre la répression, la mise à l’index, la constitution par les patrons de syndicats jaunes, l’envoi de nervis sur les piquets de grève, les licenciements de militants, etc…).
Avec la prise de contrôle des courants réformistes sur la CGT en 1910, puis la montée en puissance de l’influence du Parti communiste dans la CGT, puis la CGT-U, l’État et le patronat trouvent enfin l’occasion d’attirer le mouvement syndical jusqu’alors fortement marqué par une culture de l’action directe, de l’autonomie ouvrière, sur la voie de l’institutionnalisation.
L’État et le patronat soutiennent l’émergence de la bureaucratie
L’État et les patrons favorisent alors, par le biais des organismes paritaires, la formation et la cristallisation d’une bureaucratie syndicale sur laquelle ils peuvent s’appuyer pour encadrer les grèves de sorte à prévenir tout mouvement d’ampleur qui risquerait de déboucher sur une remise en cause du système politique et économique en place, ou plus directement sur une mise en danger des intérêts fondamentaux des classes dominantes.
Ce processus, qui a été contrecarré pendant de longues années par la persistance, à la base du mouvement ouvrier, d’une culture de lutte et d’action directe profondément ancrée (dont l’une des illustrations sont les grèves et occupations d’usines après même que le Front populaire ait amené la gauche aux affaires), s’affirme de manière encore plus forte après 1945. La liquidation de la vieille droite française compromise avec l’occupation, la nécessité de permettre la reconstruction de l’économie française et l’affirmation d’un État très affaibli, la nécessité d’inciter à la productivité et d’augmenter les débouchés pour l’industrie en développement a mené au compromis fordiste des 30 Glorieuses : la prise en charge par l’État d’un certain rôle de régulation sociale, la mise en place d’un système d’assurance sociale, d’abord sous contrôle syndical (75% du CA de la Sécurité sociale dans l’après 45), puis sous le régime du paritarisme (50% patronat, 50% syndicat). Par ce biais, la classe ouvrière a certes bénéficié d’une redistribution à la marge des richesses produites dans un contexte de forte croissance, mais l’État et le patronat ont pu également s’assurer, en engluant une part de l’activité syndicale dans le paritarisme (la quasi totalité des permanents syndicaux, le train de vie de la bureaucratie étant financés par le biais du paritarisme), que la bureaucratie syndicale qu’ils renforçaient serait la garante d’un encadrement des luttes empêchant tout débordement et toute remise en cause globale du système économique et social (empêcher toute généralisation de la lutte, sectoriser les luttes en renforçant les logiques corporatistes, etc…).
La généralisation de la grève, regroupant jusqu’à 12 millions de travailleurs et travailleuses en 1968 a prouvé que malgré tous les moyens employés pour briser toute action réellement collective et à dimension révolutionnaire des travailleurs et travailleuses, les méthodes de luttes héritières du mouvement syndical révolutionnaire et libertaire des origines étaient encore présentes à la base du mouvement syndical et du mouvement ouvrier. Tant et si bien que celles-ci ont retrouvé un temps une seconde jeunesse. La mainmise politicienne, facteur d’affaiblissement du syndicalisme
L’influence politicienne dans le syndicalisme, qu’il s’agisse du Parti communiste, du Parti socialiste ou des groupes gauchistes a sonné de glas de ce renouveau, en détournant le mouvement syndical à des fins électoralistes, ou comme terrain de recrutement pour des avant-gardes autoproclamées.
Un nouveau stade favorisant l’institutionnalisation du mouvement syndical à travers le renforcement des logiques de délégation, de la bureaucratie, le développement d’une logique clientéliste (syndicalisme de service plutôt que syndicat outil d’organisation des travailleurs et travailleuses pour la lutte), a été l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Tant que celle-ci était dans l’opposition, les militants syndicaux qui lui étaient liés étaient nécessairement actifs dans une logique de contre-pouvoir. Une fois la gauche au pouvoir, la gauche a non seulement considérablement renforcé, en même temps qu’elle commençait à liquider le secteur public, le nombre de permanents sous prétexte de «dialogue social», et a de ce fait accentué la logique de délégation, de professionnalisation du syndicalisme. Mais elle a également permis à toute une partie de la bureaucratie syndicale d’accéder aux arcanes du pouvoir. Celle-ci en retour, pour ne pas «gêner les camarades au gouvernement», a en revanche soigneusement évité de jouer un rôle de contre-pouvoir alors même que la gauche entamait, sous le prétexte du «réalisme» et de l’adaptation aux «réalités du marché», la dérégulation du droit du travail, les logiques de privatisation et de liquidation des droits des travailleuses et travailleurs.
L’explosion du chômage organisée par le patronat (avec l’appui tacite ou explicite, selon les cas, de l’État «socialiste»), a encore contribué à affaiblir la présence syndicale dans les entreprises, parallèlement à une chute de l’activité militante sous l’effet de l’état de grace (la confiance d’une partie des militant-e-s dans la capacité du nouveau gouvernement de «changer la vie»), de l’offensive idéologique capitaliste («ringardisation des luttes», suppression de toute référence de classe), de la fin de l’illusion soviétique.
Les sursauts de la base syndicale, dorénavant placée dans une position défensive, en 1986, 1995 et 2003 se sont heurtés à chaque fois de front à la bureaucratie syndicale, qui a tout fait pour empêcher une riposte à la mesure des attaques. Cette volonté d’empêcher toute généralisation de la lutte, d’enfermer les luttes syndicales dans le corporatisme et dans une logique de lobbying (on appelle à «l’opinion publique» plutôt que de taper au portefeuille des patrons), est le résultats de plusieurs facteurs :
Malgré ce processus d’institutionnalisation toujours plus fort (le terme de «partenaires sociaux» utilisé pour désigner le patronat et les syndicats nous amène bien loin du «on ne s’assoie pas à une table qu’on rêve de renverser» d’Émile Pouget, secrétaire général de la CGT et anarchiste dans la période 1895-1906), des luttes continuent d’être impulsées. Soit par des militant-e-s ou des sections syndicales de base, affiliées à des confédérations syndicales réformistes mais restées attachées à un syndicalisme de lutte de classe et combatif, soit par des syndicats «alternatifs» (Union Solidaires) soit par des syndicats anarchosyndicalistes ou syndicalistes révolutionnaires, soit enfin par des non syndiqué-e-s regroupées en collectifs ou coordinations souvent de nature «para-syndicale».
Ce sont à ces germes potentiels de renouvellement d’un syndicalisme indépendant, de lutte, de classe et de masse, que l’État et le patronat veulent s’attaquer, en profitant d’une période de faiblesse du mouvement syndical combatif et des contre-pouvoirs en général.
Les attaques sur le droit de grève, sous la forme du «service minimum » sont le premier élément de cette offensive, qui vise à priver le mouvement syndical et les travailleuses et travailleurs de tout outil efficace de lutte, en les cantonnant dans le lobbying.
La seconde attaque consiste dans le renforcement de la législation qui réprime les libertés syndicales sous prétexte de «représentativité». En effet, la loi Perben limite déjà aujourdhui dans le public les droits syndicaux pour les organisations qui refusent de participer à la logique de cogestion. Dans le privé, seules 5 confédérations ont accès aux droits syndicaux sans avoir à faire la preuve de leur «représentativité» reconnue comme irréfragable. Pour les autres organisations, c’est à la seule condition de la «représentativité» (obtennue notamment au travers de la participation aux élections professionnelles) qu’elles ont accès aux droits minimaux. La liberté d’organisation dans les entreprises se heurte à la logique répressive de l’État.
Le rapport Hadas-Lebel va plus loin, en réformant les critères de représentativité, et en renforçant le poids des élections professionnelles et de la participation au paritarisme dans l’obtention de droits syndicaux minimaux. Il propose de soumettre la représentativité au critère des élections professionnelles, en renforçant ainsi la logique d’un syndicalisme d’accompagnement, les bureaucraties syndicales ayant plutôt intérêt à s’aligner sur la majorité passive que sur la minorité combative. Plus encore, il fixe le «respect des valeurs républicaines» comme critère de représentativité, ce qui ouvre la possibilité d’une liquidation légale des organisations syndicales révolutionnaires, sous ce prétexte.
La volonté affichée est de réduire le nombre d’organisations syndicales (et donc le coût d’entretien pour le patronat des bureaucraties syndicales : après avoir profité de la division syndicale pour affaiblir le mouvement syndical, l’affaire cesse d’être suffisemment «rentable»), mais aussi de favoriser l’évolution cogestionnaire et réformiste des organisations syndicales en renforçant le pouvoir de la bureaucratie, en privant les petites organisations alternatives ou révolutionnaires de toute possibilité d’expression d’action et d’organisation.
Nous ne pouvons que nous opposer à ces attaques, non pour défendre une situation antérieure déjà très défavorable aux travailleuses et aux travailleurs, non pour défendre les bureaucraties syndicales, mais pour défendre l’indépendance syndicale face à l’État, aux politiciens et au patronat, pour défendre les libertés d’expression, d’organisation et d’action des travailleuses et travailleurs dans et en dehors des lieux de travail. Cet axe de lutte semble plus porteur que la cristallisation autour de la notion de «représentativité ».
Qu’un syndicat soit ou non «représentatif» n’est pas en soi un enjeu : ce qu’il doit être c’est un outil efficace pour la défense des intérêts des travailleurs-euses. En ce sens la conquête de la «représentativité légale» n’est pour nous qu’une question de tactique pour pouvoir s’organiser et agir dans un contexte répressif. Nous travaillons, avec d’autres, au renouvellement de luttes syndicales d’action directe, indépendantes, qui seules peuvent faire barrage au rouleau compresseur capitaliste et étatique.
L’explosion du chômage organisée par le patronat (avec l’appui tacite ou explicite, selon les cas, de l’État «socialiste»), a encore contribué à affaiblir la présence syndicale dans les entreprises, parallèlement à une chute de l’activité militante sous l’effet de l’état de grace (la confiance d’une partie des militant-e-s dans la capacité du nouveau gouvernement de «changer la vie»), de l’offensive idéologique capitaliste («ringardisation des luttes», suppression de toute référence de classe), de la fin de l’illusion soviétique.
Les sursauts de la base syndicale, dorénavant placée dans une position défensive, en 1986, 1995 et 2003 se sont heurtés à chaque fois de front à la bureaucratie syndicale, qui a tout fait pour empêcher une riposte à la mesure des attaques. Cette volonté d’empêcher toute généralisation de la lutte, d’enfermer les luttes syndicales dans le corporatisme et dans une logique de lobbying (on appelle à «l’opinion publique» plutôt que de taper au portefeuille des patrons), est le résultats de plusieurs facteurs :
— La bureaucratie défend ses intérêts en ce sens qu’elle ne peut mordre la main qui la nourrit : le système cogestionnaire et paritaire est une source de financement des permanents syndicaux.
— Quand bien même elle semble avoir la «volonté» de lutter (craignant que du fait de la démolition de statuts elle n’ait même plus de raison d’être aux yeux du patronat), elle a une telle évaluation tronquée du rapport de force (question d’opinion et non de capacité de nuisance), une telle déconnexion des luttes réelles qu’elle a employées à casser lorsqu’elles dépassaient l’échelon local ou touchaient à des intérêts stratégiques du patronat, qu’elle est incapable d’organiser une lutte victorieuse.
— La bureaucratie est liée pour partie à des réseaux politiques qui n’ont aucun intérêt à une victoire des travailleurs et travailleuses par le biais de l’action directe (ce qui révelerait leur caractère inutile voire nuisible).
— Quand bien même elle semble avoir la «volonté» de lutter (craignant que du fait de la démolition de statuts elle n’ait même plus de raison d’être aux yeux du patronat), elle a une telle évaluation tronquée du rapport de force (question d’opinion et non de capacité de nuisance), une telle déconnexion des luttes réelles qu’elle a employées à casser lorsqu’elles dépassaient l’échelon local ou touchaient à des intérêts stratégiques du patronat, qu’elle est incapable d’organiser une lutte victorieuse.
— La bureaucratie est liée pour partie à des réseaux politiques qui n’ont aucun intérêt à une victoire des travailleurs et travailleuses par le biais de l’action directe (ce qui révelerait leur caractère inutile voire nuisible).
— L’engluement dans le syndicalisme de service, d’accompagnement des réformes capitalistes dont témoigne l’adhésion d’une grande partie des confédérations syndicales françaises à la Confédération Européenne des Syndicats, rend la perspective d’une lutte pour la défense des intérêts réels des travailleurs et travailleuses (lutte réelle contre la précarisation, contre les licenciements, pour la réduction du temps de travail sans flexibilisation, etc…) inenvisageable pour des bureaucraties trop habituées à négocier la régression sociale. À force de se retrouver plus souvent dans les salons des ministères qu’au côté des syndiqués, ne partageant plus la réalité du monde du travail parce que permanents, les bureaucrates ont finis par oublier ce à quoi ressemble une lutte.
L’institutionnalisation du syndicalisme, un enjeu pour l’État et le patronat
Malgré ce processus d’institutionnalisation toujours plus fort (le terme de «partenaires sociaux» utilisé pour désigner le patronat et les syndicats nous amène bien loin du «on ne s’assoie pas à une table qu’on rêve de renverser» d’Émile Pouget, secrétaire général de la CGT et anarchiste dans la période 1895-1906), des luttes continuent d’être impulsées. Soit par des militant-e-s ou des sections syndicales de base, affiliées à des confédérations syndicales réformistes mais restées attachées à un syndicalisme de lutte de classe et combatif, soit par des syndicats «alternatifs» (Union Solidaires) soit par des syndicats anarchosyndicalistes ou syndicalistes révolutionnaires, soit enfin par des non syndiqué-e-s regroupées en collectifs ou coordinations souvent de nature «para-syndicale».
Ce sont à ces germes potentiels de renouvellement d’un syndicalisme indépendant, de lutte, de classe et de masse, que l’État et le patronat veulent s’attaquer, en profitant d’une période de faiblesse du mouvement syndical combatif et des contre-pouvoirs en général.
Les attaques sur le droit de grève, sous la forme du «service minimum » sont le premier élément de cette offensive, qui vise à priver le mouvement syndical et les travailleuses et travailleurs de tout outil efficace de lutte, en les cantonnant dans le lobbying.
La seconde attaque consiste dans le renforcement de la législation qui réprime les libertés syndicales sous prétexte de «représentativité». En effet, la loi Perben limite déjà aujourdhui dans le public les droits syndicaux pour les organisations qui refusent de participer à la logique de cogestion. Dans le privé, seules 5 confédérations ont accès aux droits syndicaux sans avoir à faire la preuve de leur «représentativité» reconnue comme irréfragable. Pour les autres organisations, c’est à la seule condition de la «représentativité» (obtennue notamment au travers de la participation aux élections professionnelles) qu’elles ont accès aux droits minimaux. La liberté d’organisation dans les entreprises se heurte à la logique répressive de l’État.
Le rapport Hadas-Lebel va plus loin, en réformant les critères de représentativité, et en renforçant le poids des élections professionnelles et de la participation au paritarisme dans l’obtention de droits syndicaux minimaux. Il propose de soumettre la représentativité au critère des élections professionnelles, en renforçant ainsi la logique d’un syndicalisme d’accompagnement, les bureaucraties syndicales ayant plutôt intérêt à s’aligner sur la majorité passive que sur la minorité combative. Plus encore, il fixe le «respect des valeurs républicaines» comme critère de représentativité, ce qui ouvre la possibilité d’une liquidation légale des organisations syndicales révolutionnaires, sous ce prétexte.
La volonté affichée est de réduire le nombre d’organisations syndicales (et donc le coût d’entretien pour le patronat des bureaucraties syndicales : après avoir profité de la division syndicale pour affaiblir le mouvement syndical, l’affaire cesse d’être suffisemment «rentable»), mais aussi de favoriser l’évolution cogestionnaire et réformiste des organisations syndicales en renforçant le pouvoir de la bureaucratie, en privant les petites organisations alternatives ou révolutionnaires de toute possibilité d’expression d’action et d’organisation.
Une contribution anarchiste
à la défense du syndicalisme d’action directe
et de l’indépendance syndicale
à la défense du syndicalisme d’action directe
et de l’indépendance syndicale
Nous ne pouvons que nous opposer à ces attaques, non pour défendre une situation antérieure déjà très défavorable aux travailleuses et aux travailleurs, non pour défendre les bureaucraties syndicales, mais pour défendre l’indépendance syndicale face à l’État, aux politiciens et au patronat, pour défendre les libertés d’expression, d’organisation et d’action des travailleuses et travailleurs dans et en dehors des lieux de travail. Cet axe de lutte semble plus porteur que la cristallisation autour de la notion de «représentativité ».
Qu’un syndicat soit ou non «représentatif» n’est pas en soi un enjeu : ce qu’il doit être c’est un outil efficace pour la défense des intérêts des travailleurs-euses. En ce sens la conquête de la «représentativité légale» n’est pour nous qu’une question de tactique pour pouvoir s’organiser et agir dans un contexte répressif. Nous travaillons, avec d’autres, au renouvellement de luttes syndicales d’action directe, indépendantes, qui seules peuvent faire barrage au rouleau compresseur capitaliste et étatique.
SAM (Seine-Saint-Denis)
Quelle implication anarchiste dans le mouvement syndical actuel ?
Dans un contexte de profonde évolution du syndicalisme, qui s’exprime par le passage d’un syndicalisme de lutte à un syndicalisme de service, de négociation voire de cogestion, les militants anarchistes doivent se poser la question des choix et des formes d’implication, même si certaines grandes réflexions sur le sens et la nature du syndicalisme, comme lors du congrès anarchiste d’Amsterdam en 1907, sont toujours d’actualité. Néanmoins, il est toujours nécessaire d’analyser le monde dans lequel nous intervenons et il s’agit bien de définir des perspectives pour une intervention anarchiste dans le mouvement syndical afin de ne pas se limiter à être de bons militants de terrain, à être les petits bras de logiques qui finalement nous échappent. Nous ne pouvons pas nous passer de cette réflexion, ni même en rester au statut quo comme quoi «toutes les expériences sont bonnes à prendre» alors que le mouvement syndical bouge autour de nous, que la place, les idées et les pratiques des libertaires ont bougé aussi en son sein.
Si nous ne pouvons pas nous limiter au fait que «toutes les expériences sont bonnes à prendre», il est tout aussi évident qu’il ne s’agit pas «de donner la leçon», de définir une position d’intervention dans le monde syndical que toutes et tous devraient mettre en œuvre.
Une telle position ne ferait que nous couper de nombreuses expériences de terrain, rappelons au passage que l’expérimentation plus que le dogme a toujours été la démarche privilégiée par les libertaires, de possibilités d’interventions et de diffusions de nos idées et pratiques auprès de nombreux travailleurs et risquerait de nous enfermer rapidement dans un discours incantatoire stérile. Si nos choix et préférences syndicales doivent logiquement aller vers les organisations qui développent des pratiques et un discours les plus proches possible des valeurs anarchosyndicalistes et/ou syndicalistes révolutionnaires, qui nous sont chères, la réalité est plus complexe.
Bien souvent une adhésion et une implication syndicale ne se font pas dans l’absolu mais en lien avec une réalité professionnelle et d’entreprise. Le choix est donc souvent en partie déterminé par la réalité et les possibilités offertes sur son lieu de travail. Lorsqu’il existe déjà une tradition syndicale et de lutte, la pertinence semble alors d’aller là où sont déjà groupés le maximum de collègues sur les bases les plus combatives, en gardant toujours à l’idée que l’objectif est d’y favoriser les pratiques d’autoorganisation, de démocratie et d’action directe. Néanmoins, ce type d’intervention dans des sections syndicales adhérentes à de grandes confédérations ne doit pas nous empêcher, bien au contraire, de poser le problème voire de favoriser la rupture lorsque l’appareil freine, bloque ou s’oppose aux luttes à la base comme ce fut le cas avec la CFDT en 1995 ou la CGT en 2003. Il peut alors être envisagé dans ces conditions de faire émerger un autre syndicalisme pouvant passer par l’adhésion à d’autres organisations plus clairement sur les bases que nous prônons. Dans le cas d’entreprises où il n’existe aucune implantation ou tradition syndicale, où alors celle d’un «syndicalisme maison», il peut être possible de directement faire émerger des structures sur les bases nous étant les plus propres si certains collègues expriment une combativité suffisante.
On assiste à la permanence voire la réaffirmation d’un syndicalisme qui s’inscrit dans la tradition de la Charte d’Amiens, dont on a célébré le centenaire fin 2006, et donc de la reconnaissance de la lutte des classes. Il peut être porté par des sections combatives et refusant l’évolution interne en cours de la CGT, par des syndicats SUD ou, même s’il est encore timide, par le développement et l’écho de la CNT. Ce syndicalisme est un syndicalisme de classe, de lutte et de transformation sociale au sens où il est porteur d’un autre projet de société (antilibérale pour certains, anticapitaliste pour d’autres). Ce type de syndicalisme est celui sur lequel on peut s’appuyer et doivent développer aujourd’hui les militants anarchistes pour redonner des outils de lutte au monde du travail et des perspectives au mouvement social.
Ce syndicalisme que nous devons porter doit être basé et animé par des idées essentielles :
Face aux évolutions du paysage syndical actuel, il semble alors nécessaire d’assumer une rupture avec les bureaucraties syndicales et les évolutions en cours. Cela passe bien sur par le refus d’y participer et par le développement de pratiques et de dynamiques favorisant d’autres formes d’expressions syndicales.
L’objectif est donc, tout en respectant nos diversités d’implications et d’implantation, de favoriser la rupture avec les logiques cogestionnaires du syndicalisme afin de faire émerger une réelle force, ou du moins de réelles dynamiques, anarcho-syndicalistes à partir de l’existant, par développement ou par recomposition.
Quelle implication anarchiste dans le mouvement syndical actuel ?
Dans un contexte de profonde évolution du syndicalisme, qui s’exprime par le passage d’un syndicalisme de lutte à un syndicalisme de service, de négociation voire de cogestion, les militants anarchistes doivent se poser la question des choix et des formes d’implication, même si certaines grandes réflexions sur le sens et la nature du syndicalisme, comme lors du congrès anarchiste d’Amsterdam en 1907, sont toujours d’actualité. Néanmoins, il est toujours nécessaire d’analyser le monde dans lequel nous intervenons et il s’agit bien de définir des perspectives pour une intervention anarchiste dans le mouvement syndical afin de ne pas se limiter à être de bons militants de terrain, à être les petits bras de logiques qui finalement nous échappent. Nous ne pouvons pas nous passer de cette réflexion, ni même en rester au statut quo comme quoi «toutes les expériences sont bonnes à prendre» alors que le mouvement syndical bouge autour de nous, que la place, les idées et les pratiques des libertaires ont bougé aussi en son sein.
Partir de la réalité de terrain avant tout
Si nous ne pouvons pas nous limiter au fait que «toutes les expériences sont bonnes à prendre», il est tout aussi évident qu’il ne s’agit pas «de donner la leçon», de définir une position d’intervention dans le monde syndical que toutes et tous devraient mettre en œuvre.
Une telle position ne ferait que nous couper de nombreuses expériences de terrain, rappelons au passage que l’expérimentation plus que le dogme a toujours été la démarche privilégiée par les libertaires, de possibilités d’interventions et de diffusions de nos idées et pratiques auprès de nombreux travailleurs et risquerait de nous enfermer rapidement dans un discours incantatoire stérile. Si nos choix et préférences syndicales doivent logiquement aller vers les organisations qui développent des pratiques et un discours les plus proches possible des valeurs anarchosyndicalistes et/ou syndicalistes révolutionnaires, qui nous sont chères, la réalité est plus complexe.
Bien souvent une adhésion et une implication syndicale ne se font pas dans l’absolu mais en lien avec une réalité professionnelle et d’entreprise. Le choix est donc souvent en partie déterminé par la réalité et les possibilités offertes sur son lieu de travail. Lorsqu’il existe déjà une tradition syndicale et de lutte, la pertinence semble alors d’aller là où sont déjà groupés le maximum de collègues sur les bases les plus combatives, en gardant toujours à l’idée que l’objectif est d’y favoriser les pratiques d’autoorganisation, de démocratie et d’action directe. Néanmoins, ce type d’intervention dans des sections syndicales adhérentes à de grandes confédérations ne doit pas nous empêcher, bien au contraire, de poser le problème voire de favoriser la rupture lorsque l’appareil freine, bloque ou s’oppose aux luttes à la base comme ce fut le cas avec la CFDT en 1995 ou la CGT en 2003. Il peut alors être envisagé dans ces conditions de faire émerger un autre syndicalisme pouvant passer par l’adhésion à d’autres organisations plus clairement sur les bases que nous prônons. Dans le cas d’entreprises où il n’existe aucune implantation ou tradition syndicale, où alors celle d’un «syndicalisme maison», il peut être possible de directement faire émerger des structures sur les bases nous étant les plus propres si certains collègues expriment une combativité suffisante.
Quelles alternatives syndicales ?
On assiste à la permanence voire la réaffirmation d’un syndicalisme qui s’inscrit dans la tradition de la Charte d’Amiens, dont on a célébré le centenaire fin 2006, et donc de la reconnaissance de la lutte des classes. Il peut être porté par des sections combatives et refusant l’évolution interne en cours de la CGT, par des syndicats SUD ou, même s’il est encore timide, par le développement et l’écho de la CNT. Ce syndicalisme est un syndicalisme de classe, de lutte et de transformation sociale au sens où il est porteur d’un autre projet de société (antilibérale pour certains, anticapitaliste pour d’autres). Ce type de syndicalisme est celui sur lequel on peut s’appuyer et doivent développer aujourd’hui les militants anarchistes pour redonner des outils de lutte au monde du travail et des perspectives au mouvement social.
Ce syndicalisme que nous devons porter doit être basé et animé par des idées essentielles :
— L’action et la démocratie directe (c’est-à-dire le refus de toutes formes de délégation de pouvoir dans le syndicat comme dans les luttes et de bureaucratisation).
— D’organisation, de solidarités et de perspectives interprofessionnelles, seules dynamiques révolutionnaires. C’est développer l’idée que le syndicalisme est une organisation de lutte mais aussi une école d’émancipation et base de réorganisation sociale.
— L’autonomie du mouvement social comme refus des conceptions social-démocrates visant à diviser le travail entre syndicalisme et représentation politique, seule détentrice de projet social et des voies pour y parvenir.
— D’organisation, de solidarités et de perspectives interprofessionnelles, seules dynamiques révolutionnaires. C’est développer l’idée que le syndicalisme est une organisation de lutte mais aussi une école d’émancipation et base de réorganisation sociale.
— L’autonomie du mouvement social comme refus des conceptions social-démocrates visant à diviser le travail entre syndicalisme et représentation politique, seule détentrice de projet social et des voies pour y parvenir.
Face aux évolutions du paysage syndical actuel, il semble alors nécessaire d’assumer une rupture avec les bureaucraties syndicales et les évolutions en cours. Cela passe bien sur par le refus d’y participer et par le développement de pratiques et de dynamiques favorisant d’autres formes d’expressions syndicales.
L’objectif est donc, tout en respectant nos diversités d’implications et d’implantation, de favoriser la rupture avec les logiques cogestionnaires du syndicalisme afin de faire émerger une réelle force, ou du moins de réelles dynamiques, anarcho-syndicalistes à partir de l’existant, par développement ou par recomposition.
Groupe KRONSTADT (Lyon)