Petit compte-rendu à larrache sur les quatre de Gare du Nord du 29 mars
L’après-midi avait mal commencé, avec pas mal de ferme qui était tombé ; situation banale, à vrai dire, pour les comparutions immédiates. Après une suspension de séance (à je ne sais quelle heure : 17 heures ?) commence les comparutions de ceux de Gare du Nord.
Le premier, c’est Abdoukarim, dans la vingtaine. Il est sans-papier, il dit qu’il n’a jamais fait de démarche de régularisation. Dans la version du juge, il a été désigné par un chef de service aux flics comme ayant déjà jeté des projectiles, puis mis sous surveillance. Les flics l’auraient alors vu, à leur tour jeter des projectiles métalliques de grosse taille (genre des trépieds de panneau d’indication,etc.). De son côté, Abdoukarim nie les faits, affirme qu’il ne faisait que passer. La salle peut voir qu’il a l’air assez tranquille. Le proc’ se sent obligé de dresser le portrait de l’émeutier redoutable, à double-face : «d’un côté, il est doux ; de l’autre, il peut être très violent». Puis il a cette image à propos du rôle de la police et des militaires au sein de la Gare : que cette dernière ne soit pas «une cage de Faraday» dans laquelle l’électricité liée au contrôle ou aux interpellations ne se condense et se maintienne. L’avocat commis d’office se contente presque uniquement de dire qu’il s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Le proc’ demande six mois ferme et le dépôt. Il fera finalement quatre mois de taule, à partir de ce soir.
Le second se nomme Brice, il a un peu plus de vingt ans. Il est étudiant en première année d’économie à Paris-X Nanterre. Comme Abdoukarim, son casier est vierge. Lui aussi a été désigné, puis surveillé, puis interpellé, cette fois en dehors de la gare, rue de Dunkerque, vers 23h15. Il affirme qu’il avait jeté une canette sur la foule, vers des potes, et non vers les flics. Pour son avocat, il s’agit de la maladresse d’un enfant de 19 ans, récupérables, qui mériterait surtout des TIG car les «faits qui lui sont reprochés sont graves» (je rappelle qu’il ne s’agit que d’une cannette…). Le proc’ a à peu près dit la même chose, reprochant cette fois à Brice de mentir et de raconter n’importe quoi. Il s’interroge sur l’existence de passant à 23h à Gare du Nord le soir, lui qui n’a jamais dû poser son cul dans les transports en commun de toute sa vie. Il demande six mois ferme, avec mandat de dépôt. Ce sera finalement, comme pour Abdoukarim, quatre mois, et dès ce soir.
Sofiane arrive en troisième. Il a dix huit ans, fait tout jeune. Il s’est fait choper avec une paire de pompes volée dans son sac. Il est en BEP d’électricité, sa famille est là dans la salle, il a toutes les garanties de représentation. Le proc’ l’accuse de saccage, même si, selon Sofiane (par l’intermédiare de son avocat), les films de la Gare du Nord, devraient pouvoir démontrer qu’il n’a pas participé au pillage du Foot Locker. Sa personnalité, ces belles personnes du tribunal croient pouvoir l’énoncer facilement : il serait d’une «immaturité certaine» et, bien qu’apparemment très «gentil», il peut devenir très «hostile» pendant l’émeute. Sofiane refuse la comparution immédiate : l’enjeu est donc, pour le tribunal, de déterminer si oui ou non on peut le laisser libre jusqu’à son procès. L’avocate demande aussi un complément d’information pour avoir la vidéo du pillage du Foot Locker. Ce sera le dépôt pour Sofiane en l’attente de son procès, qui aura lieu le 23 avril. Sûrement un début de casier pour lui aussi.
Le dernier, c’est Mohammed. Il a un peu plus de 25 ans, avec une formation de boulanger. On lui reproche d’avoir jeté des chaussures contre les flics, sans qu’aucun de ces derniers n’ait été touché (la même chose pour les autres, d’ailleurs : pas de plainte spécifique de flics cette fois-ci…). En relisant le document de GAV, le juge relève le jugement porté par Mohammed sur l’usage disproportionné de la force par les flics, alors qu’il y a des enfants, de simples passagers. Le juge s’étonne d’un tel jugement alors qu’il ne devait pas y avoir grand monde puisque les «forces de police sécurisaient la zone». Il lui demande alors : «qui êtes-vous pour avoir une approche critique ou une réflexion sur l’action de la police ?». L’avocate est pas mal cette fois : sa plaidoirie essaie de rendre compte du contexte émeutier, de la permanence de la stigmatisation et des contrôles. Elle justifie ce «geste de colère» (selon l’expression de Mohammed) et refuse le qualificatif évidemment stupide du proc’ qui parle de geste imbécile. À la différence des autres, Mohammed a reconnu les faits, tout en les justifiant. Il affirme qu’il regrette. C’est lui qui s’en sort le mieux, avec quatre mois avec sursis.
Une journée bien pourrie, à vrai dire, avec des journalistes qui bourdonnent comme des mouches autour d’une bouse, avec leurs grosses caméras et leurs petits airs visqueux. Une journée violente aussi, dans laquelle la moitié des prévenus de Gare du Nord se sont pris du ferme pour rien du tout, et un troisième se retrouve au dépôt en attente de procès. Et toujours cette théâtralité stérile, ces jugements psychologisants complètement foireux et ces juges qui vivent dans des bulles de classe.
Le premier, c’est Abdoukarim, dans la vingtaine. Il est sans-papier, il dit qu’il n’a jamais fait de démarche de régularisation. Dans la version du juge, il a été désigné par un chef de service aux flics comme ayant déjà jeté des projectiles, puis mis sous surveillance. Les flics l’auraient alors vu, à leur tour jeter des projectiles métalliques de grosse taille (genre des trépieds de panneau d’indication,etc.). De son côté, Abdoukarim nie les faits, affirme qu’il ne faisait que passer. La salle peut voir qu’il a l’air assez tranquille. Le proc’ se sent obligé de dresser le portrait de l’émeutier redoutable, à double-face : «d’un côté, il est doux ; de l’autre, il peut être très violent». Puis il a cette image à propos du rôle de la police et des militaires au sein de la Gare : que cette dernière ne soit pas «une cage de Faraday» dans laquelle l’électricité liée au contrôle ou aux interpellations ne se condense et se maintienne. L’avocat commis d’office se contente presque uniquement de dire qu’il s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Le proc’ demande six mois ferme et le dépôt. Il fera finalement quatre mois de taule, à partir de ce soir.
Le second se nomme Brice, il a un peu plus de vingt ans. Il est étudiant en première année d’économie à Paris-X Nanterre. Comme Abdoukarim, son casier est vierge. Lui aussi a été désigné, puis surveillé, puis interpellé, cette fois en dehors de la gare, rue de Dunkerque, vers 23h15. Il affirme qu’il avait jeté une canette sur la foule, vers des potes, et non vers les flics. Pour son avocat, il s’agit de la maladresse d’un enfant de 19 ans, récupérables, qui mériterait surtout des TIG car les «faits qui lui sont reprochés sont graves» (je rappelle qu’il ne s’agit que d’une cannette…). Le proc’ a à peu près dit la même chose, reprochant cette fois à Brice de mentir et de raconter n’importe quoi. Il s’interroge sur l’existence de passant à 23h à Gare du Nord le soir, lui qui n’a jamais dû poser son cul dans les transports en commun de toute sa vie. Il demande six mois ferme, avec mandat de dépôt. Ce sera finalement, comme pour Abdoukarim, quatre mois, et dès ce soir.
Sofiane arrive en troisième. Il a dix huit ans, fait tout jeune. Il s’est fait choper avec une paire de pompes volée dans son sac. Il est en BEP d’électricité, sa famille est là dans la salle, il a toutes les garanties de représentation. Le proc’ l’accuse de saccage, même si, selon Sofiane (par l’intermédiare de son avocat), les films de la Gare du Nord, devraient pouvoir démontrer qu’il n’a pas participé au pillage du Foot Locker. Sa personnalité, ces belles personnes du tribunal croient pouvoir l’énoncer facilement : il serait d’une «immaturité certaine» et, bien qu’apparemment très «gentil», il peut devenir très «hostile» pendant l’émeute. Sofiane refuse la comparution immédiate : l’enjeu est donc, pour le tribunal, de déterminer si oui ou non on peut le laisser libre jusqu’à son procès. L’avocate demande aussi un complément d’information pour avoir la vidéo du pillage du Foot Locker. Ce sera le dépôt pour Sofiane en l’attente de son procès, qui aura lieu le 23 avril. Sûrement un début de casier pour lui aussi.
Le dernier, c’est Mohammed. Il a un peu plus de 25 ans, avec une formation de boulanger. On lui reproche d’avoir jeté des chaussures contre les flics, sans qu’aucun de ces derniers n’ait été touché (la même chose pour les autres, d’ailleurs : pas de plainte spécifique de flics cette fois-ci…). En relisant le document de GAV, le juge relève le jugement porté par Mohammed sur l’usage disproportionné de la force par les flics, alors qu’il y a des enfants, de simples passagers. Le juge s’étonne d’un tel jugement alors qu’il ne devait pas y avoir grand monde puisque les «forces de police sécurisaient la zone». Il lui demande alors : «qui êtes-vous pour avoir une approche critique ou une réflexion sur l’action de la police ?». L’avocate est pas mal cette fois : sa plaidoirie essaie de rendre compte du contexte émeutier, de la permanence de la stigmatisation et des contrôles. Elle justifie ce «geste de colère» (selon l’expression de Mohammed) et refuse le qualificatif évidemment stupide du proc’ qui parle de geste imbécile. À la différence des autres, Mohammed a reconnu les faits, tout en les justifiant. Il affirme qu’il regrette. C’est lui qui s’en sort le mieux, avec quatre mois avec sursis.
Une journée bien pourrie, à vrai dire, avec des journalistes qui bourdonnent comme des mouches autour d’une bouse, avec leurs grosses caméras et leurs petits airs visqueux. Une journée violente aussi, dans laquelle la moitié des prévenus de Gare du Nord se sont pris du ferme pour rien du tout, et un troisième se retrouve au dépôt en attente de procès. Et toujours cette théâtralité stérile, ces jugements psychologisants complètement foireux et ces juges qui vivent dans des bulles de classe.